Un fait caractéristique au Liban et qui exprime
un attachement, une nostalgie au patrimoine sont
des noms de familles qui deviennent des noms de
villes, de villages ou de bourgs. Si l’on cherche
les cas sont nombreux et intéressants :
La région
de Fayadieh était le domaine de la famille
Fayad. Le village de Mradiye était le fief
de la famille Mrad…
A
Hazmieh, sur les hauteurs de Beyrouth, sur une pente
très agréable, se trouve un domaine
de 50 hectares qui était le fief des Asfour,
et qui prit le nom de Asfourieh. Cela s’est déroulé
au début du XXème siècle, car
à l’époque, et même avant, les
missions chrétiennes occidentales étaient
nombreuses, et chaque mission trouvait des adeptes
et des sympathisants car sous l’occupation Ottomane,
injuste et cruelle les gens acceptaient tous les
nouveaux venus pour se débarrasser de l’occupant
et tyran turc.
Les hôpitaux,
les écoles, les activités d’éveil,
le développement, le sentiment national,
les besoins d’expression et de liberté etc…
tout cela avait besoin de s’épanouir, de
s’exprimer, de s’émanciper
Les Asfour
décidèrent d’offrir ce terrain à
une mission médicale pour créer un
hôpital psychiatrique pour traiter les maladies
mentales.
Sur ce
vaste terrain, on érigea un hôpital
diffèrent des autres, ce n’est plus un grand
bloc, une seule grande construction, mais plusieurs
bâtiments repartis sur cette surface forestière
: un bloc indépendant pour les hommes, un
autre pour les femmes, une salle d’opération
et de service, des laboratoires, des cliniques,
des salles de conférences, des salles de
réunions, de rencontres, des terrains de
jeux, des chalets indépendants, un parc bien
arboré, un restaurant et des cuisines, une
église, bref un village complet, très
fonctionnel.
Un hôpital
en pleine nature, des sentiers à travers
les arbres, des bancs pour s’assoir et se reposer,
un lieu de promenades où l’on respire l’air
pur et où on contemple la nature dans toute
sa beauté, c’était une première
au Liban et dans tout ce Moyen-Orient.
Les médecins
soignants étaient de partout, des Libanais,
des Américains, des Français, des
Allemands... Le grand centre hospitalier était
rattaché à la Faculté de Médecine
de Beyrouth.
Un directeur
dirigeait l’hôpital aidé par d’autres
assistants et médecins. L’un d’eux dont j’ai
oublié le nom était passionné
de peinture, d’art, il avait tout un atelier pour
travailler, mais il avait besoin d’aide. Il lia
une amitié avec l’artiste peintre Omar Onsi,
mon professeur, et il venait régulièrement
chez Omar travailler en son atelier et lui montrait
ses œuvres. Le médecin, invita un jour Omar
à venir peindre un paysage dans la nature
à Asfourieh.
Omar
m’avoua qu’il y avait passé une agréable
journée et me montra la peinture qu’il avait
réalisée et il ajouta que le docteur
peignait un paysage à ses côtés,
mais voyant que Omar simplifiait sa composition
avec liberté et ne se contentait pas d’imiter
la nature, ôtant certains détails,
empâtant d’autres, il lui posa la question
: « Pourquoi vous avez supprimé ces
arbres et ce rocher ? » Et Omar de répondre
: « C’est plus agréable dans ma composition.
» Alors, le médecin appela l’un des
jardiniers et lui ordonne de couper ces arbres de
telle sorte que la nature ressemble à l’œuvre
de Omar et non le contraire. Cela révolta
le peintre qui était un grand ami des arbres
et de la nature et il expliqua au médecin
psychiatre que cet ensemble d’arbres pourrait être
très agréable dans une autre conception.
J’ai
raconté cette petite histoire car je sentais
à quel point Omar estimait le directeur de
l’hôpital. Omar a réalisé plusieurs
aquarelles dans le domaine Asfourieh, qu’on peut
considérer comme un jardin Anglais. Les arbres
ont poussé comme si la main de Dieu les a
semés pêle-mêle, point de symétrie,
de mesure ou de rationnel. C’est une imitation d’une
forêt poétique, dans ce domaine c’est
le repos la tranquillité des âmes qui
prime, ce qui facilite les soins et la guérison
rapide des patients.
Les Asfour
originaires de Hazmieh, voyant que les Latins au
Liban n’avaient pas d’évêché
offrirent leur maison à Hadath pour en faire
la résidence des Latins.
Que
de chansons, que de blagues et d’histoires ont été
créés et racontées à
propos de Asfourieh… ! Le mot Asfourieh était
devenu synonyme d’asile psychiatrique!
Le couvent
et l’hôpital du couvent de la Sainte Croix
n’existait pas encore.
Le Saint
Père Jacques (« Yaacoub ») était
en pleine forme pour reprendre « ce genre
de soins » ; et ce fut la relève et
le début du déclin de Asfourieh pour
les malades mentaux et toutes les maladies psychiatriques
en général,
Actuellement,
Asfourieh n’existe plus, et les patients se dirigent
au couvent de la Sainte Croix du Père Jacques,
tenu par les religieuses de sa communauté.
Aujourd’hui
Asfourieh est devenu un terrain vague, sans entretien,
un gardien assure une certaine permanence durant
la journée. De grands investisseurs préparent
un grand projet résidentiel qui doit être
érigé sur le terrain.
Joseph Matar
- Asfourié
– Domaine des Asfours:
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la Vue << (2017-09-26)