Il nous est difficile de retracer en quelques pages
l'histoire d'une ville millénaire à
cause des obstacles qui nous entravent: aucune fouille
archéologique scientifique générale
dans la ville et ses environs n'a jamais été
réalisée, faute de documents écrits
anciens, cette ville a toujours été
marginalisée bien qu'elle soit l'un des sites
préhistoriques les plus anciens du Liban.
Site et nom de Batroun:
Batroun est une ville côtière du Liban
Nord. Elle se situe à 50 km. au nord de Beyrouth,
et à 30 km au sud de Tripoli. La ville ancienne
est une presqu’île de forme circulaire
en rayon de miel, se caractérisant par son
port phénicien classique: une rade au nord
de la ville et une autre au sud, près de
laquelle se trouvent "la piscine de la fille
du roi" (Birket bint el-malak), le chantier
naval et "le siège du prince" (Maqaad
el mir). On pense que c'est "Maqaad el-mir"
qui donna son nom a la ville (J.T. Merchak), "bet
trouna" signifiant "l'endroit du chef"
et la "localité du prince" (P.P.
Hobeika et Armalé). Aussi, Batroun prit-elle
son nom de la structure de son relief, "bitron",
de la racine sémitique "b-t-r"
veut dire "sectionner, fendre et couper",
et de la même racine dérive, aussi,
un terme qui désigne "le rocher",
et "la haute falaise", ainsi, le nom est
phénicien de la racine "b-t-r = batara"
(Dr. Anis Frayha.). Apres la conquête d'Alexandre
le Grand, Les Grecs l'appelèrent "Botrys"
signifiant "grappe de raisin", cette appellation
semble due aux vignobles qui couvraient son sol
et celui de sa région. Ainsi fut-elle appelée
par leurs successeurs, les Séleucides, les
Romains et les Byzantins. Batroun garda la renommée
de ses vins jusqu'a la conquête Ottomane.
Les Arabes l'appelèrent "Bathroun"
(th, prononciation anglaise). Les Croisés
l'érigèrent en seigneurie relevant
du comte de Tripoli en l'appelant "Le Boutron".
Les époques de prospérité
de Batroun:
La préhistoire (v. -500000 B.P. -3300
av. J.C.)
L'homme préhistorique de Batroun et des ses
environs, nous a laisse un artefact très
riche, en os (rare), en silex, en basalte et en
obsidienne. Il vécut en nomade de la cueillette
et de la chasse aux époques du paléolithique,
et en sédentaire au néolithique. Les
outils qu'il nous laissa sont varies: galets aménagés,
bifaces, hachereaux, racloirs, ciseaux...
L'histoire
a- L'époque phénicienne
(v.3300 av. J.C. -64 av. J.C.):
C'est l'époque dans laquelle le nom de Batroun
fut cite pour la première fois dans l'histoire
(lettres de Tall el Amarna, première moitie
du XIVe s. av. J.C.). Une statuette votive (v.2000
av. J.C.) trouvée à Batroun nous donne
une idée de l'ancienneté de la ville.
Dans les fonds marins de Batroun, les marins pêchent
par hasard des poteries dans lesquelles les Phéniciens
transportaient des denrées alimentaires.
Plusieurs sarcophages ont été exhumés
du cimetière phénicien situé
au sud de la ville.
Les deux rades du port de Batroun sont séparées
par le mur phénicien (225 m.). La citadelle
phénicienne (IXe s. av. J.C.) édifiée
par Ittobaal I (v. 887 - 856 av. J.C.) roi de Tyr
comme fortification pour basculer l'avancée
des armées assyriennes, est le plus ancien
vestige construit de la ville.
b- L'époque romano byzantine
(64 av. J.C. vers 636 ap. J.C.):
Vers 47 av. J.C., Jules César donna a la
population de Batroun le droit de citoyenneté
romaine, et Auguste donna a la ville après
31 av. J.C., le droit de battre monnaie.
La ville bénéficiera de ce droit jusqu'au
milieu du IIIe s. ap. J.C. Le théâtre
romain, situé à l'est de la ville
phénicienne était un centre culturel
et artistique de la ville. En 1977, une statue en
marbre représentant un dauphin monte par
un gamin et une mosaïque simple ont été
découverts dans la ville.
c- L'époque croisée
(1104-1289 ap. J.C.):
Batroun, érigée en seigneurie relevant
du comte de Tripoli fut gouvernée par la
famille provençale d'Agout. C'est le commerçant
pisan Plebanus qui l'avait gouvernée après
l'extinction de cette famille. Cette seigneurie
s'appelait "Seigneurie de Sainte Montagne".
Les Croises se servirent de la citadelle phénicienne
(détruite le 9 Juillet 551 ap. J.C. par un
tremblement de terre) comme lieu de gouvernement
de leur seigneurie. A Koubba, ils avaient construit
l'église du Saint-Sauveur (moitie du XIIe
s.) et l'église Saint-Jacques de laquelle
ne subsistent que la partie d'un mur et les traces
de son abside.
d- L'époque du Moutassarrifiat
(1861-1918):
C’est l'époque la mieux connue de l'histoire
de Batroun. Batroun était une petit port,
chef-lieu du caza du même nom. Bien que le
littoral de ce district fut étroit -de Selaata
à Madfoun- son hinterland étendu,
renfermait les localités de Douma, Bechéalé,
Tannourine, Qnet, Hadath el-Joubbé, Hasroun,
Becharé, Ehden, Zgharta, Hermel et ses environs.
La prospérité de Batroun a cette époque
était diversifiée: religieuse, culturelle,
artistique, architecturale, économique. Elle
a pu attirer une population hétérogène
en tant que chef-lieu de caza, par sa richesse en
moulins, pressoirs, magasins, hôtels, écoles...
La prospérité de cette ville, prouve
la richesse de sa population comme en attestent
les riches villas décorées de peintures
murales, les églises Saint-Georges des grecs-orthodoxes,
Notre Dame de la Place des maronites et la cathédrale
Saint Etienne des maronites.
En ce temps-la, Batroun et sa région vivaient
de l'agriculture du mûrier nourriture de base,
du ver à soie (19200 kg. de cocon en 1906),
de l'olivier (7500 kg, d'huile d'olive en 1906),
de la vigne, de l'amandier, du figuier, du blé,
de l'orge, du maïs, du tabac; la production
de la mer était pour les Batrouniens une
nourriture de base. L’industrie était
surtout artisanale comme le tabac, le sel, le nettoyages
des éponges, le dévidages des cocons
de vers à soie...
Batroun avait aussi un rôle important dans
le domaine culturel; ainsi la ville a-t-elle donné
un certain nombre de poètes et d'écrivains,
et son unique imprimerie éditait des journaux,
des revues et des livres.
Ces vestiges archéologiques pourraient fournir
du travail à un grand nombre de spécialistes
(recherche, fouille, restauration, urbanisme et
autres...) durant plus d'un siècle.
Joseph T. Merchak
CAPES en géographie
Archéologie et Patrimoine - Publication de
la Direction Générale des Antiquités
en coopération avec l'UNESCO, No 7, Mai 1997
- Le mur Phénicien: >> Voir
la Vue << (2002-09-01)
- Le Théâtre Romain: >> Voir
la Vue << (2002-09-01)
- La Ville, la nuit, décoration de Noël:
>> Voir
la Vue << (2015-01-01)