On trouve au Liban certaines terminaisons, débuts,
ou syllabes d’origines différentes dans les
noms des villes et villages: Les origines araméennes,
syriaques, phéniciennes, cananéennes,
arabes, latines, ottomanes etc… Cela prouve la souplesse
et l’intégration de cette nation dans le
jeu de l’émigration, du changement, d’invasions
etc…
Les 'Ayya' qui est syriaque: Faraya, Araya, Daraya,
Qirqraya, ou la terminaison 'Oun' Majdelyoune, Saydoun,
Batroun, Rayfoun etc… ou un début ‘Mey’:
Meyfouq, Meyrouba, Meyfadoun.
Les listes sont longues… Je m’arrête à
Qirqraya. Son origine a plus d’une signification:
sentir le froid, terre ou fagot de bois etc… ou
Quirqara : le tronc d’un ancien olivier, vide, creux,
ou âgé de plus de cent ans.
Qirqraya est encore l’un des rares coins qu’on ne
pouvait atteindre qu’à pied ou à dos
d’âne; j’ai su que récemment une très
modeste route venant d’être aménagée;
lors de ma visite, c’était un sentier qu’on
devait franchir à pied.
En réalité, Qirqraya n’est pas un
village, c’est un hameau de quelques maisons parsemées
et perdues dans une belle nature à bord d’un
fleuve sacré: Adonis; plus haut c’est le
grand village de Kartaba; plus bas c’est un Eden
féérique ‘Janneh’ le paradis. Dans
la vallée passe le mythologique fleuve, alimenté
par les eaux d’Afca. Qirqraya est entre 650 et 800m
d’altitude. Pour l’atteindre, on prend la route
de Nahr Ibrahim, Kartaba, et on bifurque à
‘Koue el Machnaca’ situé à 70km de
Beyrouth.
Le maître de Céans c’est le quadrupède
équidé, tout honneur à l’âne;
c’est un passe partout : transport des eaux, affaires,
céréales, pierres pour la construction,
sable du fond de la vallée, récoltes,
labour etc…
Pour la construction des quelques habitations très
bien intégrées dans la nature, c’est
l’âne qui a transporté le ciment, le
fer, et tout le nécessaire.
A Qirqraya il n’y a pas l’infrastructure d’un village;
ici il n’y a pas de cliniques de médecins,
de téléphones, de routes etc…
A Qirqraya, le temps s’arrête, c’est l’oubli,
c’est la retraite, la fin de carrière, l’oubli
de soi.
Les sentiers, les escaliers ciselés dans
les rochers comme des pièces précieuses,
les mûriers accoudés sur les maisons,
les fleurs partout… près de chaque maison
il y a un four, un ‘saj,’ un ‘tannour’, pour cuire
du bon pain, des jarres remplies d’eau pour rassasier
les anges, les passants, les visiteurs.
Dans chaque foyer, il y a des bêtes, vaches,
chèvres, poules, chats et chiens mais le
caïd, le patron c’est toujours l’âne
ou l’ânesse.
Qirqara est un petit hameau chiite dans la région
de Byblos, en face d'un autre hameau plus petit
encore Chouan, à majorité chrétienne,
lui, dans la région du Kesrouan, séparé
par le fleuve et la vallée. Ici le péché
n’existe pas, il n’a pas de place, les gens sont
purs, vrais, simples.
L’électricité existe modestement:
quelques ampoules, les unes souvent accrochées
sur les branches des arbres. On me raconta qu’il
y a là des ruines, d’anciens vestiges; je
n’ai rien vu, mais c’est très probable car
de Byblos, jusqu’à Afca les temples, les
monuments, les vestiges archéologiques se
succèdent.
De pareils coins, au Liban, il n’y en a plus. On
y trouve dans les comptes, dans les songes des nuits
d’été, les histoires de mille et une
nuits.
Ici c’est l’évasion, c’est un autre monde
qu’on découvre. Qirqraya est un hameau à
visiter.