Beit Eddine est un vrai joyau de l’architecture
et de l’art oriental du début du XIXe siècle.
Bechir II Chéhab, alors au plus fort de son
pouvoir, fait construire sur un promontoire dominant
une colline en terrasses, peu après Deir
al-Qamar, un palais à la mesure de ses ambitions.
Il ne lui faudra pas moins de 36 ans pour l’achever
et l’embellir.
Mais
dans quel contexte ? Depuis le Moyen-âge,
le Liban était partagé en fiefs gouvernés
par des Emirs ou des Cheikhs héréditaires.
Dans les premières années du XVIIe
siècle, l’Emir Fakhreddine II Maan consolida
son pouvoir sur l’ensemble des fiefs dont les territoires
forment, dans ses grandes lignes, le Liban actuel.
Il se transporta alors de Baaqline à Deir
al-Qamar, dont il fit la première capitale
du pays. Ayant fait un séjour à Florence,
il en ramena des idées et des hommes. Des
artistes, des architectes toscans le rejoignent
pour construire son palais. Tout se fait avec l’aide
de maîtres maçons du pays qui taillent
la pierre blonde traditionnelle pour l’adapter au
paysage. A la fin du XVIIe siècle, la dynastie
des Maan s’éteignit et son domaine passa
par héritage aux Chéhab que les féodaux
reconnurent et auxquels le Sultan donna l’investiture.
Tout au long du XVIIIe siècle, les palais
des Chéhab se succédèrent autour
de la place de Deir al-Qamar. Quand l’Emir Youssef
Chéhab abdiqua en faveur de son cousin Béchir,
les dissensions familiales et l’extension du pouvoir
de celui-ci le décidèrent à
construire son propre palais à Beit Eddine,
à 5 km de Deir al-Qamar.
Situé
sur un éperon rocheux, le palais de Beit
Eddine est une œuvre composite. Pour le réaliser,
Béchir II recourut à des architectes
italiens et fit appel aux artistes et artisans les
plus habiles de toute la région. Un palais
oriental, certes mais aussi, épousant le
relief montagneux, une synthèse de toutes
les formes traditionnelles libanaises. S’étendant
sur près de 300 m de longueur, ce nouveau
palais devait correspondre au pouvoir ascendant
de l’Emir et à l’éclat de son règne
qui se prolongea jusqu’en 1840, date de son exil.
L’aspect
extérieur du palais de Beit Eddine est d’une
harmonieuse sobriété que soulignent
les jardins qui l’entourent, cependant que d’autres
jardins agrémentent l’intérieur de
l’enceinte. Une fois franchie la porte d’entrée,
on se trouve dans une vaste cour, largement ouverte
sur la vallée et les monts derrière
lesquels se devine la présence de la mer.
Comme les demeures traditionnelles libanaises, Beit
Eddine a été conçu aussi pour
le plaisir de la vue. Dans cette cour avaient lieu
des manifestations variées, telles que joutes,
danses et autres réjouissances. L’Emir en
partait solennellement avec son cortège,
soit pour la chasse, soit pour la guerre. Qu’on
imagine devant la porte deux gardes magnifiquement
vêtus, leurs pistolets argentés et
leurs sabres étincelants d’or et de fines
ciselures; dans les cours pour le saluer la foule
de serviteurs, de courtisans et de soldats avec
leurs différents costumes aux vives couleurs.
Plusieurs centaines de chevaux arabes, couverts
de housses éclatantes, y piaffaient dans
l’attente du départ.
Du coté
nord, la grande cour est fermée par la madafa,
long bâtiment où logeaient les hôtes
de passage. Au fond de cette place, un escalier
à double volée permet d’accéder
à la partie médiane de Beit Eddine
dont les bâtiments s’ordonnent autour d’une
cour centrale agrémentée d’un jet
d’eau. C’est la partie officielle du palais, celle
où habitaient les secrétaires de l’Emir,
où travaillaient ses ministres. Les appartements
personnels et les salles de réception de
l’Emir étaient situés dans la façade
du harem. Ce bâtiment est réputé
pour la perfection de son architecture et la richesse
de son décor. Là, c’est le luxe le
plus éblouissant: pavage de cours centrées
sur des bassins, salles de réception et de
conseil ornées de mosaïques polychromes,
décoration de salons aux riches loggias boisées,
harems merveilleusement peints qui ouvrent sur de
charmantes terrasses, galeries aux élégantes
arcades soutenues par de fines colonnes, pavage
de marbre, draperies de velours rouge des diwans,
tout témoigne d’un faste princier en même
temps que de la plus exigeante finesse de détail.
Mais
c’est au plus intime du palais, dans les hammams
(bains) que le luxe s’allie à la fantaisie
la plus débridée. Ils sont éclairés
par de multiples cabochons de verre multicolore
fichés dans les coupoles et se distinguent
par leur merveilleuse décoration. La salle
principale du hammam servait de lieu de causerie.
On y parlait littérature ou politique et
on y racontait des anecdotes. L’ensemble du bâtiment
du harem domine la cour moyenne. Sa façade
est la plus séduisante du palais par la beauté
de ses arcades, la finesse des sculptures, le jeu
des couleurs, le découpage du marbre et de
ses niches, et les multiples bassins intérieurs
et jets d’eau.
Dans
ce palais fastueux, Béchir II vit et gouverne,
il reçoit et rend justice, car il est le
chef d’un territoire qui jouit d’une large autonomie.
Une justice sévère, mais toujours
impartiale. Son règne est marqué par
la prospérité. Passionné d’art,
de poésie et de musique, des artistes font
au palais de longs séjours. Il vit dans le
faste, mais cela ne l’empêche pas d’accomplir
de nombreuses réalisations. Les travaux publics
prennent un essor considérable, des routes
sont construites, d’autres élargies, il fait
bâtir des ponts. Sa réalisation la
plus spectaculaire est l’aqueduc de Safa, long de
14 km, pour amener l’eau à Beit Eddine. Il
fit construire des palais pour chacun de ses trois
fils. Celui du prince Amine, qui est l’un des plus
beaux, a été transformé aujourd’hui
en un hôtel de grand luxe.
Parfaitement
conservées, ces demeures princières
dans un environnement naturel incomparable, restituent
l’atmosphère d’une époque, le style
de vie d’un monarque qui fut à la hauteur
de ses ambitions. Si Fakhreddine Il fut un remarquable
homme d’Etat, son successeur Béchir Il, dit
le Grand, s’attacha à parachever son œuvre,
dont est issu le Liban moderne.
- Beit El Dine:
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la Vue << (2001-09-01)
- Beit El Dine - Salle ministre Boutros Karami:
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la Vue << (2012-12-01)
- Deir El Kamar: >> Voir
la Vue << (2001-09-01)