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Vues Panorama > Beqaa > Baalbeck


Baalbek par Fulvio Roiter, 1980, Conseil N. de Tourisme au Liban

Quels dieux éteints gardent-ils ta parole? (Fouad Gabriel Naffah, poète). Pour la fascination qu’elle exerce immanquablement, Baalbek, dans la Bekaa, est aussi célèbre que Louxor ou l’Acropole. Parmi les vestiges romains disséminés un peu partout dans ce qui fut le monde de l’antiquité, elle constitue cependant une singulière exception. Si elle est si différente des autres ruines romaines, si elle parait presque unique, c’est qu’elle a honoré tour à tour deux cultes: celui d’abord du dieu phénicien Baal-Shamash ou Hadad, incarnation du soleil, maître suprême du monde, frère jumeau de l’Amon Râ égyptien, celui ensuite du dieu romain Jupiter, issu lui-même de l’Hélios grec qui avait été vénéré en ce même lieu, appelé alors Héliopolis et dont le temple passait pour une des merveilles du monde.

De sorte que la profonde originalité de Baalbek - site admirable, d’une majesté saisissante - tient à ce qu’on retrouve ici et là, comme à Tyr, l’essentiel de la tradition orientale. Ainsi les dieux romains se sont-ils associés aux divinités existantes : Hadad, seigneur des forces naturelles, Atargatis, déesse de la fertilité, Adonis, dieu fils, se confondent bientôt avec les hellènes Zeus, Aphrodite et Hermès, puis avec Jupiter, Venus, Mercure. Mais, et c’est là une autre différence avec les vestiges romains d’ailleurs, le caractère colossal de l’entreprise. En assimilant les dieux phéniciens aux leurs, les Romains ont élevé à la place des anciens lieux de culte, dès le règne de Jules César, des temples gigantesques, sans doute les plus grands de tout le monde antique. L’ensemble s’étend sur plus de 300 m de long. Les six colonnes du portique qui sont encore debout (il y en avait 54) ont 22 m de haut. On ne peut manquer d’être frappé par la masse de ces monuments qui ne laisse aucune impression de lourdeur. Au contraire, ils sont extraordinairement aériens et d’une majestueuse harmonie. Un mystère cependant: le transport en ces lieux des blocs taillés du soubassement des temples qui ont 21,50 m de long, 4,20 m de haut et 4,80 m de large.

Une fois de plus, semble-t-il, Rome a voulu mieux faire en ces terres lointaines qu’elle ne l’avait fait chez elle, mais tout en tenant compte des traditions locales, et se laissant même influencer par elles. Comme le révélait l’archéologue Georges Borgi, il n’est que d’observer le grand temple: il porte la marque de l’esprit phénicien. Les cours qui se succèdent et conduisent à la demeure du dieu ne sont pas de tradition latine, pas plus que l’adytum du temple dit de Bacchus.

On notera combien est singulière dans un édifice romain, la tour à cinq étages dressée dans la cour du grand temple. A son sommet, on faisait des offrandes d’encens. Baalbek a donc été un lieu où l’Orient s’est trouvé intimement mêlé à l’Occident. Une œuvre aussi importante, démesurée, dépasse les capacités d’une ville ou d’une province. Elle ne peut être que le résultat d’une entreprise impériale. Tant d’efforts, tant de dépenses ne s’expliquent que par la politique orientale des empereurs, qui voulaient unir dans une même dévotion, dans le culte des mêmes divinités, les populations autochtones et les colons romains. Cette politique était possible parce que la tendance au syncrétisme prévalait ici…

Cette tendance persiste toujours à Baalbek en matière d’art. Les temples de Jupiter et de Bacchus sont le cadre d’un Festival International éclectique et réputé. Dans la demi clarté de nuits cristallines, musique, danse, théâtre font se succéder les plus prestigieux noms de l’Occident et de l’Orient, rééditant ainsi un effort de rapprochement qui unit dans un même culte du beau, des sensibilités, des mondes différents.

La ville, elle, offre un certain pittoresque avec sa mosquée, ses souks, ses jardins et vergers, rehaussés par la beauté de son environnement. A la source de Ras al-Ain se succèdent des cafés-restaurants où se côtoient Baalbekiotes, à l’allure farouche mais à l’abord aimable, et touristes en quête d’ambiance agreste et de spécialités locales. Le délicieux café amer, parfumé de cardamome, que connaissent et apprécient les festivaliers, est moulu de façon cadencée dans un pilon à café en présence des clients.

Au point du jour comme au couchant, les couleurs que pose le soleil sur les temples ou sur les montagnes fauves de l’Anti-Liban sont un spectacle à ne pas manquer. Elles paraissent à chaque instant différentes et en même temps plus belles, d’une beauté quasi irréelle.

- Fouilles à Baalbeck: >> Voir la Vue << (2001-04-01)
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