Byblos
par Fulvio Roiter, 1980, Conseil N. de Tourisme au
Liban
Aucun site ne parle autant à l'imagination
que l’antique Gebal, aujourd’hui Jbeil
(en arabe la petite montagne). D’un seul regard,
vision prodigieuse, fulgurante, c’est une remontée
vertigineuse de près de 7.000 ans. Les hommes
du néolithique y ont fondé, à
l’aurore des temps, une des premières
communautés urbaines de l’histoire.
Au
seuil de l’âge d’or, vers 3200,
Les Giblites abattaient déjà les cèdres
des montagnes environnantes. Ils s’en servaient
pour construire des vaisseaux, tailler les colonnes
de leurs maisons et celles, plus importantes, de leurs
temples. Egyptiens et Assyriens utilisaient, eux aussi,
le bois sacré qu’on retrouve à
Memphis, Thèbes et Ninive. On se fera une idée
de l’importance de ces échanges en se
referant aux récits des scribes égyptiens
sous le pharaon Snefrou (vers 2650) qui mentionnaient
l’arrivée d’une quarantaine de
bateaux transportant leur précieuse cargaison.
Ces
mêmes bateaux ramenaient du cuivre de Chypre,
de l’ébène et de l’or du
Soudan et du lapis-lazuli de la Bactriane. Dès
le 3e millénaire, les maisons sont construites
en pierre et non plus en terre crue et roseaux. Elles
comportent plusieurs pièces. A partir de 2800,
les temples s’agrandissent. C’est bientôt
l’avènement d’une classe moyenne
aisée. Dans la période amorite (2150-2000),
on assiste à l’immigration de gens de
culture moins raffinée qui ruinent le système
urbain de Gebal ; les tombes royales sont enfouies
profondément sous terre à l’abri
des regards de l’homme du peuple. C’est
la période du temple aux Obélisques.
Les richesses, les trésors de Byblos ne manquèrent
pas de susciter des convoitises. Les invasions qui
avaient commencé avec les Amorites, venus du
désert, ne devaient plus cesser. Mais, conquise
ou reconquise, Byblos a dominé l’histoire
et parfois même ses conquérants. Il est
remarquable que ce fut pendant ces temps d’épreuves
que s’accomplit (vers 1200 avant J.-C.), avec
l’invention de l’alphabet, une des plus
fécondes révolutions dans la communication
des idées que le monde ait connue. On s’explique
dès lors que le nom de Byblos, qui a signifié
d’abord papyrus puis par extension livre, ait
été donné par les Grecs à
cette cité-phare.
Les
civilisations successives qui se sont accumulées
à Byblos font de ce cap couronné de
ruines un des sites archéologiques les plus
riches et les plus anciens de l’histoire. Le
visiteur peut voir, à fleur de terre, les vestiges
des habitations monocellulaires du 5e millénaire
et, sur les parois des tranchées creusées
ici et là, les couches néolithiques
superposées. Vers 3200, avec l’apparition
des maisons en pierre, les sépultures sont
rejetées hors de l’agglomération.
C’est alors des remparts et leurs portes, des
ruelles, les temples, notamment celui de Balaat Gebal,
la Dame de Byblos. Enfin, du début du 2e millénaire:
deux tombeaux de rois et le temple aux Obélisques.
De l’époque romaine, voici les restes
d’une colonnade, d’un nymphée,
un petit et ravissant amphithéâtre. De
la période franque, le château dominant
le rempart médiéval.
Adossée
à la mer, la ville médiévale
occupe une surface relativement réduite. Une
partie des remparts est assez bien conservée.
Mais ce qui offre le plus d’intérêt,
c’est le Château des Croisés qui
dégage une impression de puissance et qui est
entourée d’un fossé profond. Il
est doté de cinq tours avec, en son centre,
un donjon constitué de pierres récupérées
par les Croisés dans les constructions antiques.
Conquise en 1104 par les Croisés, qui la nommèrent
Giblet, Byblos fut dotée par eux d’une
cathédrale romane à trois absides qui
est maintenant l’église Saint-Jean Baptiste.
Le baptistère d’une grande originalité
est d’influence italienne, ce qui n’est
pas surprenant dans une cité qui fut aussi
un domaine génois.
Comme
c’est le cas pour la plupart des grands sites
du Liban, Byblos n’offre pas qu’un intérêt
culturel. La ville elle-même est pleine de charme
avec son ancien port qui se découpe sur une
mer d’un autre temps. A droite du port, tout
près, s’élance vers le large un
extraordinaire promontoire rocheux qui affleure sur
une centaine de mètres de mer. Ces hommes là-bas
marchent-ils sur l’eau? Illusion. Il y a aussi
les pécheurs aux gestes immémoriaux
avec leurs filets bleus. Et aux alentours des vestiges
antiques, les souks de l’ancien bourg qui remonte
au milieu du XIXe siècle, et dont les boutiques
sont assez bien conservées.
Autour
du port, face à la mer, hôtels, restaurants
et cafés, dans des jardins calmes, ont la faveur
des touristes et des Libanais qui viennent des quatre
coins du pays. Tout près, à gauche du
promontoire rocheux, une plage de sable clair dans
une petite baie attire baigneurs et amateurs de pêche
sous-marine en quête de poissons de roche qui
abondent dans ces parages. Autre plage avoisinante,
celle de Amchit, à l’eau si cristalline,
ou l’on retrouve un égal enchantement.