SUITE > L’Habitation
au Liban par Haroutune Kalayan
(Association pour la protection des sites et anciennes
demeures - Yvonne Sursock Cochrane)
Chapitre troisième: Les
types de plans
La classification proposée se veut aussi naturelle
que possible; non pas basée sur des éléments
de style, caractéristiques importantes mais
passagères; ni sur le degré de richesse
des constructions, ni même leur ordre chronologique
ou leur répartition sur le territoire.
Certains
de ces types de plan remontent à l'antiquité;
d'autres ont apparu plus tard, introduits puis adaptés
au pays lors de puissantes influences étrangères.
Même
si le propriétaire ne pouvait se permettre
de bâtir qu'une seule chambre, il avait en vue
le complexe final et bâtissait en conséquence,
ce qui semble être une caractéristique
de la tradition libanaise de construire.
I-
Plan rectangulaire
Les
habitations à plan rectangulaire ont apparu
très tôt au Liban, on en trouve de nombreux
exemples à Byblos; elles suivent immédiatement
les habitations ovales.
Ces
constructions rectangulaires se classent en plusieurs
groupes, suivant la structure utilisée pour
supporter la toiture, qui peut être de terre
battue, ou de tuiles. Mais elles possèdent
en commun une caractéristique essentielle qui
est la liberté de division intérieure.
Les occupants cloisonnent le volume rectangulaire,
à leur gré, suivant leurs nécessités,
leur manière d'habiter, indépendamment
de la structure de la maison; indépendamment
des poteaux de bois ou de pierre, des arcs ou voutes
des maisons à toiture en terre; indépendamment
de la charpente, qui s'appuie sur les murs extérieurs,
des maisons à toiture de tuiles.
En
langage moderne, c'est une maison à «
plan libre ». Les cloisons sont légères,
fixes mais non immuables; on peut les abattre sans
nuire à la stabilité de la construction.
Un couloir permet d'atteindre les différentes
chambres; il a, suivant les cas, la forme d'un I,
d'un L ou d'un T.
1-
Plan rectangulaire à toit de terre supporté
par des poteaux de bois.
La solive peut être fermée d'une ou de
plusieurs pièces assemblées sur les
poteaux. L'espace entre ces poteaux varie de 2,50
m à 3,00 m… Empirique, il est relativement
étroit afin d'éviter les vibrations
dues au tassement de la terre par le rouleau et les
fissures dans l'épaisseur de la terre battue
du toit. La couche de terre durcie est couchée
sur un lit de roseaux ou de planches, appuyé
lui-même sur une sorte de gitage. Le gitage
repose sur la solive, tronc d'arbre couché,
soutenue par les poteaux de bois. Un chapiteau prend
la solive, ou les deux solives contigües. Le
poteau s'appuie sur une pierre plate qui le protège
de l'humidité du sol.
A
sa rencontre avec le mur, la solive est posée
sur une sorte de colonne monolithique ou assemblée,
encastrée dans la maçonnerie de pierre.
On
peut rapprocher de la description de cette habitation
la légende ancienne d'Osiris, enfermé
dans un tronc d'arbre; ce tronc d'arbre devait être
une sorte de cariatide de bois supportant une des
solives du palais du roi de Byblos. La légende,
déjà mentionnée dans l' «
héritage antique », raconte que ce pilier
fut enlevé facilement; ce qui paraît
plausible dans une structure semblable à celle
décrite plus haut.
On
peut également rapprocher l'histoire de Samson
de cette tradition de construire: « Ils firent
sortir Samson de la prison…ils le placèrent
entre deux colonnes. Et Samson dit au jeune homme
qui le tenait par la main: laisse-moi afin que je
puisse toucher les colonnes sur lesquelles repose
la maison et m'appuyer contre elles. La maison était
remplie d'hommes et de femmes… et il y avait,
sur le toit, environ trois mille personnes…
et Samson embrassa les deux colonnes du milieu sur
lesquelles reposait la maison, et il s'appuya contre
elles; l'une était à sa droite, l'autre
était à sa gauche… Il se pencha
fortement et la maison tomba… (Juges 16: 26…30)
Le
texte biblique autorise à conclure qu'il y
avait plusieurs piliers dans la maison (dont certains
peut-être n'étaient pas portants, mais
structuraient les cloisons intérieures). Samson
choisit les deux colonnes centrales, les plus importantes
dans l'ensemble de la structure. Elles ne pouvaient
être distantes de plus de deux mètres,
puisque Samson les saisit, ensemble, l'une à
sa gauche et l'autre à sa droite. La maison
était vaste; trois mille ou tout au moins,
un grand nombre de personnes étaient sur le
toit. C'est sans doute cela qui a provoqué
l'ébranlement de tout l'édifice, trop
chargé, après la rupture des colonnes
centrales; et d'autant plus facilement que les solives
et les gites liaisonnaient la structure générale
de la maison.
Il
semble donc, à l'examen des fouilles et à
la lecture de certains textes et légendes,
que la tradition architecturale des habitations rectangulaires
à poteaux intérieurs de bois, encore
habitées au Liban, remonte à la plus
haute antiquité. Cette tradition se serait
transmise, d'une manière ininterrompue, jusqu'au
vingtième siècle. Une évolution
a modifié lentement et perfectionné
la technique constructive; l'espacement des piliers
a grandi; ils ne seraient plus à portée
des deux mains de Samson. Mais les caractéristiques
principales paraissent inchangées.
2-
Plan rectangulaire à toiture de terre, supportée
par des poteaux de pierre.
La structure de ces habitations est identique à
celle du type précédent. Le poteau de
bois est remplacé par une colonne de pierre,
généralement assemblée. Les plafonds
sont souvent plus élevés, les colonnes
longues et minces.
La
division intérieure est libre et les cloisons,
parfois, n'atteignent pas le niveau du plafond.
3-
Plan rectangulaire à toiture de terre, supportée
par des enfilades d'arcades. Identique aux types précédents,
pour son organisation interne, cette habitation voit
l'assemblage des poteaux et solives remplacé
par une enfilade d'arcs qui reçoivent le gîtage.
4-
Plan rectangulaire à structure en
voute d'arêtes.
Cette construction implique une technique de pierre
assez perfectionnée. L'organisation interne
reste libre; on voit cependant, plus souvent, les
cloisons posées en fonction de la division
en arcs. Ces cloisons ne sont pas porteuses mais accrochées
aux poteaux; on peut, comme pour les types précédents,
détruire et changer le cloisonnement.
5-
Plan rectangulaire à toiture de tuiles, sans
piliers intérieurs.
La technique de charpente de bois permet, ici, d'atteindre
des portées suffisantes pour franchir, sans
point d'appui intermédiaire, la largeur de
la maison. Ce type d'habitation, avec couloir de distribution
en T, en L ou plus rarement en I, est répandu
au Liban spécialement dans la région
de Batroun, il était employé dans l'antiquité.
A Byblos, une mosaïque représentant «
Europe sur le taureau » était placée
dans la chambre de réception d'une maison datée
de 200 ans ap. J.C. Le plan général
rattache cette maison à la description qui
précède. La forme de la charpente et
le type de tuiles ont certainement changé,
mais la manière de bâtir et d'habiter
est identique.
Si
aux diverses périodes de l'histoire du pays,
les façades et décorations de ces maisons
ont exprimé les modes et influences du moment
ou les possibilités financières de leurs
propriétaires, du moins le plan général
restait-il traditionnel.
Actuellement,
toutes les maisons libanaises de ce type, traditionnelles
ou non, sont couvertes de tuiles mécaniques
de Marseille; mais l'architecture antique connaissait
les tuiles locales, fabriquées et cuites au
Liban.
Cette
technique de couverture n'est donc pas absolument
étrangère au pays et à ses traditions,
même si le matériau est aujourd'hui intégralement
importé de l'étranger.
II.
Plan a « Hall central » ou « Maison
Libanaise »
Ce
plan est le plus répandu au Liban. Il consiste
en une grande chambre centrale distribuant de part
et d'autre, deux ou trois autres chambres. Nous avons
repris l'appellation, courante dans le pays, de «maison
libanaise» car elle existe, au Liban, depuis
la plus haute antiquité.
A
Byblos, on a retrouvé des plans de demeure
avec une ou deux ou trois chambres de chaque côté
d'un hall central. Malheureusement, il ne nous en
reste que des relevés. Mais ces documents sont
suffisamment clairs pour faire remonter cette tradition
d'habitation à la 2e moitié du 3e millénaire
av. J. C.
Cette
«maison libanaise» à l'entrée
du rez-de-chaussée directement dans le grand
hall; de plus, une entrée de service, latérale,
est située du côté de la cuisine;
cette cuisine est généralement orientée
sous le vent afin d'éloigner les odeurs de
la maison; les vents dominants venant du Sud et de
l'Ouest, le service se trouve sensiblement à
l'Est. L'entrée du second, éventuellement
du troisième étage, se fait, par un
escalier extérieur, par-dessus l'entrée
de service.
Il est impossible de ne pas être frappé
par l'analogie qui lie cette habitation au temple
de Salomon «maison de Dieu» bâtie
par le tyrien Hiram:
«
…Il bâtit contre le mur de la maison des
étages circulaires, qui entouraient les murs
de la maison, le temple et le sanctuaire; et il fit
des chambres latérales tout autour… l'entrée
des chambres de l'étage inferieur était
au côté droit de la maison; on montait
à l'étage du milieu par un escalier
tournant, et de l'étage du milieu au troisième.
» (Bible I Rois 6,3-4-5 et 8)
On
a trouvé à Byblos une habitation assez
semblable, contigüe au temple des Obélisques.
Elle date du 16e siècle av. J. C., contemporaine
de la dernière période du temple. Byblos
ne possédait d'ailleurs aucune demeure de type
différent.
A
Baalbeck, une maison, dont la mosaïque représente.
Alexandre le Grand, possède un hall central
à abside avec trois chambres de chaque côté
et, probablement, un porche d'entrée. Datée
de la période romaine tardive, elle est parfaitement
étrangère à la tradition romaine
de l'atrium. Une maison existe encore en Angleterre,
prés de Londres, construite avec un hall central,
dont la mosaïque représente « Europe
sur un Taureau », avec deux chambres de chaque
côté. L'inscription retrouvée
nous a renseigné sur l'origine phénicienne
de son propriétaire. Il avait suivi la tradition
propre à son pays, différente de celle
des romains et des britanniques.
Ce
type d'habitation à hall central était
très courant au 19e siècle et au début
du 20e siècle. Il a encore servi de prototype
à nombre d'immeubles de béton construits
de 1920 à 1930.
Le
hall central se termine, d'un côté, par
trois arches ouvertes à l'extérieur.
Ces arches sont généralement outrepassées
et peuvent être décorées de différentes
manières. Elles sont contrebutées par
la masse des chambres latérales.
Le
hall est souvent divisé en trois parties: antérieure,
immédiatement derrière la triple arcade,
centrale, la plus importante, et postérieure.
Le
vitrage de façade s'inscrit assez mal dans
les arcades et donne la nette impression d'avoir été
rajouté. Effectivement cette partie antérieure
était ouverte sur l'extérieur. Dans
la plupart des cas, les arcs ont été
fermés afin de gagner une chambre.
Si
l'habitation à hall central est considérée,
à juste titre semble-t-il, comme spécifiquement
libanaise, la triple arcade symbolise pour tous la
«tradition libanaise». Quelle est au juste
l'origine de cette triple arcade? Est-elle réellement
traditionnelle, au même titre que ces plans
d'habitations dont l'origine remonte à l'antiquité?
Il est peut-être significatif qu'un même
mot Hébreu « A L M » désigne,
à la fois le porche et l'arche. Le temple de
Salomon possédait un porche. Au sujet du palais
de Salomon, il est écrit:
«
Il fit le portique de colonnes long de cinquante coudées
et large de trente coudées, et un autre portique,
en avant, avec des colonnes et des degrés sur
leur front. » (I Rois, 7-6)
L'existence
de porches au Liban peut se retrouver jusqu'au troisième
millénaire av. J.C. La plupart des grandes
maisons trouvées à Byblos possèdent
un porche à l'entrée du hall central;
les maisons d'une chambre possédaient une sorte
d'ante semblable à celle des temples de période
romaine. A Byblos, encore, la chambre, probablement
réservée au culte, trouvée sous
le temple aux obélisques, était également
précédée d'une ante; il n'en
reste, actuellement, que les assises.
Il
semble donc, qu'au Liban le porche pris entre deux
murs latéraux soit une très ancienne
tradition.
Référons-nous
également à ce qui à été
dit du rôle joué par les tailleurs de
pierre libanais. Il semble qu'ils aient, par tradition,
bâti leurs monuments avec trois entrées
en trois arcades; du moins les traces laissées
sur leurs monuments nous portent à le croire.
Ces
trois arcades, actuellement vitrées, mais qui,
à l’origine, formaient une terrasse,
paraissent être un très vieil héritage.
Et si la tradition n'est pas venue, directement, d'une
façon ininterrompue, jusqu'à nous, du
moins a-t-elle été retrouvée
et son ancienneté nous paraît-elle peu
discutable.
Les
tailleurs de pierre libanais, qui auraient véhiculé
des traditions architectoniques en même temps
que leurs traditions techniques, auraient puissamment
aidé à la continuité dans le
temps de la construction des habitations à
hall central. Les habitations à cour centrale,
par contre, sont typiques de l'école mésopotamo-arméno-anatolo-étrusque
ainsi que de l'école grecque.
L'habitation
libanaise possède des fenêtres extérieures,
alors que la maison à cour centrale ne s'ouvre
que sur son espace intérieur.
«
Le roi était assis en face de la fenêtre
et les vagues de la mer battaient la fenêtre.
» (The Journey of W en-Amon)
Décrivait
un Egyptien reçu par le roi de Byblos. L'apparition
de fenêtres extérieures liée,
nécessairement, à l'habitation à
hall central, doit être rattachée à
la sécurité des villes fortifiées.
III.
Plan avec Liwan
Le plan dit « à liwan » se compose
d'un liwan, s'ouvrant au travers d'une arcade, et
de deux chambres situées de part et d'autre.
D'après
le docteur Fouad Boustany, recteur de l'Université
Libanaise, le mot liwan est une contraction de «
el-iwan », iwan étant le mot persan employé
pour nommer une chambre ouverte. Ce mot iwan a été
introduit dans la langue arabe lors des contacts avec
les Perses.
Herzfeld
(dans « Iran in the Ancien East « ) et
R. Ghirshman (« Iran ») attribuent l'apparition
de l'iwan a Masjid-I- Suleiman, en Perse, à
une influence urartienne.
Le
plan à liwan est un produit de l'école
Est-anatolienne. Son introduction au Liban pendant
l'occupation achéménide n'a pas encore
été prouvée. Mais l'existence
actuelle de ces types de construction peut être
attribuée aux Abbassides. D'ailleurs K.A.C.
Creswell mentionne dans son livre « Early Muslim
Architecture », page 120, les deux textes suivants:
«
La révolution qui place les Abbassides sur
le trône a complètement changé
la situation des Perses qui, de race dédaignée
et abaissée, se trouve aux plus importants
postes de commande… La chute des Omeyades sonnait
le glas de la période purement arabe. »
(BROWME, Literary history of Persia)
«
Le Khalifat passait d'une terre hellénistique
à un pays où se maintenaient vivaces
les traditions du vieil Orient. Dans la Mésopotamie
abbasside on vit se développer un art qui,
en presque tout, s'oppose à l'inspiration à
demi-classique qui régnait encore sur le rivage
de la Méditerranée. »
Creswel
écrit encore, p. 147:
«
A Qasr-I-Shirin, dans le palais de Khusrau Parvez
(590-628), nous avons un liwan flanqué de deux
chambres… A Ukhaidir, la disposition est presque
identique. Ceci montre que les Abbassides suivaient
la tradition sassanide. »
L'unité
de ce plan est donc un « liwan » central
avec une chambre de caque côté; l'entrée
du liwan est un arc assez élevé. Cette
unité est assez restreinte. Aussi ne trouve-t-on
guère d'habitation bourgeoise bâtie sur
ce type trop élémentaire; l'architecture
paysanne, par contre, a donné nombre de petites
fermes de la Bekaa ou de la montagne libanaise.
Mais
il existe des combinaisons de deux ou trois unités
avec liwan dont le plan affecte la forme d'un L ou
d'un U et qui déterminé un espace intérieur,
cour ou jardin.
Parfois
même, l'Unité avec « liwan »
est associée à un plan de khan dans
des complexes composites, que nous analyserons plus
tard.
Lorsqu’un
ou deux plans avec liwan se combinent en L ou U, avec
d'autres plans, une chambre supplémentaire
apparaît dans l'angle. Habituellement cette
chambre d'angle n'est pas rattachée intérieurement
au liwan; son entrée est au coin de la cour.
Souvent ces portes d'angle ont été prétexte
à certaines virtuosités techniques.
En
Syrie, le liwan ne s'ouvre que sur la cour intérieure;
au Liban, par contre, des fenêtres percent le
mur extérieur.
IV.
Plan avec atrium
Ce
type de plan est appelé « classique »
(André PARROT, Sumer, p. 262), parce qu'il
est répandu, universellement, pendant l'antiquité.
Il est la tradition architectonique des tailleurs
de pierres de l'école arméno-anatolo-étrusque.
Mais,
s'il est dit « classique », pour la majorité
des pays moyen-orientaux et d'Europe méridionale,
il ne l'est pas au Liban. Ce n'est, d'ailleurs, qu'à
la période romaine que les maisons avec atrium
font leur apparition (Beit-Mery).
Mais,
alors que les maisons romaines et syriennes ne s'éclairent
que sur l'atrium, les murs extérieurs des maisons
libanaises se percent d'ouvertures, adaptation aux
traditions du pays.
Durant
la période d'influence arabe, les mâcons
arméno-anatolo-étrusques réintroduisent
ce type de plan (Anjar).
Plus
tard, il est employé dans les palais (c'est
le cas de Beit-Eddine) ou les sérails (Deir-el-Kamar).
Généralement, dans ces palais du XVIIIe
s. la partie dite Harem, réservée à
la vie intérieure, était construite
sur ce plan, alors que la partie publique s'ouvrait
sur un côté.
Ce
même plan à cour centrale est utilisé
pour construire les caravansérails du XVe,
XVIe et XVIIe; ils servaient de sortes de marchés
officiels pour la ville. Le meilleur exemple est le
« Khan-el-Menzel » de Tripoli, petit khan
mais grande habitation. Le « Khan Français
»de Saida est un autre exemple de construction
servant, tout à la fois, de marché et
d'habitation; construit par l'Emir Fakhreddine el-Maan
au XVIIe, il servit de consulat de France au XIXe.
Le
« Khan el-Saboun » (marché du savon)
de Tripoli, avec ses cheminées dans chaque
chambre, montre bien que ces khans servaient autant
à l'habitation (hôtellerie) qu'au commerce.
Le
« Khan Antoun Bey » de Beyrouth est un
exemple tardif du XIXe de cette agglomération
de guides d'artisans en un complexe ou marché.
Parfois,
c'est le cas du « Khan el-Haraj » de Tripoli
(marché aux enchères), la cour intérieure
est couverte. Mais cela provient d'une évolution
tardive.
Le
« Khan el-Khayatine » de Tripoli (souk
des tailleurs) est un exemple de marché byzantin
où la cour centrale s'allonge jusqu'à
devenir une rue commerçante fermée par
une porte à chacune de ses deux extrémités.
Tripoli avait deux souks semblables branchés
sur le marché principal. Ils se rapprochent
des Agora de la période romaine à deux
étages et escalier extérieur. Les colonnes
dressées en face du Musée de Beyrouth
sont les restes d'une Agora de ce type.
Malgré
l'étroite similitude de plan qui lie le khan
à la maison romaine, malgré la ressemblance
de certains khans et des Agora gréco-romaines,
nous ne pouvons affirmer que le khan y trouve ses
vraies origines. Nous pensons plutôt que ce
plan est une introduction tardive au Liban, d'importation
persane, servant de relais de caravane. Il a, sans
doute, en commun, servant de relais de caravane. Il
a, sans doute, en commun avec la maison romaine à
atrium, le cheminement des traditions architectoniques
vivaces des tailleurs de pierre de l'école
arméno-anatolo-étrusque.
Mais
son nom même de « khan », mot persan
qui signifie « prince » et, par extension,
le caravansérail lui appartenant, incite à
penser que son origine est en Perse.
V. Plan à galerie extérieure
Assez élémentaire en lui-même
ce plan se présente comme une série
de deux ou plusieurs chambres abritées derrière
une galerie couverte.
Situées
le long des routes, dans les rues, aux carrefours,
ces constructions abritent souvent des commerces;
elles ont des affinités avec les souks et peuvent
souvent s'assimiler à des embryons de khans.
Il
arrive qu'une galerie extérieure enveloppe
toute une maison; ce serait peut-être du a certaines
influences italiennes. Dans beaucoup de cas, également,
ces maisons avec galerie sont des fermes ou des habitations
de montagne construites sur les terrasses de culture,
face à la mer ou à la vallée.
Ces
maisons à galerie ne manquent pas d'intérêt;
leur adaptation au climat est remarquable par ce souci
de protéger la façade percée
de portes et fenêtres par une galerie.
La
galerie peut compter deux, trois, quatre, cinq arcs
ou plus; elle se termine aux extrémités
par deux massifs de maçonnerie qui absorbent
les poussées latérales des arcs.
VI.
Plan composite
Il existe encore des habitations qui ne supportent
pas le cadre, nécessairement rigide, de la
classification proposée. Elles appartiennent
à la fois à deux ou plusieurs types
différents de plan, d'organisation intérieure.
Elles sont nées de la rencontre ou de la fusion
de traditions architecturales différentes.
Hybrides,
elles peuvent l'être par la superposition de
plans ou leur juxtaposition, lors d'une extension
de la construction par des mâcons de formation
différente…
Mais
si cette architecture est dite "hybride"
ou "composite" par rapport à la classification
proposée, elle n'est pas nécessairement
de qualité inferieure. Elle peut présenter
beaucoup de cohérence et se plier avec subtilité
aux exigences du lieu et du climat dans lesquels elle
s'insére, de la vie familiale et sociale qu'elle
enveloppe.
Il existe des métissages qui donnent des types
humains très accomplis et épanouis;
cela existe en architecture également. Les
palais peuvent, en général, se classer
dans cette catégorie; ils sont généralement
formés de plans différents groupés
ensemble, souvent autour de cours centrales ou jardins.
Les petits palais et les maisons bourgeoises de Deir-el-Kamar,
par exemple, sont faits de plans à liwan et
à cour centrale combinés. >
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