A 53 kilomètres de Beyrouth, cette ville
côtière du Liban-Nord s’enorgueillit
de son Histoire riche en péripéties,
de ses plages, de ses vestiges archéologiques,
de ses anciennes demeures restaurées, de ses
pubs, de son souk, de son festival. A une heure de
la capitale, et à trente minutes de Jounieh,
Batroun connaît depuis quelques années
un essor exponentiel.
Vu du ciel Batroun ressemble à une presqu’
île circulaire tel un rayon de soleil. On pense
que c’est «maqaad el-mir ou Beit trouna»,
une expression d’origine cananéenne qui veut
dire la place, la maison du chef qui donna son nom
à cette ville côtière du nord.
Les Grecs l’appelèrent « Botrys »,
qui veut dire « grappe de raisin », bien
que la ville et sa région n’étaient
pas spécialement vinicole. Sous l’empire romain,
elle adopte même des symboles vinaires sur ses
monnaies. Quant aux Croisés, ils choisissent
de franchiser le nom, en l’appelant tout simplement
« Boutron ou Botron ». Au temps des invasions
arabes, elle prit le nom de Bathroune.
Jusqu'à nos jours, le plus ancien vestige de
la ville est la Citadelle phénicienne édifiée
par Ithobaal, (IXe siècle av. J.C.), roi de
Tyr, pour contrecarrer l’avancée assyrienne.
Elle fut détruite par le tremblement de terre
de 551. On sait, en outre, qu’un certain nombre d’installations
préhistoriques existent tout autour de la ville,
ces vestiges attendent toujours d’être fouillés
et étudiés. Les habitants sont prêts
à parier qu’il doit y avoir plusieurs cités
ensevelies dans ce secteur. D’ailleurs, des pierres,
voire des colonnes de l’Antiquité, qui ont
servi, naguère, à la construction des
vieilles demeures, portent les traces de sculptures
anciennes. Joseph Jammal, propriétaire d’une
de ces belles demeures, se souvient du jour où
il a entrepris de dégager un amphithéâtre
romain aux gradins taillés dans la roche. Un
dur labeur de deux été successifs. Depuis,
cet amphithéâtre, situé dans le
jardin d’une propriété privée,
est ouvert au public.
Des sarcophages en grés (Ramleh) ont été
exhumés du cimetière phénicien
situé au sud de la ville. Dans les fonds marins
de Batroun, on a pêché des pots, des
jarres, des amphores dans lesquels les Phéniciens
transportaient des céréales, de la farine,
des boissons alcoolisées, de l’huile d’olive…
De nombreux vestiges, parmi lesquels une belle mosaïque
découverte prés du mur phénicien
en 1990 et une statue en marbre représentant
un dauphin montée par un gamin en 1997, attestent
de la richesse de Batroun a l’époque romaine
et byzantine. L’un des plus anciens vestiges de l’époque
des Croisés est, sans aucun doute, la chapelle
orthodoxe Sainte-Marie de la Mer aux merveilleuses
arcades avec une vue sur les rochers et la muraille
phénicienne.
Durant la période Al-Moutassarrifiyat, la ville,
port et chef-lieu du Caza du même nom, a connu
une prospérité polyvalente: religieuse,
culturelle, artistique, architecturale, économique.
Ses moulins, ses pressoirs, ses caravansérails,
ses magasins ont attiré une population hétérogène
et riche, comme en témoignent encore les «
haras » ou villas décorées de
peintures murales, les églises Saint-Georges
des grecs-orthodoxes (1867), de Notre-Dame de la Place
des maronites (1898) et la cathédrale Saint-Etienne,
patron de la ville, édifiée en 1896.
Des voyageurs occidentaux ont décrit l’essor
urbain de Batroun, ses plantations de mûriers,
ses filatures florissantes, ses ateliers du tissage
de la soie, et tout le bien-être social et économique
de ses habitants. Le vieux souk construit au XIXe
siècle, totalement restauré, témoigne
bien de cette époque glorieuse. Aujourd’hui,
une grande partie des maisons anciennes de Batroun
figure sur la liste officielle des Monuments classés
et Sites historiques du Liban.
Mer Limpide assurée
Maintenant, et après cette petite leçon
d’histoire, nous vous conseillons de flâner
à pied à Batroun même si la signalisation
routière est un modèle à suivre.
Il est pratiquement impossible de se perdre en empruntant
les rues et ruelles de la ville. Des pancartes aux
petits dessins indicatifs que l’on retrouve dans les
guides touristiques vous guident vers les monuments
et sites touristiques. Souhaitons que le conseil municipal
de Batroun, avec à sa tête son président
dynamique, efficace, entreprenant, puisse faire des
émules ! Marcelino Hark a été,
aux dires d’un grand nombre des autochtones, à
la base de l’essor de Batroun. Depuis bientôt
huit ans, il n’arrête pas d’encourager les investisseurs,
d’entreprendre, de promouvoir, au Liban et à
l’étranger, son chef-lieu, et publie même
des brochures, et un magazine. Depuis Septembre 2005,
des accords de jumelage lient la ville de Batroun
à Valence, ville du Sud de Rhône des
Alpes. Le rôle de ce jumelage est de développer
les échanges culturels, de faire découvrir
les modes de vie, de chercher ainsi à bâtir
la chaîne de l’amitié et de tolérance
entre les peuples. Il nous a conté son parcours,
nous a révélé son attachement
à sa ville natale. De ses années passées
aux Etats-Unis, ce Batrounien a conservé cet
allant, cet esprit d’entreprise. « Ici, nous
clame-t-il, vous pouvez vous baigner sans aucun risque.
L’eau de mer à Batroun est parmi les plus saines
du monde, surtout que depuis la restauration du vieux
souk et de ses huit rues de nouvelles canalisations
ont été installées et raccordées
à un système d’assainissement. Le but
d’un tel système est de regrouper les eaux
usées puis de les épurer par traitement,
avant de les rendre au milieu naturel. »
Les pêcheurs d’éponge
Tous à Batroun se souviennent de la pêche
à l’éponge qui s’est arrêtée
il y a une trentaine d’année, car très
lourde en vies humaines. Certains pêcheurs ont
pratiqué la plongée en apnée,
d’autres ont utilisé des scaphandres, une méthode
qui limite le temps de pêche.
Depuis le XIXe siècle, Batroun exportait ses
éponges vers toute l’Europe. A la fin de la
Deuxième Guerre mondiale, les pêcheurs,
habillés de scaphandres qui pesaient 65 kilogrammes,
plongeaient à 80 pieds pour récolter
tout genre d’éponges. Les éponges vivent
au fond des mers. Elles se fixent à un rocher,
à un morceau de corail ou autre élément
solide afin de rester ancrées. A la sortie
de l’eau, ils les nettoyaient à l’eau douce,
puis les piétinaient pendant des heures.
Chaque année, une messe tout à fait
hors norme est célébrée le dimanche
qui est le plus proche de la Saint-Pierre et Paul
(le 29 juin). Ce premier étant le patron des
pêcheurs. L’autel est installé sur une
felouque dans le vieux port en face de l’église
Saint-Etienne, patron de la ville. Cette cérémonie
religieuse est dédiée à tous
les martyrs de la mer. A la fin de la messe, la felouque
avec son autel prend le large et les fidèles
présents à son bord jettent dans la
mer des couronnes de fleurs en mémoire des
disparus. Récemment, le président de
la municipalité de Batroun a fait érigé
une statue du pêcheur scaphandrier en hommage
à toutes ces victimes de la mer.
Festival d’Août
Batroun possède, elle aussi, son festival.
Culturel, festif, musical, le Festival de Batroun,
qui se déroule généralement au
cours du mois d’août, englobe des concerts de
musiques, des expositions de photos, de peinture,
des spectacles de danses, des projections de films,
mais aussi des prix spéciaux dans les restaurants,
des fêtes champêtres les dimanches, un
marché quotidien des produits du terroir… Toutes
ces manifestations se tiennent dans les sites de la
ville, devant le port de pêche, le mur phénicien,
le vieux souk rénové. A la soirée
de clôture, une grande fiesta en plein air est
organisée avec la participation des night-clubs
et pubs de Batroun. Et tous les dimanches du mois
d’août, le comité organisateur du festival
met à la disposition des visiteurs des voiturettes
pour un tour guidé de la ville, de ses sites
historiques. Les visiteurs peuvent aussi effectuer
une promenade en bateau, se prélasser sur les
plages, et à la fin d’une journée bien
remplie, admirer le coucher du soleil au mur phénicien.
Malheureusement, le festival 2007 a été
annulé à cause des événements
de Nahr el Bared et de la situation instable du pays.
Gageons que l’année 2008 se déroulera
sous de meilleurs auspices ! En 2006, les expositions
de photographies ont regroupé cinq preneurs
d’images européens. Leurs œuvres ont été
accrochés sur les cimaises de Dar el-Mona.
Cette belle vieille demeure libanaise acquise par
Sabah et Mona Abi-Hanna, respectivement architecte
et peintre, accueille dans ses innombrables pièces
restaurées diverses manifestations artistiques
et culturelles. Le ballet Biarritz et ses 24 danseurs,
la soirée de musique électronique, les
concerts de musique pop par les lauréats de
Star Académie, de musique grecque, les spectacles
de comédie pour adultes et enfants se sont
succédés tour à tour durant le
mois d’août 2006.
Vie Nocturne
Depuis quelques années, la ville est devenue
une destination pour les noctambules, amateurs des
pubs et boîtes de nuit. Tout a commencé
au début de l’été 2000 lorsqu’Emile
Barbari ouvre la Taïga, la première boite
de nuit de la région. Il a bien vite fait école
l’été d’après. Aujourd’hui, on
dénombre plus d’une dizaine de pubs et de boîtes
de nuit. On y rencontre des noctambules du Liban-Nord,
mais aussi beaucoup qui viennent de Byblos, Jounieh
et de Beyrouth.
Lors de vos passages trépidants, n’oubliez
pas de boire cette limonade au goût si particulier.
Pour sa fabrication, on utilise toujours les mêmes
ingrédients et le même procédé
: le citron en entier avec son jus, sa pulpe et son
écorce, on ajoute le sucre et on laisse reposer
ce mélange pendant au moins 24 heures. Ni eau
de fleur, ni fleur d’oranger.
Almanach Janvier 2008