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Ministère Affaires étrangères Histoire et destin d'un palais |
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Le ministère des Affaires étrangères - Histoire et destin d’un palais
Le palais Bustros abrite, depuis 67 ans, le ministère des Affaires étrangères. Les murs de son enceinte cachent aux passants de la rue Michel Bustros – descente du centre Sofil – la cour du palais et son majestueux escalier. La demeure a récemment été au cœur des médias. Il a été question d’un changement de propriétaire et d’un possible déménagement du ministère des Affaires étrangères.
Ce que l’on désigne sous le nom «le Quartier», abritait au XXe siècle la plupart des demeures bourgeoises de Beyrouth, notamment celles des familles grecquesorthodoxes. C’est dans les mémoires de Gabriel Puaux, hautcommissaire de France de 1939 et 1940 au Liban et en Syrie, que l’on trouve une description de la société de l’époque. «La communauté orthodoxe comptait les plus grandes fortunes du Liban. Les Sursock, Bustros, les Trad menaient un grand train de vie. Des palmiers et des rosiers isolaient ces demeures construites dans un style mivénitien, miarabe. On y admirait de fort belles choses, fournies par les plus grands antiquaires de Paris, de Londres et de Rome. Cette société, aux goûts cosmopolites, passait volontiers l’hiver en Egypte, l’été en Europe; on faisait cure en France; on y consultait des praticiens de renom; on connaissait toujours ‘‘au Quartier’’ les derniers potins de Paris, les succès des actrices du boulevard, en même temps que les derniers scandales d’Alexandrie et les cours du coton égyptien. Le style des réceptions me ramenait à Bucarest. Tel le déjeuner chez Isabelle Bustros, la plus haute autorité mondaine du ‘‘Quartier’’». Le palais Bustros, comme l’explique l’actuel secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, William Habib, «est doublement symbolique. Il ne fait pas seulement partie du patrimoine libanais, il représente également la mémoire du ministère des Affaires étrangères». Et cela depuis que le palais a été loué à l’Etat en 1944 par Eveline Bustros, elle qui y a vécu, après son mariage avec Gabriel Bustros. Elle en fit «un centre encore plus important que le palais Tuéni. Hôtesse admirable, elle recevait autant les révolutionnaires que les conservateurs, et organisait des assises politiques et des cercles littéraires. Grâce à elle, le palais Bustros ouvrit ses portes aux nationalistes arabes qui s’y rencontraient à chacun de leurs passages à Beyrouth, où déjà l’action était plus aisée et la pensée plus libre. C’est au palais Bustros que les leaders du Bloc national syrien ont tenu leur ultime réunion avant de se rendre à Paris pour y négocier le traité de 1936. Deux ans auparavant, ils avaient, toujours à partir de ce palais, envoyé une délégation soutenir le patriarche maronite dans sa démarche contre la puissance mandataire. C’est encore au palais Bustros, écrit Takieddine elSolh, dans la préface de Romans et écrits divers d’Eveline Bustros, que le khédive d’Egypte, Abbas Helmi, trouva refuge après avoir été destitué par les Anglais. Nous étions alors, lui et moi, les seuls hôtes de cette demeure. Je l’écoutais, durant des heures, tirer des leçons de son expérience et exposer sa vision de l’avenir et son espoir d’une unification des Arabes». Le palais fut donc, avant sa transformation en ministère des Affaires étrangères, déjà un lieu des hautes sphères diplomatiques. Il fut construit au milieu du XIXe par Fadlallah Bustros, dont le nom tire ses origines d’Athènes. On peut lire dans Le Protocole au Liban de Jean Daniel, paru en 1988, que «les Bustros s’appelaient initialement Salvestros, puis avec les altérations locales (le v n’existant pas en arabe), Salvestros deviendra Salbestros, avant de se contracter en Bestros puis en Bustros.
«Je me souviens» de Nicolas Bustros
Le protocole libanais fut initié par l’un des membres de la famille Bustros, Nicolas, qui a laissé à travers ses mémoires, Je me souviens, publiées en 1983, un témoignage fort de la vie diplomatique et sociale libanaise de la première partie du XXe. «Lorsqu’avait été créé le ministère des Affaires étrangères (nous n’en avions pas, car jusqu’ici, les Français s’étaient occupés de nos relations avec l’étranger), on avait également créé un «service de protocole», dont on m’avait confié la direction. Je représentais l’ensemble du protocole. Pluralité des fonctions qui suscita assez vite de graves malentendus, parce qu’au début du régime Béchara elKhoury, nul ne comprenait l’importance de ce «Service». Quand nous avons quitté le vieux Sérail, le premier soin de cheikh Sami elKhoury, frère du président, fut de me reléguer à l’étage supérieur du palais Bustros, et de m’octroyer la chambre la plus éloignée et la plus inconfortable. Ainsi, lorsque je recevais la visite d’un ministre plénipotentiaire, il me fallait le laisser seul dans la salle, aller jusqu’au haut de l’escalier, taper des mains pour appeler le cafetier et lui demander deux cafés. Ce n’était évidemment pas très agréable». Dans l’enceinte du palais Bustros, le calme règne malgré le jardin transformé en parking. L’escalier extérieur qui se sépare en deux, s’unifie tout en arrondi, devant le porche d’entrée aux initiales F. et B. de son premier propriétaire. «En tant que jeunes diplomates, nous avions assez peu l’occasion de monter l’escalier, se souvient William Habib. Dans les années 70, quand je suis entré pour la première fois dans le palais, c’était comme si je pénétrais dans une cathédrale». Les hauteurs des pièces sont particulièrement étonnantes. Le lieu en impose. «Le palais Bustros comportait à l’époque une très jolie salle à manger. Décorée, garnie de fleurs, elle offrait un décor bien plus élégant que celle d’un hôtel», décrit Nicolas de Bustros dans ses mémoires. A la tête du ministère des Affaires étrangères, Philippe Takla, Charles Hélou, Fouad Boutros, Salim elHoss ou encore Farès Boueiz, ont dirigé la diplomatie libanaise à partir de ce magnifique lieu. Mais diplomatique ne fut pas forcément le qualificatif appliqué à toutes les relations à l’intérieur du ministère. Nicolas de Bustros relate un différend avec Philippe Takla: «J’ai quitté en claquant très fort la porte. Comme les portes du palais sont très grandes et lourdes, mon geste provoqua un bruit épouvantable, laissant plusieurs fonctionnaires croire à l’explosion d’une bombe». A ce jour, le nouveau propriétaire, Raymond Rahmé, n’a pas encore clarifié les ambitions qu’il nourrit pour le palais. Même si les locaux du ministère des Affaires étrangères, comprenant outre le palais, quatre immeubles environnants, seront transférés dans un nouvel emplacement, le ministère pourrait continuer à louer la demeure. D’après William Habib, «Nous aurions dû, lorsque la famille Bustros a vendu le palais en 2004, décider de l’acheter». En ce qui concerne la possibilité d’une démolition du lieu, le ministre de la Culture est catégorique, pour l’instant. «Non seulement le palais Bustros est inscrit au patrimoine des demeures à préserver, il fait également partie des 250 demeures inventoriées et classées catégorie A en raison de leur intérêt architectural. Par conséquent, il ne peut être démoli», déclarait Salim Wardy à la mijanvier, précisant qu’«aucune demande de permis de démolition n’a été présentée et il est hors de question qu’on le donne, et là je suis formel: je serai intransigeant». DELPHINE DARMENCY
IL ÉTAIT UNE FOIS…
Eveline Tuéni avait été demandée en mariage par de nombreux prétendants, dont Henri Pharaon et Jean de Freige, mais elle les avait tous refusés car elle ne voulait pas quitter son cher quartier SaintNicolas. Dans le palais Bustros, à 200 mètres de chez elle, vivait Gabriel Bustros, célibataire endurci; elle décide qu’il sera son mari; elle savait qu’il faisait tous les jours sa promenade à heure fixe dans le quartier et, pour attirer son attention, elle fit mine de tomber devant le passage de sa calèche; il s’arrêta alors pour l’aider à se relever et la ramena chez son père, Gerios Tuéni, et revenant le lendemain pour prendre de ses nou velles, il succomba à son charme.
L’URBANISME EN 1936
«Théoriquement, aucun permis de construire ne pouvait être accordé dans tout le pays sans mon autorisation. J’entendais faire de Beyrouth, en particulier, une très belle capitale(…). Or, à cette époque, le primitivisme régnait. (…) C’était l’heure où le projet de la Place de l’Etoile devait être réalisé. L’une de ses tangentes partait de l’Etoile et atteignait l’emplacement du futur hôtel Normandy. Un hôtel qui n’aurait jamais du être construit! Son emplacement a empêché la création de cette tangente. Le propriétaire du terrain, M. Bissar, présenta à la municipalité les plans du Normandy. Je les refusais. Par malchance, Bissar était un gros électeur de Tripoli, dont l’appui pesait dans la balance. Il porta plainte auprès du président du Conseil de l’époque, Khaireddine elAhdab». Ce dernier «autorisa son ami Bissar à enfreindre la réglementation. Et voilà pourquoi Beyrouth n’a pas eu cette branche de l’Etoile».
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