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Revue Phenicienne, Grands hommes Liban, Khalil Ganem Ghanem |
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LA REVUE PHENICIENNE: NOS GRANDS HOMMES: KHALIL GANEM
1847-1903
Khalil Ganem, fils d’Ibrahim Ganem, est né à Beyrouth le 8 Novembre 1847.
A onze ans, il fut envoyé au collège d'Antoura (Liban) dirigé par les pères Lazaristes. Dès son jeune âge il se distingua par son penchant pour les lettres françaises.
A sa sortie du collège, son intelligence précoce, son esprit éveillé, son caractère sérieux lui attirèrent l'attention du célèbre cheikh Nassif El Yazegi, qui lui donna des leçons d'arabe et Ibrahim Bahout chez qui il étudia la langue turque. Il apprenait l'anglais en particulier, et arriva sous peu à écrire et à s'exprimer en cette langue avec une facilité prodigieuse.
En 1862, il fut nommé conseiller au tribunal de commerce de Beyrouth; c'est de cette date que commence sa vie politique. L'année suivante, Ibrahim Pacha le nomma son drogman particulier au Mutassarifieh de Beyrouth, et lui accorda le grade honorifique 2me classe.
Quand en 1865 Rached Pacha fut nommé gouverneur de Syrie, Khalil Ganem devint drogman du villayet; il occupa ce poste avec une dignité et un désintéressement que ses supérieurs ne pouvaient s'empêcher d'admirer. Il occupa encore cette position sous Soubhi Pacha et Assad Pacha. Quand ce dernier fut rappelé à Constantinople en qualité de grand vizir, il amena avec lui Ganem qui devint le Drogman du Ministère des Affaires Etrangères.
En 1875 il fut promu au grade de « Maitre des Gerémonies » au Yildiz, et Drogman de la Sublime Porte. En 1877, les Syriens le nommèrent leur député à la chambre de Constantinople.
En ce temps là, Midhat Pacha grand vizir l'invita à étudier avec Aghob Pacha les diverses formes de gouvernement constitutionnel et à en composer un régime applicable au gouvernement ottoman.
Ganem après de longues et sérieuses études sur ce sujet ne craignit pas d'élever la voix au cours de plusieurs séances à la Chambre et de dire son avis sur les lacunes dans la forme du Gouvernement turc.
Il prit ensuite le parti de Midhat Pacha que la cour venait d'exiler, et attaqua énergiquement Husni Fehmi Pacha qui défendait le débat à la chambre dans l'affaire de Midhat Pacha exilé injustement.
Abdel-Hamid ordonna la dissolution de la chambre. Ganem fut le premier à protester par un discours célèbre il débuta par cette phrase: « On a bâillonné la liberté de la tribune. Le Sultan a reconnu la constitution, il ne peut maintenant revenir sur sa décision; d'ailleurs le Sultan est soumis à la Loi et ce n'est point la Loi qui lui est soumise. »
Abdel-Hamid en fut informé par ses espions, et ordonna sur le champ l'arrêt et la condamnation à mort de plusieurs membres de la chambre et en premier lieu de Khalil Ganem.
Heureusement, Ganem en fut informé et avant qu'on eût eu le temps de le saisir il se refugiait à l'ambassade française, qui l'embarqua sur un bateau marchand, en partance pour Marseille. Il arriva à Paris, complètement dépourvu d'argent, Il n'avait jamais voulu comme tous ses collègues turcs, profiter des positions qu'il occupait.
A Paris Kh. Ganem fonda un journal arabe qu'il appela Al Bassir (Le voyant) pour soutenir la cause de ses compatriotes syriens.
Le Gouvernement turc interdit formellement à ses postes, et aux postes étrangères, l'accès de ce journal en territoire ottoman, et menaçait du châtiment le plus terrible tout homme chez qui l'on trouverait un de ses exemplaires. Ganem se vit forcé d'en suspendre la publication.
Pour gagner sa vie, il dut prêter le concours de sa plume aux journaux de France; il composa en arabe un traité d'économie politique, un autre sur les Sultans Ottomans en 2 volumes, créa plusieurs journaux qu'il distribuait gratuitement, entre autres « La Jeune Turquie », le « Hilal » et la « France Internationale » qu'il publia successivement en français. Il fut pendant longtemps un des rédacteurs assidus et fort appréciés des « Débats » du « Figaro » etc…
Sa réputation grandissante, ses vues saines, la justesse de ses opinions, attirèrent sur lui les yeux des comités les plus en renom à Paris. Mr Hanotaux, ambassadeur de France à Londres, le tenait en très haute estime; souvent on voyait Kh. Ganem dans les rues de Paris se promenant avec Gambetta, bras dessus bras dessous, et discutant fiévreusement politique.
En 1893, il fonda en Suisse, un journal « Le Croissant », où il attaquait la politique despotique du Sultan, et de son entourage, et proclamait hautement pour la Turquie la nécessité d'un régime constitutionnel.
Après une campagne infatigable, plusieurs hautes personnalités de Turquie se rallièrent à sa cause et vinrent le rejoindre à Paris. A leur tète était Mahmoud Pacha Damad, frère du Sultan, Ahmad Riza Bey, ex-président du Parlement et du Sénat ; et plusieurs de nos compatriotes: Adib Ishac, Cheikh Mohamed Abdo, l'Emir Megid Arslan propriétaire du journal « Kachf El Nikab » (Le masque dévoilé), et Selim Sarkis, le propriétaire du « Mouchir » (Le Conseiller). Bien d'autres encore émigrèrent à Paris; là, ils fondèrent la Société de la « Jeune Turquie », mirent à leur tête Khalil Ganem, et devinrent un noyau de parti politique redoutable pour la Turquie.
Abdul Hamid essaya alors, d'acheter Ganem. Il lui envoya par son ambassadeur de Paris le « 1er grand cordon Osmanié, et à sa femme le grand cordon du Chéféké. Ces hautes décorations étaient accompagnées de la somme de 15000 livres turques. Abdul Hamid le priait de les accepter, et d'arrêter ses violentes polémiques contre le régime. Il lui offrait en outre de le nommer ambassadeur à perpétuité de la Sublime Porte à Paris.
Khalil Ganem refusa les décorations, l'or, et l'ambassade, en répondant: Je ne souillerai point ma poitrine, ni celle de ma femme par des insignes offerts par des mains tachées de sang; je n'accepterai point un argent extorqué du peuple, et fruit de corruptions honteuses; je ne veux pas surtout représenter un Sultan rouge et dont je rougirais devant mes compatriotes et devant les Français!
En lisant cette réponse dans les journaux, ainsi que plusieurs articles, dans lesquels Kh. Ganem l'accusait de toutes sortes de crimes, de despotisme, et du massacre des Arméniens, Abdul Hamid intenta contre lui un procès auprès des tribunaux de Paris. Il demandait justice contre celui qui osait l'attaquer. La Presse française a longuement commenté ce procès et fit une énergique campagne en faveur de Kh. Ganem. Plusieurs avocats parmi les plus grands maitres du barreau français, entre autres Henry Rochefort, s'offrirent à le défendre gratuitement. Apres de longs débats, la justice française ne trouva rien à reprocher à la franchise, à la loyauté, et au patriotisme de Kh. Ganem.
Il avait épousé en 1883, une Française Mlle Marie Renaud, que nous avons tous connue à Beyrouth, et qui est morte récemment pendant la guerre. Il n'avait eu de ce mariage qu'une fille qu'il perdit à l'âge de huit ans.
Khalil Ganem est reste à Paris jusqu'à sa mort en 1903. Le Gouvernement français se fit représenter officiellement aux obsèques de celui qu'il avait plusieurs fois décoré et dont il appréciait à juste titre le grand mérite et la haute capacité.
S'il refusa les décorations turques, il fut fier au contraire de porter la croix de la Légion d'Honneur, d'appartenir à la Société des gens de Lettres et des Auteurs Dramatiques etc., et nous avons tous le droit d'être fiers de lui, parce qu'il a sû montrer aux nations occidentales que le Liban peut toujours donner naissance à de grands hommes!
Philippe de Tarrazi
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