Le Liban profitait d’une certaine paix grâce
aux sept Consuls Européens qui garantissaient
cette auto-indépendance au sein d’un empire
géant : les Ottomans, dont le Sultan était
l’héritier des khalifes, et aussi le chef
suprême des musulmans.
Le Liban était une plaie profonde qui annonçait
l’effondrement et l’éclatement de l’Empire
impérialiste occupant une partie de l’Europe,
de l’Asie et de l’Afrique.
Après une guerre civile et confessionnelle
entre 1840 et 1860, les sept grandes puissances
(France, Angleterre, Autriche, Russie, Espagne,
Italie, Prusse…) décidèrent de constituer
un ‘administrateur’ chrétien (Moutassaref)
que les Ottomanes nommeraient et qui appuyé
par une petite armée, gouvernerait et gèrerait
le Liban.
Ces gouverneurs avaient réalisé beaucoup
de bon travail jusqu’à l’éclatement
de la première guerre mondiale 1914-1918,
les Ottomanes (les Turcs) reprirent leur tyrannie,
et imposèrent leurs lois de force dans les
régions chrétiennes, tuant, violant,
détruisant, ruinant etc… cela dura jusqu’à
leur défaite et leur capitulation.
En 1898, la France qui entretenait de bonnes relations
avec le petit Liban… entreprit une grande œuvre,
un grand chantier : ce fut la réalisation
d’une ligne ‘étroite de chemin de fer reliant
Damas à Beyrouth et à son port. C’était
une innovation dans le domaine du transport : marchandises
et passagers. Parlant de ce train qui serpentait
dans la plaine de la Békaa ne dépassant
pas les 17km par heure, le grand poète Moutran
disait que sa vitesse était folle, rapide
avalant les kilomètres à toutes vapeurs…
(Oui si l’on compare cela à la marche du
mulet), mais dans les montées en coude, quelques
voyageurs pouvaient descendre cueillir quelques
grappes de raisin dans une vigne proche et rattraper
le train au coude suivant.
Après la première guerre et durant
la deuxième guerre mondiale (en 1942), les
Alliés voulant faciliter le mouvement de
leurs troupes de l’Europe à l’Orient, décidèrent
de créer une autre ligne ‘large’ reliant
Beyrouth Tripoli, Abboudieh, Syrie, Turquie et toute
l’Europe et du côté sud allant jusqu’à
Nakoura, la Palestine (Israël actuellement)
et l’Egypte. Le trois C (Calais, Constantinople,
le Caire).
Cet autre chantier fut exécuté par
les Anglais (une compagnie australienne).
Les techniciens, les ingénieurs, les ouvriers
etc… devaient suivre les plans prévus et
avançaient dans les régions de Beyrouth
vers le nord et vers le sud. Je me souviens encore,
tout petit (5 ans) appartenant à une famille
d’orphelins, je venais de perdre mon père
depuis quatre ans ; un responsable militaire Australien
m’engagea dans le chantier avec mon frère
de trois ans mon cadet, je devais remplir une cruche
en argile et faire la tournée entre les ouvriers,
leur donner à boire : nous étions
en été, de juin à septembre,
le soleil et la chaleur stimulent la soif.
D’un autre côté les alliés voulaient
aider les gens malheureux, oppressés et affamés
depuis l’occupation Ottomane. J’étais le
plus jeune ouvrier du chantier, c’était une
fourmilière où tout le monde travaillait.
Les samedis, on nous payait en argent et des produits
alimentaires de grande nécessité sucrerie,
riz, farine, conserves etc… c’était la première
fois où je voyais du sucre brun), ma sœur
plus âgée de 4 ans venait m’aider pour
porter ce précieux trésor et prendre
l’argent que je donnais à ma pauvre mère.
Le tronçon terminé, toute l’équipe
quittait le lieu pour continuer le travail plus
loin, et moi, je retournais à l’école
toute proche. Les tailleurs de pierres étaient
nombreux, surtout là où il y avait
des ponts, des passages à niveaux… un moine
libanais tailleur de pierre réalisait pour
chaque pont l’emblème de sa majesté
le roi et la reine d’Angleterre, on peut voir jusqu’à
présent sur tous les ponts ce vestige d’un
passé nostalgique.
Le train à l’époque était à
vapeur, il sifflait, il respirait… on courait encore
enfants pour s’accrocher à ses marches pour
descendre plus loin, dans la gare… le train transportait
: du pétrole, des machines, voitures, troupeaux,
vaches et moutons… du blé, des marchandises…
un wagon était réservé pour
les passagers.
En plus, il y avait une automotrice qui faisait
le va et vient entre Alep (Syrie) et Beyrouth.
En 1990 on tenta une opération de sauvetage
pour relancer le train entre Byblos, Jounieh et
Beyrouth pour passagers seulement et qu’on baptisait
le ‘train de la paix’ un test qui ne dura que quelques
moi…
Des projets en cours d’études ont commencé
pour relancer les chemins de fer et les trains à
Tripoli, où plusieurs trains vieillissent
s’oxydent sur place dévorés par la
rouille… la gare est devenue touristique et historique.
Deux trains venaient d’arriver fin Septembre 1975
et devaient repartir vers l’Europe du nord le lendemain…
Mais l’ironie du sort a voulu les faire stationner
pour l’éternité, ils sont toujours
là rouillés, vieillis, en état
de tristesse, les arbres tout autour sont pittoresques
et distribuent leur ombre en cette gare jadis si
vivante et aujourd’hui elle appelle les touristes
et les curieux.
Par endroit, les gares se virent transformer en
parkings. Au Liban la propriété est
sacrée, un jour viendra ou la décision
sera prise et les chemins de fer reverront le jour.
Depuis la découverte de la machine à
vapeur et à piston par Denis Papin vers la
fin du XVIIème siècle et le train
au début du XVIIIème siècle
et le train Beyrouth-Damas il y a cent et deux cents
ans…
Entre temps, les moyens de transports et de communications
se sont perfectionnés et accélérés.
Le chemin de fer s’est vu supplanté par l’autoroute
et le camion d’une part et par l’aviation d’autre
part. La jolie et nostalgique voie ferrée
n’a même pas été déterrée
: le béton l’a recouverte et des herbes et
broussailles envahie ; les locomotrices et wagons,
rongés par le soleil, la pluie, la végétation,
la poussière, se diluent lentement, à
faire pitié.
Seul une D.G.A. (direction générale
des antiquités) pourrait en entreprendre
un entretien de valeur ludique ou touristique ou
éducatrice. On appela cette ‘résurrection’
de nos vœux.
Fret et marchandises et voyageurs, roulent au volent,
à vitesse, autrement. Les témoins
de fer et de boiserie, rouillent sur les quais en
un piteux état. Près d’eux, s’élève
une ‘Tour des lions’ Bourj ès Sabaa, datant
du 15ème siècle (sous le sultan Qait
Bey). Une petite forteresse d’architecture militaire
mamlouk (29m sur 21m d’équerre avec unique
porte d’entrée en un système intérieur
de défense médicinale), et du haut
de laquelle on peut embrasser du regard, outre la
suer et l’horizon et le port du Mina, le champ de
ruines de nos prestigieuses locomotrices Orient-Express.
Celles-ci évoquent nostalgiquement les excellents
films qui ont relevées les joies et les drames
du prestigieux C.C.C.C. (Calais, Constantinople,
le Caire, le Cap). En attendant l’ambitieux projet
vers le Cap (sud de l’Afrique)… et ces deux locomotives
échouées là, à Tripoli,
pourraient-elles ressusciter les merveilleuses images
?
Joseph
Matar
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la Vue << (2010-05-15)
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