Saida,
Ville prédestinée par Fulvio
Roiter, 1980, Conseil National de Tourisme au Liban
Les Phéniciens et, à leur suite, Assyriens,
Perses, Grecs, Romains, Byzantins, Francs et enfin
les Arabes s’ingéniaient à choisir
les plus beaux sites. Souvent, le nouvel occupant
installait ses temples ou forteresses au même
emplacement que ses prédécesseurs, comme
ce fut le cas à Baalbek ou à Byblos.
Bâtie sur un promontoire, avec ses trois ports
naturels, son échancrure sur la mer, son îlot
face à la ville, Saida est un de ces sites
privilégiés. Autre royaume de la côte
phénicienne, rivale de Tyr et de Byblos, elle
les surpassa en richesse et en importance commerciale.
Sidon, du phénicien Sidouna, signifie la pêche
et se dit Saida en arabe.
Disons
tout de suite qu’il ne reste pas grand-chose
de la cité antique, trop exactement recouverte
par les villes romaine, médiévale et
moderne pour qu’il soit possible de procéder
à des fouilles systématiques. Pourtant,
à en croire la Genèse, l’antique
Sidon fut une des plus anciennes cités de la
côte phénicienne. Homère qui la
chanta, la décrit comme le centre phénicien
d’où viennent les belles œuvres
d’art. Hélas, la plupart d’entre
elles, découvertes à Saida depuis une
centaine d’années, et notamment le célèbre
sarcophage d’Echmounazar et les quatre merveilleux
sarcophages connus sous les noms d’Alexandre,
du Lycien, du Satrape et des Pleureuses, ont pris
le chemin de l’étranger. Seule nous est
restée la belle collection de sarcophages connus
sous les noms d’Alexandre, du Lycien, du Satrape
et des pleureuses, ont pris le chemin de l’étranger.
Seule nous est restée la belle collection de
sarcophages anthropoïdes qui figure au Musée
de Beyrouth.
On ne sait
presque rien de l’histoire de Sidon avant le
XVIe siècle avant J.-C. Sous le protectorat
des pharaons des 18e et 19e dynasties, c’est
l’ âge d’or; Sidon joue, avec Ugarit,
le premier rôle parmi les ports phéniciens,
établissant des entrepôts au-delà
de l’Euphrate, commerçant avec les peuples
méditerranéens et se créant un
véritable empire colonial. Au début
du XIIe siècle avant J.-C., la cité
est ruinée par les Philistins, et dès
le milieu du IXe siècle, commence la décadence.
Soumissions et révoltes se succèdent
; elle passe de la domination assyrienne à
celle des Perses qui en font la capitale de la Satrapie
de Phénicie. Nouvelle tentative d’affranchissement
en 351 avant J.-C., sous Ataxerxès III; reprise
par l’Achéménide, elle est mise
à sac et ses habitants, 40.000 dit-on, périssent
avec leur roi dans l’incendie auquel les vainqueurs
livrent la ville. La domination romaine ramène
une certaine prospérité. En dehors de
l’industrie de la pourpre et du bronze, celle
du verre assure à Sidon une considérable
renommée. En 667 de notre ère, les Arabes
s’en emparent et la nomment Saida. Puis ce sont
les Croisés, à deux reprises. Les Templiers
l’achètent et l’occupent une courte
période, avant de l’abandonner definitivement
en 1291, après la chute d’Acre, entre
les mains des forces mameloukes.
Saida redevient
florissante au XVIIe siècle, sous le règne
de Fakhreddine II. Ce dernier protégea et encouragea
de nombreux marchands européens qui créèrent
des entreprises commerciales, profitant grandement
à la cité. L’expulsion des Européens
par Jazzar, en 1791, porte au commerce sidonien un
coup fatal dont bénéficie Beyrouth.
Saida ne sera plus que le port de pêche qu’elle
était restée jusqu’aux récents
événements. A la suite, en effet, du
blocage momentané du port de Beyrouth, elle
a pris aujourd’hui un essor qui semble irréversible,
faisant de la ville un centre commercial extrêmement
actif, engendrant un boom économique sans précèdent,
et un extraordinaire développement de l’immobilier.
Ainsi la ville s’est-elle enrichie, tout en
conservant son importance de centre agricole pour
ses plantations d’agrumes et d’arbres
fruitiers, plantations qui se prolongent d’ailleurs
tout le long de la côte jusqu'à Tyr.
L’îlot
de l’antique Sidouna où s’élevait
le temple de Melqart, l’Hercule phénicien,
est coiffé d’une forteresse impressionnante,
le Château de la Mer. Construit par les Croisés
au XIIIe siècle, il est assez bien conservé.
Ses murailles étaient faites de pierres arrachées
aux temples païens, et consolidées avec
des tronçons de colonnes de granit. De nos
jours, un pont, qui est une restauration du pont arabe,
le rattache à la terre ferme. Le pont ancien
partait d’une tour située à 35
m de l’entrée. Ce Château se compose
essentiellement de deux tours reliées par un
mur. Au sud et à l’est, un second mur,
dans lequel s’ouvre l’entrée, renforce
ses défenses en s’appuyant sur une tour
d’angle dont ne subsistent que les soubassements.
C’est une forteresse, certes, mais à
l’allure débonnaire, posée au
ras de l’eau, et qui n’a aucune démesure
(H.-P. Eydoux).
Saida
est intéressante aussi par ses beaux jardins
et par ses souks dont le visage médiéval
séduit particulièrement. Comme dans
la plupart des souks orientaux, on trouve des caravansérails
qui en constituent le complément. Les plus
populaires sont le Khan al-Franj (des Français),
un des nombreux khans bâtis par Fakhreddine,
et qui est un havre de calme, et le Khan as-Saboun
(du Savon), construit à la même époque
pour favoriser les échanges avec l’Occident.