La
maison du Président (Le Palais du Président
Chéhab)
Tenues
par les mains de leur mère, 4 et 5 ans, Marina
et Madona sortaient de l’église des Frères,
un dimanche en mai 1971 se dirigeant vers leur maison
à une centaine de mètres de là.
L’une disait à l’autre : « Que va-t-elle
faire, la Sainte Vierge, avec les 50 piastres qu’on
a données à l’église ? »
l’autre de répondre : « De quoi tu
te mêles ; elle fera ce qu’elle voudra. »
Devant elles une personne de 70 ans ralentissait
le pas pour écouter la suite de la conversation,
lui qui n’avait pas eu d’enfants, mais qui considérait
que toute la nation formait sa famille. Arrivé
à l’entrée de sa résidence,
à droite, à une dizaine de mètres
de l’église, il se retourne et demande à
la mère des fillettes: « Les filles
de qui sont-elles ces deux petites ? » et
la maman de répondre: « Ce sont les
filles de Joseph Matar », il rétorqua:
« Alors c’est toi, Andrée, que je n’ai
pas reconnue ! Salue Joseph, mon voisin ».
Une proche parenté le liait à Andrée
dont la grand-mère était une Cheikha
Hobeich et la mère du Président était
aussi une Hobeich, une illustre famille.
Vous comprenait bien que cette personne qui assistait
souvent à la messe chez ses voisins, les
Maristes, était le Président Général
Fouad Chéhab. Les deux fillettes, l’une est
devenue artiste et brillante architecte, l’autre
est une éminente docteur en médecine
et professeur à la Faculté. Cet événement
qui se déroula sur une petite ruelle, démontre
le profond humanisme, la grande bonté, l’amour
pur… de ce président…
Les contes d’enfants sont lus le plus souvent par
les grands. L’humanisme, l’imagination, les sentiments,
le dévouement, le sacrifice etc… n’ont rien
à faire avec la carrière, que l’on
soit Président ou instituteur…
En tant que voisins, les maisons à Jounieh
étaient éparpillées, peu nombreuses…
dans notre quartier, pourtant central, près
des Frères et de la place du ‘marché’,
des centaines de mètres séparaient
les maisons.
Les Hobeich-Chehab étaient nos voisins les
plus près avec les Maristes, et lors du voyage
du général Chehab en France, encore
brigadier, il loua chez nous un local pour déposer
ses meubles et ses affaires.
Quand il accéda à la Présidence
il ne résida pas à ‘Kantari’ dans
le palais présidentiel. Pour Napoléon,
là où il s’asseyait devenait la tête
de la table, et pour Chehab la résidence
était là où il se trouvait,
là où il se trouverait.
Il opta pour une résidence à 1 ou
2km de sa petite maison de Jounieh. Oui, sa petite
maison, ou maisonnette, était celle de l’unique
président qui n’a pas construit de ‘Palace’,
ou de fastueuses et grandes maisons. Napoléon
n’a jamais habité Versailles, mais les Tuileries…
Fouad Chehab, ce qui l’intéressait c’était
la nation entière, son bien, l’infrastructure
de ce pays etc…
Enfant, il avait sûrement traversé
des centaines de fois ’Zouk’ et vu au début
de la montée cette maison de contes, de rêves
et d’histoires d’enfants.
Oui, moi aussi et tous les enfants mes semblables,
étaient fascinés par cette maison
; dans nos allées et venues à Beyrouth
dans nos sorties avec l’école et nos jeux,
on passait souvent devant cette maison qui nous
arrêtait et stimulait nos rêves. On
ne savait pas à qui elle appartenait mais
on savait qu’elle était comme les maisons
qui illustraient les contes pour enfants.
Etait-elle la maison de la ‘Princesse au bois dormant’
ou celle de ‘Blanche neige’ ou ‘Cendrillon’ ? Avait-elle
été construite par des extra-terrestre
ou servi de résidence au petit Prince de
Saint Exupéry ?
On s’arrêtait, observant ses perspectives
ses terrasses symétriques, les arbres de
pins et d’autres, son portail en fer forgé,
son enceinte, était-elle habitée par
des anges, des musiciens célestes ? Construite
par des fées ? des déesses ? El le
Président Chehab, enfant ne s’était-il
pas arrêté plus d’une fois devant cette
maison paradisiaque, comme beaucoup d’autres.
Je connais vaguement les propriétaires ;
ils l’ont dit: la résidence Amatoury. Etait-ce
vrai ?
Ce qui est certain, c’est que le Président
Chehab voulut réanimer cette maison, lui
redonner vie et âme, en faire sa résidence
présidentielle, son quartier général
pour diriger le pays.
En peu de temps, elle devint un chantier de réaménagement,
restauration qui dura peu de temps.
Escorté par ses gardes, il lui fallait moins
de trois minutes pour se déplacer de Ghadir-Jounieh
à Zouk. La maison aura vue, reçue,
accueillie les responsables les plus hauts placés
au monde et au Liban, les ambassadeurs, les dignitaires,
les religieux etc…
Le palais présidentiel fut transféré
à Sin-el-fil avec le Président Hélou,
avant d’aménager la Résidence actuelle
de Baabda. Cette maison de Zouk fut achetée
ou plutôt vendue à un homme d’affaires
(Monsieur Abtour me racontant qu'ils sont les descendants
de Français "Abbé de la Tour"),
dont je connaissais l’épouse. Elle me visita
dans mon atelier un jour pour acheter trois de mes
œuvres voulant orner un coin de son salon, et depuis,
avant la triste guerre de 75, jusqu’à hier
et à la demande de William, j’ai creusé
un peu dans ma mémoire pour lui raconter
ce que je sais humblement de cette maison qui a
un nouveau patron, un nouveau propriétaire.
Parler du Président Chehab, c’est un sujet
très riche qui fera couler beaucoup d’encre,
et faire une recherche autour de cette maison de
rêve est possible aussi. J’ai été
heureux de savoir que le nouveau Patron a voulu
à tout prix acquérir cette maison
pour la sauver car elle appartient au Patrimoine
du Liban. Je me demande si tous ces richissimes
libanais partout dans le monde feront ce que vient
de faire M. El Ters, qu’il soit un bon exemple.
Tout ce qui a été mis à jour
une affaire d’Etat, devrait être ‘pieusement’,
dit Victor Hugo, sauvegardé pour l’avenir.
L’humble maison de Du Guesclin, au Moyen Age, est
conservée, entretenue, honorée, sur
le Mont Saint Michel en Normandie et devient là
un lieu de pèlerinage historique national.
Notre Président le général
Fouad Chehab a offert à la maison une stature
et une action d’homme d’Etat comme il en existe
peu chez nous et dans le monde. L’humble demeure
d’où il a exercé son admirable Présidence,
mérite que l’on y rappelle sa mémoire
comme on le fait pour le moindre monument où
un grand de ce monde s’est arrêté et
que même une simple et prodigieuse stèle
du Nahr el Kalb perpétue après plus
de 2000ans. Ramsès, le grand Ramsès
a passé par là, s’est arrêté,
à franchi l’obstacle absolu. Tout comme Assar-Adon
le Babylonien… on vient avec respect et surprenante
admiration contempler les lieux où ces héros
ont passé et émerveillé leurs
peuples. Qu’il en soit ainsi pour lui, notre Chehab
illustre et simple. Qui a dit et chanté ses
hauts faits ?... Ne le lui devions-nous pas ?
- Palais du
Président Chéhab: >> Voir
la Vue << (2012-03-01)