Parler de patrimoine, de vestiges, des us et des
coutumes, de mœurs etc… est une tâche assez
difficile actuellement vue l'évolution rapide
et vertigineuse des normes - mais ils se trouvent
encore certains coins au Liban et dans le monde
où la conservation a été totale
dont cette vallée de la Croix dite "Wadi
el Salib". L'origine du nom est Libanaise,
maronite. L'on suppose que chaque année les
braves Libanais faisaient en cette profonde vallée
une procession de la Sainte Croix, des prières,
des neuvaines, des pèlerinages en ce vieux
temps où la terreur Ottomane, Fatimide… la
haine et le fanatisme étaient maîtres.
L'on dit encore que le nom remonte à une
croix gravée sur un rocher comme point de
repère d'un richissime propriétaire
de la famille Sfeir. D'autres supposent aussi que
la rencontre des fleuves "Source du Asal",
"Source d'el Laban" et "Source du
Msan" forme une croix comme une croisée
de chemin! Faut-il tout croire?
Ce Wadi fut jadis, aux époques Phénicienne
et Romaine, un axe de passage, une route assez difficile
à escalader, qui débute du bord de
la mer à "Nahr el Kalb" et monte
en longeant le fleuve pour atteindre les temples
de "Fakra" et rejoindre Heliopolis - Baalbeck
dans la Bekaa, elle était connue par la route
de Antoninos. De même, une autre route semblable
commençait à Byblos au temple d'Astarté
et d'Adonis, Yenouh, Afka, Heliopolis au temple
d'Atargatis.
Les chercheurs et intellectuels de Kfarzebian considèrent
ce Wadi el Salib comme un patrimoine de leur village
et ne cessent de pousser leurs recherches. Ils supposent
qu'une aire d'escale existait, ce qui permettait
aux caravanes des quadrupèdes équidés
(ânes, mulets, chevaux) de se reposer dans
cette dure montée. Vu la richesse de cette
vallée en arbres forestiers et fruitiers,
figues, oliviers, vignes, … et surtout le mûrier,
le Wadi fut l'endroit le plus adéquat pour
l'élevage du vers à soie et l'élevage
de chèvres, vaches, et troupeaux ce qui fait
que plus de 43 maisons y furent construites, la
terre travaillée. Wadi el Salib devint un
centre vivant plein d'activités et d'échanges,
car la soie et le ver demandent un entretien, un
travail, une connaissance. On produisait plus de
5000 "oka" de soie (un "oka"
est égal à 600 gr, ce qui donne 5000
x 600 grammes = trois tonnes de soie exportées
des ports littoraux vers Marseille et Lyon en France).
On a accès à cette vallée à
partir de Kfarzebian, au Sud-Est du Kessrouan et
de Mayrouba. La vallée continue sa décente
jusqu'à Jeita où l'eau de la vallée
se joint au fleuve de Nahr el Kelb qui prend sa
source dans les grottes de Jeita. Au fin-fond de
cette vallée se trouvait il y a plus de cinq
ou six cents ans un "Hameau" d'une quarantaine
de maisons. L'eau n'y manque pas, les sources sont
nombreuses, et quatre moulins à trois meules
y fonctionnaient. Cela contribua à l'essor
du village, et à un va et vient des habitants
des villages environnants, des échanges,
un petit commerce. Les Chrétiens Maronites
pratiquaient leur rites, et trois églises
furent érigées : Saint Joseph (Mar
Youssef), Saint Pierre et Paul, et une Chapelle
miraculeuse dédiée à Notre
Dame du Rosaire. A propos de cette chapelle, on
raconte qu'en 1887 il y eut de fortes pluies et
des inondations qui firent beaucoup de dégâts,
de destructions, d'avalanches et un rocher de trois
mètres tomba sur le toit de la chapelle qui
résista au choc. Quand la tempête c'est
calmée, les habitants voulant évaluer
les dégâts, arrivèrent devant
la chapelle, et ému l'un d'eux cria: "C'est
la Vierge Notre Dame du Rosaire qui a sauvé
la chapelle". Il se précipita à
l'intérieur de l'église, prit la peinture
de Notre Dame et sortit, à peine devant la
porte, la chapelle s'écroula. Les habitants
prièrent leur Vierge et se dirigèrent
vers le couvent de Roumieh à Kléaat
en procession, priant la Vierge et Jésus.
En 2015, c'est le retour de l'œuvre de Notre Dame
du Rosaire au Wadi après la restauration
de la chapelle.
Dans cette vallée, on est à l'abri,
l'endroit stratégiquement est imprenable,
aucune armée n'oserait s'y aventurer. L'endroit
est d'une grande beauté, ici règne
l'amour, la paix, la sérénité
et la fraternité.
On se demande comment pouvaient-ils vivre, se nourrir,
exister, en des lieux si isolés? C'est simple,
ces braves maronites étaient courageux. Ils
travaillaient la terre, la défrichaient,
la plantaient et ils avaient des récoltes
abondantes. Ils formaient un petit groupe d'une
centaine de personnes, avaient de bonnes relations
et parentés avec les villages voisins. Ils
avaient des échanges sur tous les niveaux,
ils s'entraidaient, avaient la foi et vivaient leur
chrétienté, la Croix les protégeait.
Parler du torrent d'eau, des sources, des arbres
et des rochers monumentaux sculptés par le
Créateur, de clairières, de tout ce
qu'on voit, de sentiers est un long travail. Il
vaudrait mieux garer sa voiture sur l'axe routier
et marcher dans la vallée pour atteindre
le site en question et vivre cette expérience.
En 1615, lors des massacres des Chrétiens
dans la région du "Kaa" dans la
Békaa, les habitants demandèrent refuge
aux Chrétiens de la région de Kfarzebian.
Cweux-ci leur offrirent la vallée du "Wadi
el Salib" où il furent hébergés.
Ils prirent le nom de "Kayi" relativement
au village d’où ils sont issus.
Enfin c'et la Renaissance de la vallée grâce
à "l'Union Européenne" qui
a offert un budget pour la restauration du lieu
: quatre maisons ont été restaurées,
et l'église Notre Dame du Rosaire. Le travail
est très long et demande beaucoup de sacrifice
et d'efforts.
La vallée débute à 1200 mètres
d'altitude ou plus, pour atteindre plus bas les
600 mètres où elle se joint au fleuve
de Naher el Kalb. Dans ce petit village, on entend
le silence avec toute sa majesté, on écoute
la voix Divine du Créateur; les rayons du
soleil pénètrent la vallée
profondément, quant au climat, été
comme hiver, il est fort agréable, un climat
tempéré, frais, sensationnel. Kfarzebian
est à 45 Km de Beyrouth, la descente vers
le Wadi est à 38 km.
En 1898 et après la tempête, un pont
fut construit pour assurer la route et l'évacuation
des eaux par l'ingénieur Antoine Kikano au
temps du Moutassaref Wasseh Bacha. Il fut inauguré
en 1901.
Apres la vague d'immigration vers les Amériques,
la première guerre mondiale et la terreur
Ottomane les conditions de vie devenaient très
difficiles et le Wadi se vida de ses habitants.
Le dernier habitant qui abandonna le Wadi laissant
derrière lui plusieurs siècles de
vie, de mœurs, de traditions et de souvenirs fut
un certain Israël Abou Rached. La famille Abou
Rached existe toujours à Feytroun et dans
les villages environnants.
Quant à Kfardebian, dont les fils s'occupent
du Wadi, c'est la plus grande région du Kessrouan.
J'espère que nos deux plus illustres wadi
celui de la Croix et celui des Saints, dans la Kadicha,
reprennent vie et renaissent de leurs cendres.
Joseph Matar
- La vallée Wadi el Salib 1: >>
Voir
la Vue << (2014-11-15)
- La vallée Wadi el Salib 2: >> Voir
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