Sur la route menant de Amchit vers les villages
de Ghorfine, Hbaline et Hsarat, en montant on voit
sur la gauche, de l’autre côté de la
vallée, un petit village en ruines. Même
pas un village, plutôt un hameau d’une grande
beauté, triste et émouvant. Vide et
abandonné depuis plus de cent ans.
Bjerrine, 450 m d’altitude. D’après le cadastre,
il est annexé à Ghorfine. Le nom est
phénico-araméen, dérivant de
‘jorn’, mortier (et pilon) dans lequel on écrase
les céréales ou la viande. Le hameau
n’est desservi que par un sentier en terre à
travers champs. Ce même sentier qu’empruntaient
ses habitants originaux, il y a une centaine d’année…
En 1841, le malaise social et les tensions intercommunautaires
entre druzes et maronites sont à leur apogée.
La situation se dégrade très vite
et à l’automne, le 13 octobre, les druzes
attaquent la population chrétienne de Deir
El Qamar, où l’émir Béchir
III Chéhab est encerclé et attend
des secours qui ne viennent pas. Des chrétiens
sont tués, leurs habitations et commerces
sont pillés et incendiés. Dans toute
la Montagne, villages chrétiens et églises
sont attaqués. Les Ottomans laissent faire
et se félicitent de cette dégradation
et des difficultés rencontrées par
l’autonomie de la Montagne. En janvier 1842, ils
jouent l’acte final et destitue l’émir Chéhab.
C’est la fin de l’émirat et la mainmise de
la Sublime Porte sur la Montagne qui y nomme un
gouverneur ottoman. S’installe alors une période
très mouvementée. En 1860, d’autres
massacres de chrétiens ont lieu dans la Montagne,
ainsi qu’à Zahlé et s’étendent
même jusqu’à Damas. L’intervention
européenne devient inévitable, et
les soldats français débarquent à
Beyrouth. Après pacification, et beaucoup
de divergences entre les anglais (protecteurs des
druzes) et les français (protecteurs des
chrétiens), un nouveau statut ou protocole
voit le jour : la ‘Moutassarifia’ (province autonome).
Ce nouveau régime, donne une autonomie à
la Montagne et la place sous la direction d’un chrétien
nommé par la Sublime Porte et les grandes
puissances. Ça sera la plupart du temps des
arméniens ou des albanais. Le Liban (le Petit-Liban)
retrouve la paix et la prospérité.
Commence alors une période de calme, de reconstruction,
de développement, d’abondance et d’intense
vie culturelle qui va s’étendre jusqu’à
la Première Guerre mondiale. C’est dans ce
contexte que se développe notre village.
Il était une fois, dans le pays des rêves
et des poèmes, un village ayant pour unique
coupole le ciel drapé de nuages : Bjerrine,
un hameau typiquement libanais ; au Nord-Est de
Ghorfine. C’est une petite colline ensoleillée
et bien aérée, entourée de
vallées et donnant sur la mer. En empruntant
un sentier de Ghorfine, on marche une vingtaine
de minutes. On passe d’abord par les terrains agricoles,
sur un plateau, travaillés en larges terrasses.
Une terre brune et riche qui donne de bonnes récoltes.
On y plante des céréales, du blé,
de l’avoine, des lentilles… du tabac et autres cultures.
A l’entrée du village se trouve l’église
consacrée à Saint Elie. Sur la grand-place,
devant l’église, la fontaine où les
femmes viennent remplir de grandes jarres d’eau.
C’est leur rendez-vous quotidien, elles se retrouvent
sur cette place, tôt le matin, pour se raconter
les dernières nouvelles, ou plutôt
les potins, car il ne se passe jamais rien de vraiment
notoire ici… Le village compte une quinzaine de
maisons et quelques puits d’eau. Chaque maison a
une terrasse sous laquelle se trouve un ‘abou’.
C’est une sorte de cave en
voûte qui sert d’étable pour les animaux
: quelques poulets, deux ou trois chèvres
ou moutons, parfois un âne, rarement une vache
pour ceux un peu plus riche... On plante des oliviers
pour l’huile, des caroubiers pour le ‘debs’ (la
mélasse, seul sucre de l’époque) et
bien sûr des mûriers pour les vers à
soie. La sériciculture fait vivre toute la
Montagne…
Les paysans travaillent la terre et vivent en leur
âme et conscience. Le hameau vit presque en
autarcie. On se rend rarement à Amchit ou
Byblos pour troquer ou vendre le surplus et acheter
quelques produits : sel, épices, tissus,
poteries, pièces de rechange… Le dimanche,
et les jours fériés, après
la messe, tous se retrouvent devant l’église,
près de la fontaine. On parle, nettoie et
désherbe les quelques sentiers. Les hommes
participent à une ‘aouné’ quand cela
est nécessaire (littéralement réunion
pour entraide gratuite) : chacun met son savoir-faire
dans la construction d’une vigne, d’une maison,
de murs pour les terrasses, de travaux de menuiserie…
Quant aux femmes, elles s’organisent deux ou trois
fois par an pour préparer ensemble la ‘mouné’
(les réserves de nourriture pour l’hiver).
Dans l’église dédiée à
Saint Elie, un autel à la Sainte Vierge,
un autre à Saint Joseph… Pas de clocher (interdit
à l’époque de la domination ottomane)
mais un ‘nâqous’ pour sonner les matines et
autres prières… Les prénoms les plus
usités, Marie, Miryana, Maryam, Saydé,
Sabeth (Elisabeth), et les noms de fleurs, Yasmine,
Wardé, Habqa (basilic) pour les femmes et
Youssef, Tanios, Gérgès, Elias bien
sûr, Hanna pour les hommes… Quels corps, quels
destins avaient pu porter tous ces prénoms
?
Le village-mère, Ghorfine, est un peu plus
riche : de belles maisons levantines aux tuiles
rouges, l’église est plus grande et on vient
de lui construire un clocher bâti grâce
aux émigrés qui sont partis ‘aux Amériques’
lors des derniers massacres de 1860. Ils envoient
régulièrement de l’argent et des devises
à leurs parents et cousins restés
au pays.
Miryana de Ghorfine aime Youssef de Bjerrine. Ils
sont lointains cousins. Ils allaient à l’école
du curé. Miryana y a passé sept ans,
elle est plus érudite que Youssef qui lui
a quitté l’école vers ses 14 ans pour
aider ses parents aux travaux de la terre. Ils se
retrouvent parfois sous le caroubier, à mi-chemin,
entre le hameau et les champs. Il a été
déraciné par une tempête mais
il a survécu et repoussé de plus belle.
Lorsqu’en août 1914 éclate la Grande
Guerre, l’Empire Ottoman, sous l’égide du
mouvement Jeunes-Turcs qui avait déposé
le sultan, s’allie à l’Allemagne et profitant
de l’occasion viole le protocole de la ‘Moutassarifia’.
En secret, comme pour les Arméniens, la Porte
édicte un ‘faramane’ (un édit) décidant
l’extermination des chrétiens de la Montagne.
Celle-ci est occupée dès novembre
et la Sublime Porte nomme un nouveau gouverneur
: Jamal Pacha dit le ‘jazzar’, le boucher, le sanguinaire,
pour mener à bien ce plan. Il était
l’un du triumvirat du mouvement Jeunes-Turcs responsable
du génocide des arméniens. Dès
son arrivée, il tente d’assassiner le patriarche
maronite Elias Hoayek qui en rechape de justesse
grâce à un ami musulman de Tripoli
qui le prévient à temps du complot
ourdi par le ‘jazzar’. Il réprime les efforts
d’émancipation et de résistance et
procède à des arrestations en masse.
Les détentions arbitraires, les procès
bâclés et les condamnations pleuvent.
C’est la Terreur. La première victime du
‘jazzar’ est un prêtre maronite francophile,
Joseph Hayek, curé de Sin el Fil, pendu à
Damas en mars 1915. Les potences sont dressées
à la Place des Canons à Beyrouth et
la répression culmine le 6 mai de la même
année avec plus de vingt pendaisons. La place
prend alors le nom de Place des Martyrs. Les habitants
du Mont-Liban sont alors placés sous la loi
martiale et mis directement sous la tutelle ottomane.
Le pire est encore à venir, car les libanais
doivent affronter une terrible famine dans laquelle
les Turcs jouent un rôle essentiel. Jamal
Pacha impose un blocus terrestre complet sur tous
les produits alimentaires venant de la Béqaa
et de Syrie, sur son ordre, les autorisations pour
l’achat de blé sont accordées ou refusées
selon son bon vouloir. Jamal Pacha affame le peuple
à bon escient, par pure vengeance. C’est
le mal incarné et absolu. Le mal que l’homme
inflige à l’homme est un abîme sans
fond…
La Montagne, où la culture principale est
celle du mûrier, ne produit qu’une infime
partie de sa nourriture et compte beaucoup sur l’importation.
De plus, depuis la déclaration de la guerre,
les Alliés mettent en place un blocus total
des côtes de l’Empire donc par là même
de la côte libanaise. Les habitants du Mont-Liban
se trouvent, de tous les côtés, pris
dans un étau. Certains riches commerçants
Libanais, Syriens et Turcs de toutes les confessions
aggravent la situation en faisant de la spéculation
sur les stocks de vivres dans l’attente de l’inévitable
montée des prix… Ils mènent la grande
vie, et n’hésitent pas à festoyer
en l’honneur des officiers Turcs et de leurs conseillers
Allemands, à coup de brillantes fêtes
et réceptions… Mais cependant pas tous, il
y eut des actes héroïques : le patriarche
maronite employa l’argent dont disposait le patriarcat
pour l’achat et la distribution de pain quotidiennement
à tous ceux qui en avaient besoin, chrétiens
et musulmans. Pour soulager la population, Mikhael
Tobie Zakhia, un grand commerçant de Amchit,
paie la ‘miré’ (l’impôt turc) pour
les provinces de Jbeil et de Batroun. Dr. Jowakim
Nakhlé (mon arrière-grand-père,
médecin et maire de Byblos) hypothéqua
toutes ses propriétés pour acheter
du blé et le distribuer aux plus pauvres…
A cela s’ajoute une invasion de criquets qui arrivent
par nuées très denses de Palestine
et qui dévastent tout sur leur passage !
Le paysage verdoyant se transforme en paysage lunaire.
Dans une telle situation sanitaire, des épidémies
se déclarent : typhus, choléra, variole,
malaria… La population est décimée
par la famine et les épidémies ; des
cadavres jonchent les rues, tandis que de pauvres
âmes décharnées errent entre
les maisons, se jetant à genoux pour un morceau
de pain. Les morts se comptent par milliers : ils
seront estimés à plus de cent mille.
Cent mille autres fuyant la misère émigrent
; les pauvres prennent des embarcations de fortune
et vont principalement ‘aux Amériques’, les
nantis vont en Syrie ou en Egypte (comme les Eddé
et les Gémayel). Des quatre cent cinquante
mille habitants du Mont-Liban, il ne reste que deux
cent cinquante mille à la fin de la guerre.
Le protocole de la ‘Moutassarifia’ interdisait à
l’armée ottomane de s’aventurer dans la Montagne.
Désormais, les Turcs sont libres de leurs
mouvements : ils investissent le terrain, semant
la terreur et la mort partout. Ils saignent la population
à blanc, levant des impôts exorbitants,
imposant la corvée et enrôlant les
jeunes hommes de force dans l’armée, pour
les récalcitrants c’est la déportation
ou la mort…
Un dimanche matin, de l’automne 1916, les habitants
de Ghorfine, le village-mère, découvrent
que le hameau de Bjerrine est étrangement
silencieux. Ils envoient quelques jeunes pour voir.
Ils trouvent le village complètement vide.
Personne, les portes des maisons sont closes mais
pas les étables. Les quelques animaux encore
vivants, rôdent, libres dans le village, cherchant
quelque chose à se mettre sous la dent. On
appelle, on crie… en vain, personne, il n’y a que
l’écho qui répond.
Quelques jours passent et tous les villages alentours
sont au courant de la disparition de tous les habitants
du hameau. Ils s’inquiètent et se concertent.
Ils prennent la décision d’y envoyer un gardien
et à tour de rôle essaient de s’occuper
du hameau, des quelques arbres qui restent, mettre
à l’abri les quelques animaux domestiques…
Garder un semblant de vie au cas où…
Quelques semaines plus tard, toujours personne.
Les choses deviennent de plus en plus claires :
il est évident qu’ils sont tous partis. On
envoie alors un émissaire à Amchit.
Rien. Personne ne les a vus. Un autre à Byblos-Jbeil,
les pécheurs du port avaient vu et bavardé
avec quelques connaissances de Bjerrine. Dans le
petit port médiéval de l’ancienne
cité, c’est là qu’on les avait vus
il y a deux semaines de cela.
Après l’invasion et les exactions des troupes
ottomanes, la pauvreté et la peur de jours
plus noirs les avaient décidés. Ils
s’étaient tous concertés, et après
une dernière prière à l’église
du village, ils avaient pris la décision
radicale de tout quitter, de tous partir, d’émigrer
‘aux Amériques’. Leurs cousins éloignés
de Ghorfine étaient bien partis eux aussi
lors des grands massacres au siècle dernier,
et ils s’en étaient bien tirés. Ils
feront de même, ils iront ‘aux Amériques’,
ils trouveront du travail, ils seront enfin des
hommes libres, ils enverront de l’argent et quelques-uns
pourraient même revenir un jour au village…
Il fallait mener l’affaire dans le plus strict secret
par peur des représailles… Surtout ne pas
attirer l’attention de l’Ottoman.
A l’aube, les pêcheurs de Byblos les avaient
vus embarquer en silence et par petit groupe sur
un bateau au port. Le village entier, petits et
grands, chacun portant son petit baluchon avec le
strict nécessaire. On a vu le bateau quitter
le port. La mer était calme et il faisait
beau…
Petit à petit, la nouvelle se répandit
dans toute la région. Les habitants de Bjerrine
ont quitté vers ‘les Amériques’ !
Quel courage de tous partir ! Heureusement pour
eux ! Ils sont sauvés de la misère,
de la famine, du Turc… Quand ils seront là-bas,
bien établis, on aura sûrement de leurs
nouvelles…
Encore quelques années sous le joug ottoman
; les curés des villages relayaient les nouvelles
des combats : « Les Alliés s’approchent,
ils sont déjà dans le Nord de l’Afrique
». Puis : « Ils sont en Palestine, et
arriveront bientôt pour nous libérer…
». On les croit et on espère, car les
prêtres ne mentent pas. Enfin, en septembre
1918, les armées alliées sont aux
portes du Levant, les Anglais arrivent de Palestine,
les Français débarquent à Beyrouth.
Les Ottomans prennent la fuite. La guerre est désormais
terminée. Une action d’envergure internationale
d’assistance est organisée pour acheminer
et distribuer les vivres et les médicaments
aux habitants épuisés. En quelques
mois, la famine et les épidémies sont
vaincues et la vie reprend peu à peu.
Pourtant toujours pas de nouvelles, pas de lettres.
Miryana attendait. Elle ne l’a pas oublié.
Lui non plus. C’était impossible… Elle se
souvenait encore de leur dernier rendez-vous, sous
le caroubier. De son dernier baiser sur son épaule.
Ce baiser était devenu son secret, son fil
rouge. Elle en rêva, tous les soirs, dans
son lit. Elle en rêva tous les jours depuis
ce maudit départ. Toutes ces sensations inédites
: le parfum d’encens de ses lèvres, si fort,
si chaud, si sucré ; le frisson de sa moustache
; la brûlure, toujours là, souvenir
à l’endroit même où le baiser
avait été déposé… Elle
avait alors envie de rire, de danser, de courir
le monde… Elle était prête à
traverser la mer pour un seul autre baiser… Le temps
de ce baiser avait duré quelques secondes,
pourtant elle pouvait en parler jusqu’à la
fin des temps…
On envoya des lettres aux cousins ‘des Amériques’,
pas de réponses. On finit par demander l’aide
des nouvelles autorités et une enquête
fut ouverte. Enfin, un télégramme
arriva du ministère de la guerre britannique
: vu le blocus maritime que les Alliés imposait
à toute la côte orientale de l’Empire
Ottoman, le navire emportant les Bjerrinois avait
été coulé par un torpilleur.
C’était une erreur, un « dommage collatéral
» comme on dit. Le bateau avait coulé,
âmes et biens, et les secours qui avaient
été envoyés arrivèrent
trop tard, personne, aucun passager n’avait pu être
sauver… Ce fut un choc dans toute la région
!
Miryana voudrait revenir en arrière. Avoir
le pouvoir de remonter le temps. Le temps de l’enfance,
le temps de l’insouciance… Retrouver l’innocence
et désapprendre la mort, ne plus faire partie
de son cercle d’initiés. Le temps sera très
long sans lui à l’horizon. Que faire du temps
qui reste ? De tout ce temps ? Le regarder droit
dans les yeux, comme dans un sablier, regarder couler
les secondes, les grains de sables qui coulent et
jouent à saute-mouton… En bas le passé,
en haut le futur. Sables mouvants, sables émouvants…
Avoir le pouvoir de retourner le sablier et de tout
recommencer à nouveau. Le passé redeviendra
avenir en un simple petit retournement de situation…
Peut-être alors que l’histoire aura une petite
chance de se terminer différemment…
Un peu plus de cent ans plus tard, nous voilà
marchant sur le sentier de terre qui mène
à Bjerrine, mettant nos pas dans ceux de
ses anciens habitants. Le doux soleil du printemps
réchauffe la terre. On arrive aux champs,
poussiéreux de soleil, plusieurs larges terrasses
vertes qui s’habillent petit à petit de coquelicots.
Les oiseaux pépient et le vent chuchote dans
les épis de blé. Le caroubier est
toujours là avec ses secrets…
Le village de Bjerrine vous énivre, on a
l’impression qu’il est tout entier parachuter du
ciel. Un hameau d’une beauté tragique, entouré
comme d’un « halo de sainteté ».
C’est le paradis qui se cache derrière une
palissade de pauvreté. On passe d’abord par
le plateau de terrasses, puis devant le caroubier
qui se tient humblement à droite. Juste à
l’entrée du hameau, le premier bâtiment
est l’église, elle nous tourne le dos. Elle
a un escalier construit dans le mur de l’abside
pour entretenir son toit de terre. Sa porte d’entrée
donne sur l’unique petite place du village où
il y a une fontaine. Autour de la place quelques
maisons et d’autres éparpillées plus
loin et qui tombent en ruines. Elles sont petites
et leurs pierres sont patinées par le temps.
La plupart n’ont plus de toits, leurs murs à
peine debout comme des fantômes. Des herbes
folles et des fleurs ont colonisé les intérieurs
et sortent par les encadrements des portes et les
fenêtres. Il y a un puits à margelle
près d’une maison, sur le linteau de sa porte,
est gravée une petite croix flanquée
de part et d’autre d’un soleil. A l’autre bout du
village, un autre puits. On y lance un caillou ;
une seconde et on entend son chant en bas. Le puits
est plein d’eau. Un peu plus bas, il y a deux grandes
maisons avec leurs terrasses qui donnent directement
sur les champs avec une vue sur la mer et l’horizon.
Les maisons, les terrasses, ont une âme, une
respiration. Dans cet incendie de silence, je ferme
les yeux et j’imagine ces gens, ceux qui ont vécu
ici, j’entends les bruits de leur vie, leurs voix,
leurs conversations, leurs chants, les prières
des mamans, le rire des enfants…
Leurs murmures et leurs rires s’estompent peu à
peu et se mélangent à la respiration
du vent dans les épis qui dansent au crépuscule.
Les cigales et les abeilles s’en mêlent aussi
et se joignent à la ronde. Bientôt
le soleil tombera à l’horizon. Il faut rentrer.
Mais demain ne sera plus jamais pareil, car parfois
voir c’est savoir. Nous savons le secret de ce village,
nous savons que quelque part, dans nos pensées,
dans nos coeurs, dans nos rêves son coeur
bat et sa vie continue…
Marina Matar
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