‘‘Nos ancêtres, les Phéniciens…’’.
Peu chauvin, le jeune Libanais moderne n’est
pas nourri dès l’école de son
appartenance historique, qui revient sous d’autres
cieux presque comme une comptine. Pour une raison
sans doute bien simple : tant de Civilisations se
sont succédées sur son sol qu’il
finit par se considérer plutôt comme
méditerranéen d’abord, citoyen
du monde ensuite (mais Libanais quand même).
Terre d’accueil, le Liban l’a été
depuis la plus haute antiquité, souvent de
bon gré, parfois de mauvais gré, conservant
cependant, à travers les temps, des vertus
particulières que l’on retrouve aujourd’hui
encore chez ces citoyens sans avoir besoin de les
chercher très loin.
Les traces les plus anciennes de civilisation remontent
à l’ère néolithique et
énéolithique, et sont le fait des découvertes
de l’archéologue Maurice Dunand à
Byblos. Mais on admet généralement que
la période ‘‘ historique’’
du Liban remonte au quatrième millénaire
avant Jésus-Christ avec les Cananéens,
ensemble de peuples disparates qui vivaient sur la
côte orientale de la méditerranée
et qui ont donné naissance aux Phéniciens,
première entité ethnique bien définie
dont l’histoire est maintenant connue. Les Phéniciens,
établirent sur la côte une série
de royaumes ou comptoirs commerciaux indépendants
- républiques oligarchiques - qui s’échelonnent
de Rouad (Arados) au nord jusqu'à Ascalon au
sud, en passant par Bothrys (Batroun) Byblos (Jbeil),Berytos
(Beyrouth), Sidon (Saïda), Tyr et Sébaste
(Césarée).
Cet alphabet si pratique…
Grands commerçants et navigateurs, les Phéniciens
semblent avoir été surtout de gens pratiques
et des adaptateurs hors pair. Que ce soit par instinct
ou par nécessité géographique,
ou pour ces deux raisons réunies, le Phénicien
se révèle industrieux, très entreprenant
dans ses rapports d’affaires avec ses voisins
(surtout l’Egyptien, qui lui achète du
bois de la pourpre issue du murex, des épices,
des tissus…) prêt à admettre toutes
les idées, à recevoir et à adapter
toutes les croyances et divinités - quitte
à les faire siennes sous une autre forme -,
ouvert à tout et à tous en somme, ce
qui se retrouve - également chez son descendant
contemporain, même si l’ethnie actuelle
a été refaçonnée au cours
de siècles par les envahisseurs successifs.
Déjà courtier des peuples riverains,
il parvient, malgré son ouverture sur le monde
civilisé de l’époque, à
maintenir une farouche individualité, ce qui
se remarque dans le fait que chacune de ses illustres
cités demeure indépendante, quand elles
ne sont pas rivales. Mais leur situation en fait une
confédération de fait, qui occupe géographiquement,
et à certaines frontières près,
le même territoire que le Liban moderne, ce
qui apporte finalement, assez d’eau au moulin
de ceux qui affirment que les Libanais sont bien le
des anciens Phéniciens.
Le plus illustre exemple du sens pratique et de la
créativité des Phéniciens est
l’invention de l’alphabet. Faut-il attribuer
à Cadmos ou à d’autres confrères
scribes de Byblos ? II n’importe. Le système
cunéiforme leur paraît trop compliqué
pour le négoce. Qu’à cela ne tienne,
ils inventeront une graphie de 22 signes qui sera
aussitôt reprise par le Grecs (Alpha, beta….),
puis par les Romains, et enfin par tout le monde occidental
!
L’hégémonie phénicienne
sur la côte orientale de la Méditerranée
connaît de fortunes diverses. Tour à
tour envahis par les Hyksos, libérés
par les Pharaons dont ils deviennent tributaires,
recouvrant à nouveau leur indépendance,
les Phéniciens maintiennent leur essor économique
jusqu’au 9ème siècle avant J.C.,
allant même jusqu’à traverser le
détroit de Gibraltar (les Colonnes d’
Hercule) pour fonder sur d’autres rivages de
colonies bientôt prospères, et ceci sous
l’impulsion des navigateurs tyriens, devenus
les champions de cette politique expansionniste. Quand
les Assyriens, puis les Babyloniens et les Perses
vont déferler sur la région, les cités
phéniciens tenteront de maintenir leur autonomie,
soit en se soumettant, soit en s’alliant, mais
c’est déjà le début de
la décadence. Pourtant Tyr assiégée
par Nabuchodonosor II en 587 avant J.C. résistera
treize ans avant de s’incliner ! Deux cent cinquante
ans plus tard après avoir encore affronté
Cyrus, elle ferme ses portes devant Alexandre le Grand
qui l’assiége durant sept mois…
Assisté par les Sidoniens, ce dernier finira
par l’investir, il massacrera ses habitants
et détruira complètement la ville. C’est
le glas des orgueilleuses cités phéniciennes
qui sonne sur les cadavres de Tyr. (332 avant J.C.).
II faudra attendre dix siècles et la ‘‘pax
romana’’ pour que la Phénicie,
devenue province de Rome, retrouve une certaine prospérité.
Les ruines de Baalbeck en témoignent éloquemment,
ainsi que le souvenir de la fameuse Ecole de Droit
de Beyrouth (Justinien et Papinien), qui connaît,
en fait , son âge d’or sous la domination
byzantine postérieure. Les cités phéniciennes
(Tyr, Tripoli, Béryte) connaissent alors un
essor économique et intellectuel inégalé,
effaçant ainsi le souvenir de l’hellénisme
décadent et du Royaume de Syrie de Séleucus
qui les condamnaient à une mort lente. Cet
essor est cependant entrecoupé de lutte intestines,
de schismes idéologiques et religieux, auxquels
s’ajoute des cataclysmes naturels, comme le
tremblement de terre de 555 qui détruit complètement
Béryte et son Ecole de Droit, ou celui qui
ébranle les temples de Baalbek. Affaibli de
l’intérieur par toutes ses divisions,
harcelé sur ses frontières par l’Islam
conquérant, l’Empire byzantin s’effondre.
Défait par Khaled Ebn el-Walid à la
bataille de Yarmouk (636), Héraclius abandonne
la Syrie à la conquête musulmane.
La conquête arabe face aux Croisades
Pendant près de quatre siècles sous
le règne des Umayyades d’abord des Abbassides
ensuite, l’Islam s’installe sure le bassin
oriental de la Méditerranée ainsi qu’à
l’intérieur, et il va rayonner même
sur les mers grâce au concours matériel
(bois) et technique (expérience maritime) des
Chrétiens de la côte – pas encore
des ‘‘Libanais’’ – excèdés
de la domination byzantine. C’est ainsi que
l’escadre de Byzance, commandée par l’empereur
Constant II, est anéantie devant les côtes
de Lydie par les forces navales musulmane (655).
L’affermissement de la conquête arabe
procure aux cités côtières un
nouveau développement d’un caractère
différent. Poésie et littérature
occupent un place importante, ainsi sciences et médecine,
mais leur expression se traduit désormais en
langue arabe. Quant aux arts appliqués, l’industrie
de la céramique, du verre, des textiles et
l’artisanat en général, leur développement
se traduit par une très vaste expansion dans
tout le monde arabe d’alors. Cependant les califes
Abbassides vont se montrer moins tolérants
que leurs prédécesseurs, engendrant
diverses révoltes, dont celle des Mardaïtes,
alliés par la suite aux Maronites (disciples
du pieux ermite saint Maron, qui forment le noyau
essentiel de l’actuelle communauté chrétienne
du Liban).
Les Musulmans eux-mêmes connaissent à
cette époque diverses scissions intérieures
ou schismes de croyances (les Chiites, les Druzes,
les Métouallis, les Ismaéliens…).
L’Empire arabe se divise entre la dynastie des
Abbassides de Bagdad et des fatimides du Caire, et
toutes ces rivalités, alliées aux incessantes
attaques des Byzantins et aux assauts de Turcs Seldjoukides,
vont préparer le terrain à l’invasion
franque qui se manifeste sous la forme des Croisades
(Chute d’ Antioche en 1098). II n’est
pas sans intérêt de relever ici que c’est
de cette époque que date la multiplicité
des rites et croyances dont se compose le Liban actuel,
témoignant d’une même et ardente
foi monothéiste sous ses différents
aspects.
Le siècle qui suit sera marqué, tant
du côté franc que du côté
arabe, par une série de victoires et de revers,
dont les principales sont la chute de Jérusalem
en 1099, celles de Saint Jean d’Acre en 1104,
de Tripoli en 1109, de Beyrouth en 1110 (avec Sidon),
et enfin de Tyr en 1124. La plupart de ces villes
- sauf Tyr - seront reprises par la suit par le grand
Salah el-Dine el Ayyoubi (Saladin), qui met fin à
la deuxième Croisade par sa victoire de Hattin
(1187). Les Croisades ultérieures se solderont
par des échecs et par un appauvrissement général
de la côte libanaise, sans cesse déchirée
par ces conflits, avec ses principales cités
perpétuellement rasées, puis reconstruites,
puis rasées à nouveau.. De cette époque
troublée, il reste surtout d’étonnants
vestiges architecturaux, mosquées anciennes
et églises romanes, châteaux Francs ou
forteresses arabes qui parsèment la côte
libanaise, évoquant partout des images de chevalerie
et de foi. Mais malgré les trêves et
les intermittences de paix qui allaient servir à
mieux faire se connaître l’Orient et l’Occident
– au bénéfice de ce dernier surtout
-, il serait fortement exagéré d’affirmer
que Liban a retiré quoi que ce soit des Croisades,
hormis le pittoresque du décor actuel…
Aux Ayyoubites (descendants de Saladin) succèdent
les Mamelouks, turcomans d’origine, et leur
domination sur la région va s’étendre
pendant près de trois siècles, cependant
qu’ils luttent à la fois contre les Francs
installés à Chypre et en Cilicie et
contre les invasions répétées
des Mongols. Profitant de cette situation, les Chiites
et Druzes du Kesrouan se révoltent contre les
Sultans Mamelouks, mais cette révolte s’achève
dans un bain de sang. Toutefois les cités côtières
vont commencer à connaître une nouvelle
prospérité, car les échanges
avec l’Occident chrétien se font de plus
en plus nombreux sur tous les plans. Apres l’âge
de corsaires barbaresques, c’est celui des flibustiers
du négoce, si l’on peut ainsi parler,
Venise et Gênes tentant d’accaparer le
florissant marché de l’Orient pour approvisionner
avec bénéfice l’hinterland occidental.
Les galères de Jacques Cœur, célèbre
argentier de Charles VII, feront escale à Beyrouth
en 1432, et ce port va connaître, dès
cette date, un essor qui ira grandissant jusqu’
à nos jours. Outre les comptoirs commerciaux
établis en cette ville par la plupart des pays
riverains du ‘‘lac’’ méditerranéen,
diverses institutions consulaires ou semi-consulaire
s’y installent, origine des privilèges
connus par la suite sous le nom de Capitulations.
Tandis que dans le Mont Liban un début de répartition
géographique se fait jour, les minorités
chrétiennes (et surtout maronites) s’installant
sans le nord, les Druzes dans la partie méridionale
et au pied de l’Hermon, les chiites au nord
de la Bekaa et dans le Kesrouan, cependant que les
sunnites se réservent la côte et les
plaines immédiates.
Fakhreddine II et la ‘‘Sublime
Porte’’
A la période purement arabe va succéder
la période turque marquée par la chute
de Constantinople devant Mohamed II le Conquérant(1453),
cependant qu’en 1516 Sélim 1er écrase
le Mamelouks, le sultan Ghouri à leur tête,
devant Marj Dabek, près d’Alep. C’est
le début de l’époque ottomane,
qui va durer jusqu’à la première
guerre mondial, permettant entre temps au Liban de
se constituer en tant qu’entité nationale
grâce à deux figures d’Emirs qui
ont marqué leur temps, Fakhredine II Maan (1572-1635)
et Béchir II Chéhab (1789-1840).
Sans entrer ici dans le détail de rapports
qui unirent durant près de quatre siècles
la Sublime Porte à sa ‘‘province’’
du Liban, souvent au détriment de cette dernière,
il faut signaler que l’on doit à Sélim
1er la division du pays en trois ‘‘pachaliks’’
administratifs, ayant à leur tête les
Emirs Maan au Chouf, les Emirs Chehab au Wadi Taym
et les émirs Al Yamani au Gharb. Avec le temps,
la prédominance des Emirs Maan s’affirme,
et la personnalité de Fakhreddine II éclate
le premier chef politique du Liban auquel revient
le mérite d’avoir conçu et réalisé
l’entité national par un plan d’action
mûrement étudié, malgré
l’opposition de la Cour de Constantinople qui
voit d’un mauvais œil sa prépondérance
grandissante. Sorte de Louis XIV oriental, il parvient
à réaliser l’union intérieure
malgré les dissensions intestines, il ouvre
son pays à l’Occident - et particulièrement
à l’Italie, ayant été exilé
en Toscane pendant cinq ans à la suite d’une
invasion du pacha de Damas -, et enfin son règne
est le prélude de la véritable renaissance
libanaise sur tous les plans urbanistique, culturel
et commercial. A son retour d’exil, il remporte
une importante victoire à Anjar sur les troupes
du pacha de Damas. Mais cette indépendance
inquiète trop la Sublime Porte qui décide
d’en finir avec cet Emir trop dangereux. Battu
près de Niha, Fakhreddine se livre aux Turcs
qui l’emmènent à Constantinople
où il est exécuté avec ses trois
enfants.
Grand unificateur du Liban à partir de son
fief de Deir el-Kamar, figure légendaire et
remarquable en outre par sa grande tolérance
religieuse, l’émir Fakhreddine restera
dans la mémoire de ses concitoyens comme le
précurseur du Liban moderne, celui qui a doté
le pays d’une solide administration en même
temps que de nombreuses réalisations historiques
(les célèbres mosquées de Saïda
et de Beyrouth, la première imprimerie installée
en Orient, et même un jardin zoologique qui
ornait la capitale, sans parler de l’influence
florentine et toscane qui se manifeste jusqu’à
nos jours dans l’architecture libanaise). Après
sa mort, d’autres émirs Maan lui succèderont
sans son éclat, et la dynastie s’éteindra
une soixantaine d’années plus tard, laissant
la place aux Chéhab de Wadi Taym, dont le pouvoir
sur le pays va s’affirmer grâce à
la victoire remportée en 1711 à Aïn
Dara par l’émir Haïdar sur des fractions
dissidentes et turcophiles.
Mais l’unification du Liban n’est pas
chose acquise, tant s’en faut. Le 18ème
siècle est marqué par une série
de troubles intérieurs, fomentés ou
entretenus pas divers émirs ou pachas (Damas,
Saïda…), ainsi que par les séquelles
de la guerre russo-turque qui amène en rade
de Beyrouth une escadre commandée par l’amiral
Alexis Orlof. Bombardée par les Russes, la
ville est ensuite occupée militairement par
les forces de la Sublime porte à la tête
desquelles est placé un Bosniaque du nom de
Ahmed el-Jazzar (Le Boucher). Celui-ci va s’efforcer
de mériter son nom et se signalera par sa cruauté,
ses exactions et sa cupidité.
Le demi-siècle du prince Beit-Eddine
C’est l’époque où Bonaparte,
tentant une diversion de ses difficultés en
Egypte, met le siège devant Saint-Jean d’Acre,
solidement défendue par les Anglais avec l’aide
de Jazzar. Le futur empereur essaie, mais en vain,
d’obtenir le concours du jeune Emir de Beyrouth
- encore soumis à Jazzar - Béchir Kassem
Omar, sous lequel perçait déjà
le future Béchir II. Bonaparte doit céder
et rentrer en France, son armée décimée
et réduite par la peste, tandis que Béchir
tente de consolider sa position vis-à-vis de
la Sublime Porte, mais sans succès. Il est
obligé de s’exiler en Egypte en 1799,
où le reçoit le Vice-Roi Mohamed Ali.
Rentré au Liban l’émir Béchir
va progressivement éliminer ou se concilier
les chefs féodaux dans un but d’unification
et de paix intérieures visiblement nécessaire.
II y parviendra par plusieurs moyens - dont certains
fort cruels, car il possédait le sens politique
le plus aigu, à l’instar de Fakhreddine,
sens en avoir pourtant l’esprit libéral.
Cependant les quarante années de son règne
seront marquées par une plus grande prise de
conscience nationale par les diverses communautés,
ainsi que par l’importance accrue du pays dans
l’échiquier des puissances internationales.
Les réalisations intérieures sont nombreuses,
toutes dominées par le superbe palais de Beit
Eddine où l’émir tenait une cour
pareille à celle des princes de la Renaissance.
Pourtant ce règne lui-même, lié
au destin du Vice-Roi d’Egypte, fut fertile
en événements divers: intervention en
Syrie lutte conte la Sublime Porte, et contre le pacha
d’Acre, occupation égyptienne du Liban,
chute de Damas, accord de Kutahia, révolte
druze de Léja, bataille de Nizib (1839)- qui
vit la débâcle totale des armées
du sultan -, enfin l’insurrection de 1840 et
la traité de Londres suivi du débarquement
à Jounieh des troupes anglo-turques, auxquelles
l’émir finit par se rendre, ses sujets
eux-mêmes étant décidés
à la révolte.
Après son exil définitif à Malte,
Béchir II cède le pouvoir à Béchir
III nommé par les Anglo-Ottomans Mais les troubles
intérieurs vont s’accentuant, par l’impopularité
du nouvel émir. Les antagonismes de clans,
de religions et d’intérêts se manifestent
plus violemment que jamais, attirés en secret
par les Turcs qui finissent par recourir à
l’administration directe. Cette déplorable
politique accumule les erreurs, et les désordres
intérieurs vont s’aggravant jusqu’à
l’anarchie la plus totale et la guerre civile
entre les communautés. Sur l’intervention
des puissances étrangères, un corps
expéditionnaire français débarque
à Beyrouth en septembre1860, et une commission
internationale est formée sous la présidence
de l’envoyé spécial du Sultan
Fouad pacha pour ramener l’ordre et la paix
dans le pays. S’instaure alors le régime
des ‘‘Moutassarifat’’ (préfectures)
autonomes du Liban, dont le premier Moutassarif, Daoud
pacha, est nommé à la signature du protocole
de 1861.
Les Ottomans s’en vont…
Plusieurs ‘‘Moutassarifine’’
lui succèdent, dont aucun ne détient
son prestige et sa compétence, car Daoud pacha
sut mettre de l’ordre dans ce Liban affaibli
et le réorganiser administrativement. C’est
l’époque des grands travaux publics,
mais c’est aussi celle d’une grave crise
économique qui allait être la cause de
l’émigration de plusieurs milliers de
Libanais vers des terres plus ou moins lointaines,
où ils établiront des colonies mondialement
renommées.
C’est aussi de cette époque que date
la renaissance des lettres arabes, la création
d’importantes universités, la naissance
de la presse libanaise et l’éveil du
nationalisme arabe, éléments qui allaient
jouer un rôle important dans la période
contemporaine.
Quand la guerre de 1914 est déclarée,
la Turquie se bat contre Alliés et le Liban
est occupé militairement par les troupes de
Djémal pacha. Les premières défaites
qu’il subit devant le Canal de Suez le font
se retourner contre les nationalistes arabes et les
populations du Liban et de Syrie. C’est le début
d’une période de répression sanglante
et d’une terrifiante famine, qui s’ouvre
par la pendaison des patriotes libanais sur la place
de Beyrouth (6 Mai 1916), appelée depuis cette
date Place des Martyrs. A la même époque
est signée à Londres la convention Sykes-Picot
qui divise le Moyen Orient en cinq zones, le Liban
étant compris dans celle qui est dévolue
à la France sous forme de mandat. Le Traité
de Versailles va ratifier cette convention, et Clemenceau
nomme le général Gouraud premier Haut-commissaire
de France au Levant. Toutefois cette nomination ne
va pas sans troubles, surtout du côté
de la Syrie (Bataille de Mayssaloun contre Fayçal).
Mais l’arrêté du 31 Août
1920 signé par Gouraud proclamera la formation
de l’état du Grand Liban, état
indépendant dont la capitale est Beyrouth.
Le général Gouraud est ensuite remplacé
par Weygand, puis par Sarrail qui se heurte à
une révolte des Druzes en 1925. Lui succède
le sénateur Henri de Jouvenel qui proclame
Constitution libanaise et nomme le premier président
de la République Charles Debbas (1926). Habib
el-Saad le suivra, puis Emile Eddé qui signera
le traité franco-libanais de 1936 avec le Haut-commissaire
de Martel.
Indépendance et reconstruction
II faudra attendre cependant la deuxième guerre
mondiale et l’occupation du Liban par forces
anglo-françaises pour que la proclamation de
l’indépendance libanaise devienne effective.
A la suite des élections de 1943 qui portent
Béchara el-Khoury à la présidence
de la république avec Riad el-Solh à
la présidence du Conseil, la tutelle française
est rejetée et un ‘‘gouvernement
de résistance’’ et formé.
C’est alors la proclamation du fameux Pacte
national qui est à la base des institutions
libanaises actuelles. Le général de
Gaulle dépêche le général
Catroux qui va ramener le calme dans le pays, reconnaître
définitivement l’indépendance
du Liban (après avoir commencé par destituer
son premier président Alfred Naccache), et
entériner le résultat élections
de 1943, dont le 22 Novembre est devenu depuis, fête
nationale… Le mandat français prenait
fin, avec ses nombreuses erreurs, mais aussi avec
ses réalisations positives dont allait bénéficier
le nouvel Etat.
Une période de stabilisation et de reconstruction
s’ensuit, avec ces pionniers de l’indépendance
que furent Béchara el-Khoury et Riad el-Solh
suivis dans leur œuvre par les présidents
Camille Chamoun, Fouad Chéhab, Charles Hélou
et enfin Soleiman Frangié, actuel Chef de Etat
qui a à cœur de poursuivre la tâche
entreprise par ses prédécesseurs. Malgré
les troubles de 1958 et les difficultés nées
du conflit israélo-arabe, le Liban, qui a adhéré
à la Ligue arabe dès 1945, est confiant
dans son destin historique qui l’intègre
à la grande nation arabe, tout en lui donnant
une ouverture exceptionnelle et traditionnelle sur
le monde occidental, le tiers-monde et une civilisation
planétaire en pleine évolution.
LE LIBAN DES INSTITUTIONS
II n’est pas question d’épuiser
ici la liste des particularismes libanais qui font
le… charme du pays et la surprise, parfois,
de ses visiteurs. Mais certaines données essentielles
sont de mise, qui vous permettront de mieux le comprendre
et, partant, de l’aimer davantage.
On sait, bien entendu, que le Liban a été
baptisé depuis longtemps ‘‘la Suisse
du Moyen Orient’’. Cette appellation n’est
pas seulement fonction de sa configuration, de sa
situation ou de son relief ; elle est aussi dictée
par le souci de libéralisme économique,
qui fait de Beyrouth une des places bancaires et commerciales
les plus importantes du monde (et pas seulement du
monde arabe). Quels que soient les mystères
de l’économie ou de la statistique libanaise,
un fait certain demeure : c’est par Beyrouth
que se traitent nombre d’affaires internationales
importantes – quand elles n’y sont pas
initiées -, et ce marché s’accroît
de l’importance que prend cette ‘‘plaque
tournante’’ par l’argent qui provient
de la nouvelle richesse arabe issue de l’or
noir. C’est dans ce champ d’action que
se manifeste surtout la prodigieuse souplesse du Libanais,
et son sens des affaires qui rejoint celui de son
ancêtre phénicien.
Si l’agriculture demeure la principale ressource
traditionnelle du pays, on ne peut négliger
l’essor de l’industrie qui a donné
lieu, en 1974, à des exportations totalisant
plus de 800 millions de livres libanaises (la livre
libanaise égale, à peu près,
deux Francs nouveaux).
Au niveau des institutions parlementaires, le trait
le plus important est la répartition confessionnelle
qui traduit, au sein même du parlement, la mosaïque
des confessions et des rites. 99 députés
se repartissent les sièges comme suit : 30
maronites, 20 sunnites, 19 chiites, 11 grecs orthodoxes,
6 grecs catholiques, 6 druzes, 4 arméniens
orthodoxes, 1 arménien catholique, 1 protestant
et 1 représentant des autres minorités.
Cette balance interconfessionnelle est également
maintenue dans les services publics et les administrations
d’Etat, dans le but évident de conserver
un équilibre qui est aussi un gage d’unité.
L’on sait, par ailleurs, que le Chef de l’Etat,
traditionnellement maronite, est élu pour six
ans par la majorité absolue des députés
de la nation, et que le Chef de l’Exécutif,
le Premier Ministre, choisi par lui, est traditionnellement
sunnite. Comme on le voit, les traditions jouent au
Liban un rôle de premier plan, et pas seulement
dans le domaine politique. La vie courante en offre
de frappants exemples, aussi bien dans les cérémonies
publiques que dans les privées, mariages, enterrements
etc… où cette tradition veut souvent
que les fusils partent, en signe d’allégresse
ou de deuil (détail se retrouve d’ailleurs
dans d’autres sociétés méditerranéennes).
La vie universitaire et culturelle
II serait futile, d’autre part, de s’imaginer
le Liban comme se consacrant uniquement aux affaires
dans son entier. N’oublions pas ici une autre
tradition, celle qui remonte à la fameuse Ecole
de Droit de Beyrouth. Entre universités proprement
dites et centres universitaires, Beyrouth et sa banlieue
ne comptent pas moins de sept institutions groupant
près de seize mille étudiants dans les
différentes disciplines et branches. L’Université
Libanaise en compte à elle seule plus de 6.000
et dispose, outre les facultés ordinaires,
d’une Ecole Normale Supérieur, d’un
Institut des Sciences Sociales et d’une Ecole
des Beaux-Arts. L’Université Arabe, affiliée
à celle d’Alexandrie, ajoute aux disciplines
ordinaires un Institut de Génie Civil et compte
près de 1.500 étudiants. A peu près
autant d’étudiants se groupent dans les
cours de l’Ecole supérieure des Lettres
dépendant de la Mission culturelle française
(comprenant un centre d’Etudes Mathématiques),
tandis que l’Université Américaine
voit ses 2.500 étudiants se presser dans ses
différentes facultés, installées
sur un ‘‘campus’’ à
l’américaine qui est un havre de verdure
dans la masse de béton que représente
Beyrouth. Quant à l’Université
Saint-Joseph des Jésuites, qui englobe toutes
les disciplines possibles y compris celles du Génie,
du Droit ou de la Médecine, elle prépare
plus de 3.000 étudiants à leur avenir
au sein de la société libanaise. Enfin,
le Centre universitaire de Kaslik compte une faculté
de philosophie et de théologie, à laquelle
vient s’ajoindre un Institut consacré
à l’architecture et aux Beaux-Arts ;
et le collège Haïgazian (650 étudiants)
ajoute aux disciplines essentielles un institut d’arménologie
- qui n’est d’ailleurs pas le seul en
son genre. A signaler que ces chiffres sont en augmentation
de plus de 200% par rapport aux années 65…
N’entrons pas dans le détail du primaire
ou du secondaire. Dans ce pays qui a inventé
l’alphabet, la scolarisation - passé
oblige… - est la plus forte en pourcentage de
tout le monde moyen-oriental. Les écoles étrangères
fleurissent en toute liberté, et la presse,
à l’image de la complexité libanaise,
compte plus de quarante-deux journaux paraissant en
quatre langues ! C’est assez dire le degré
d’élévation du niveau culturel,
la qualité de écrivains, des poètes,
des historiens, des essayistes, dont une bonne partie
jouit d’une renommée internationale.
Quelques journées passées au sein de
la société beyrouthine suffiraient pour
vous en convaincre… éloquemment.
Pour se sentir à l’aise dans
le Beyrouth social et des plaisirs…
Ami lecteur, attention !... Si les vieilles pierres
n’éveillent en toi qu’un intérêt
poli, si tu crois avoir épuisé les plaisirs
de la mer et de la montagne ou si, simplement, tu
as envie de prendre ‘‘l’air du temps’’
à Beyrouth, cette capitale assez unique en
son genre, ces lignes sont pour toi. Elles te permettront
de te faire des amis (ou en tous cas des relations…)
que tu pourras conserver indéfiniment - et
avec profit -, surtout si tu sais manifester la même
souplesse d’esprit que tes interlocuteurs libanais,
qui ont aussi le cœur chaud et la table souvent
ouverte…
II importe d’abord de savoir que la société
Beyrouthine est une société éminemment
‘‘en représentation’’.
On ‘‘sort’’ beaucoup à
Beyrouth (on sort trop sans doute …), parfois
pour se montrer, souvent parce que c’est utile
ou qu’on aime bien cela, même si on s’en
plaint. Au cœur de la ‘‘saison’’,
on peut être constamment sollicité –
et souvent le même soir – par un dîner,
un spectacle, un vernissage, une conférence,
ou l’un de ces cocktails qui sont identiques
à bien d’autres, dans toutes ces capitales
où la vie mondaine tient parfois lieu de vie
personnelle. Mais quand on est à Beyrouth pour
quelques jours, cela importe peu.
‘‘Communication’’
obligatoire !
Le Libanais est curieux de nature; il aime bien savoir
qui vous êtes, ce que vous faites, quelles sont
vos hobbies (quand çà s’arrête
là !...). Répondez lui avec humour et
sans vous formaliser de ce qui pour lui est naturel.
Ne vous étonnez surtout pas si la conversation,
commencée en français, se poursuit en
arabe et s’achève en anglais. Cela fait
partie d’un rituel courant qui s’appelle
le ‘‘franbanais’’, et qui
n’est qu’une preuve de plus de sa souplesse
d’esprit. II pourra vous paraître futile,
léger, ironique, expédiant en une formule
frondeuse le problème du jour le jour le plus
grave… Ce ne sont là qu’apparences,
dues peut- être au fait qu’il est en train
de prendre la relève – inconsciemment
– d’une société dont la
tournure d’esprit a commencé de se manifester
à Smyrne pour se poursuivre en Alexandrie.
Toujours la Méditerranée, ne l’oubliez
pas !
La vie au soleil engendre la communication. Dan cette
précieuse lumière du Liban, tout le
monde vit au grand jour et échange sans arrêt,
depuis la maîtresse de maison qui vous reçoit
à sa table (toujours bien garnie) jusqu’au
chauffeur de taxi qui vous ‘‘fera la conversation’’,
manière de tuer le temps entre deux embouteillages.
Ce n’est pas chez nous que le problème
bergmaniens de la Communication – avec un grand
‘‘C’’ – se posent. Montrez-vous
à la hauteur et ‘‘échangez’’…
en n’importe quelle langue, vous serez compris.
Vous aurez tout le temps de vous renfermer dans votre
coquille une fois rentrés chez vous. Ici, personne
n’est anonyme. Mettez-vous au diapason.
Si vous pensez avoir besoin d’un guide de la
conversation en arabe, entrez dans une bonne libraire,
vous serez aussitôt servi. Vous pourrez même
demander n’importe quel autre renseignement
: on se fera un plaisir de vous aider, sinon de vous
accompagner (c’est parfois nécessaire
quand il s’agit des rues, dont les noms sont
généralement peu connus, et les numéros
inexistants). Ceci pour le cas où le réceptionniste
de votre hôtel n’aurait pas fait le nécessaire,
ce qui serait surprenant.
Petits ‘‘tuyaux’’
utiles
Ne parlons pas des hôtels, ce serait trop long,
d’autant plus qu’une bonne série
est de classe internationale. Aux alentours des principaux,
vous trouverez sans peine des changeurs prêts
à vous faire l’appoint en n’importe
quelle monnaie. Si vous êtes amateur de petits
bars ou de pubs à l’anglaise, c’est
également aux abords des hôtels que vous
les trouverez quand ce n’est pas dans ceux-ci
même, ou dans la rue Hamra (et ses adjacentes).
Pour les articles d’artisanat local, qui feront
d’excellents cadeaux, adressez-vous soit à
l’Artisanat Libanais, sous le Parlement (annexe
sous l’hôtel Bristol), soit aux Artisans,
en bord de mer, près de l’hôtel
Saint Georges (très jolie terrasse), soit à
la Maison de l’Artisan, qui élève
ses fines arches en face de l’hôtel Vendôme.
Toutes sortes de boutiques et magasins d’antiquités
jalonnent l’Avenue des Français et la
Souk Tawilé, près de Bab Edriss. Vous
y trouverez aussi d’excellents marchands de
tapis, mais si vous désirez les conseils d’un
expert, n’hésitez pas à consulter
M. Nalbandian, à la rue Clemenceau. Signalons
que les marchands d’antiquités sont tous
affiliés à une association syndicale,
qui leur recommande de vous donner un certificat d’authenticité,
le cas échéant.
Pour un renseignement archéologique de première
importance, il est peut-être conseillé
de s’adresser à l’émir Maurice
Chéhab, qui a la haute main sur le service
des Antiquités et des fouilles au Liban. En
ce qui regarde le Musée proprement dit, vous
pourriez avoir recours aux lumières de M. Harès
Boustany qui le dirige avec compétence. Mais
si ce sont des icônes anciennes qui vous tentent,
faites appel à Melle Sylvia Ajemian, au Musée
Sursock, c’est une charmante autorité
en la matière.
Si vous êtes séduit par la petite histoire
de la Phénicie et des époques circumvoisines,
allez déjeuner au restaurant du Myrtom House.
Vous aurez toutes les chances d’y rencontrer
M. Georges Borgi, qui connaît notre passé
sur le bout des doigts. Mais il préférera
peut-être vous raconter la dernière...
Un détail de l’architecture libanaise
vous échappe-t-il ? Tentez votre chance au
près des architectes Liger-Belair, Friedrich
Ragette ou Haroutioune Kalayan. Votre degré
d’intérêt - ou votre compétence
- peut servir de passe-partout…
Pour peu que vous soyez amateur d’art ou de
belles lettres, portez vos pas avec confiance jusqu’à
Dar el Fan. Et là, demandez à rencontrer
l’une des présidentes qui dirigent alternativement
ce Centre Mme Rubeiz, Mme Toutounji ou Mme Harfouche.
Elle se fera un plaisir de vous parler des peintres
et sculpteurs libanais, ainsi que des principaux hommes
de lettres ou poètes, et vous indiquera le
moyen de les rencontrer ou de se procurer leurs œuvres.
Entre presse et Tourisme
Etes-vous un V.I.P. ou un personnage qui compte dans
n’importe quel domaine - arts, lettres, spectacles,
sciences, économie, médecine etc…?
Si vous l’êtes, et vous désirez
que cela se sache, n’hésitez pas à
contacter Mme Viviane Haddad, qui tient la rubrique
des potins de ‘‘L’Orient-Le jour’’
avec un brio inégalé. Peut-être
même aurez-vous droit à une interview
dans les colonnes de ce journal, par les soins experts
de Melle Marie-Thérèse Arbid qui connaît
tous ceux qui comptent à Beyrouth…
II se peut, cependant, que vous soyez un jeune touriste,
désirant partir à l’aventure avec
un budget restreint. Dans ce cas, une adresse : le
bureau de l’Accueil des Jeunes du C.N.T (Conseil
National du Tourisme), qui dirige une Auberge pour
jeunes et dont les hôtesses – Melle Nayla
Kassis à leur tête - vous indiqueront
très aimablement toutes sortes circuits et
‘‘tuyaux’’.
Voici l’heure de l’apéritif. Nombre
de pubs, bars et snack-bars vous accueilleront avec
cordialité. Mais si vous espérez découvrir
quelque secret politique bien gardé, tentez
votre chance au bar de l’hôtel Saint-Georges.
Vous ne risquez plus d’y trouver l’illustre
Philby, mais si vous savez y faire, demandez au barman
de vous présenter à Jim Hoagland du
Washington Post, ou à Juan de Onis du N.Y.
Times, ou encore à Johan Cooley du Christian
Science Monitor. Peut-être que les dieux de
l’information seront avec vous ! ... Si cependant
la presse Française vous intéresse davantage,
il vous faudra un peu plus de chance pour rencontrer
Eric Rouleau, du Monde, qui tient parfois ses assisses
au bar de l’hôtel Excelsior entre deux
capitales arabes à visiter…
Si vous têtes amateur de théâtre,
les spectacles dramatiques ne font pas défaut,
loin de là ! Mais ils sont pour la plupart
en langue arabe. II vous faudra donc maîtriser
parfaitement cette dernière pour apprécier
pleinement le comique de Chouchou, la verve de Nabih
Aboul Hosn, la voix de Nidal Achkar, la mystique de
mounir Abou Debs, la conviction d’Antoine Kerbage,
la finesse de Raymond Gebara, la qualité scénique
du couple Moultaka…et les vertus théâtrales
de tant d’acteurs accomplis. IIs sont à
la pointe de ce qui se fait de mieux dans ce domaine,
de ce côté de la Méditerranée.
La plupart de ces noms vous deviendront vite familiers
si vous fréquentez les cafés de Hamra,
qui sont aussi les sanctuaires où se retrouvent
la plupart des journalistes de la presse arabe ou
européenne, ainsi que tous ceux qui ‘‘font’’
dans les mass-média. Hantez en particulier
le ‘‘Horseshoe’’ et ‘‘L’Express’’,
ce sont nos ‘‘Flore’’ ou nos
‘‘Deux-Magots’’, et le service
y est tout à fait recommandable.
Pensez à votre panse !
Déjà votre appétit s’ouvre
et les multiples parfums de la cuisine libanaise vous
chatouillent les narines. Vous avez bien raison d’y
céder, cette cuisine est justement renommée
dans le monde ! Mais le choix est grand entre les
hauts- lieux où nos Maîtres officient
derrière leurs fourneaux. Citons-en les principaux
: Voici Ajami (Avenue des Français, fin de
Souk Tawilé), le plus classique et le plus
célèbre des anciens restaurateurs, ouvert
jour et nuit et rendez-vous des hommes politiques
ainsi que des gens d’affaires. Plus près
de l’onde et construit sur pilotis, voici Bahri
aux succulents ‘‘mezzés’’.
Si vous vous trouvez dans Hamra, montez chez Barmaki,
face au Ministère du Tourisme, ou bien allez
jusque chez Marrouche, face à l’Université
Américain. Ceci sans omettre le Yldizlar qui
fait face à la mer, dans le quartier de Rouché,
ni le célèbre restaurant de la Grotte
aux pigeons, dont vous emporterez un souvenir d’autant
plus inoubliable qu’il est admirablement situé,
à même le roc, quasiment sur l’eau.
Mais ils ne sont pas les seuls et toute la côte
est parsemée de ces restaurants orientaux aux
merveilleux petits plats. Apprenez à les découvrir,
si vous en avez le loisir et le goût. Une place
à part toutefois pour le Grenier des Artistes
situé rue de Phénicie dans une vieille
maison avec jardin. L’ambiance y est particulièrement
agréable, à l’instar de tout ce
qu’entreprend dans ce domaine le coloré
personnage qui s’appelle Prosper Gay-Para, grand-maître
de lieux aussi célèbres que ‘‘les
Caves du Roy’’, ‘‘La Saucisse
Joyeuse’’, le ‘‘Sweet Sixteen’’…sans
parler de ses hôtels. Un nom à retenir
pour bien connaître le Beyrouth des plaisirs
– et même l’autre.
Le log de la côte beyrouthine s’échelonnent
aussi d’excellents restaurants à poissons,
grenouilles et fruits de mer : ‘‘Sultan
Brahim’’, ‘‘Le Pacha’’,
‘‘Moby Dick’’… il y
en a trop. Et nous passerons sous silence les (aussi
nombreux) restaurants ‘‘à l’européenne’’,
tels que Lucullus, Temporel, Jean-Pierre, Le péché
de Vigne, le Relais de Normandie, Quo Vadis…
et ceux des grands hôtels, ‘‘L’Age
d’Or’’ du Phénicia, ‘‘la
Réserve’’ du Vendôme (avec
son bar anglais raffiné et élégant),
‘‘Le Cap’’ du Coral Beach,
ceux du Saint-Georges et du Bristol… Arrêtons-
nous là. On pourrait croire que Beyrouth n’a
d’autre souci que de se (bien) nourrir.
Plaisirs de la nuit, plaisir de l’aube.
… La nuit tombe, et vous êtes tenté
par d’autres plaisirs. Si les chansonniers ont
l’heur de vous plaire, pointez-vous chez l’ami
Toros Siranossian, dans son fief de l’Epi-Club,
rue de Phénicie. Vous vous esbaudirez aux fantaisies
des ‘‘Six Cales’’ dans leur
répertoire (surtout en arabe), avec l’innénarrable
Alec Khalaf. A moins que vous ne préféreriez
aller jusqu’au Casino du Liban, à Maameltein,
où les plaisirs sont multiples : Chansonniers
avec la troupe du Théâtre de Dix Heures,
tous excellents (une bonne moitie du spectacle est
en Français) dans la salle appelée Baccarat
– Spectacle de revue, avec girls et numéros
extraordinaires au premier étage du Casino,
salle des Ambassadeurs, - et enfin, pour les mordus
des jeux du hasard, tout ce qui a été
inventé dans ce domaine, depuis les machines
à sous jusqu’à la roulette, dans
la grand salle de jeux du rez-de-chaussée.
II y a de quoi perdre la tête… et aussi
sa chemise !
Sur le chemin du retour, arrêtez-vous un instant
chez les glaciers de l’adorable petit port de
Jounieh, ou plus loin chez Kozaily qui borde la route
non loin d’Antélias : une délicieuse
glace aux fruits vous attend. Quels fruits ? Mais
tous, bien entendu, même la mangue ou l’ananas
!
…Et vous voici rentré à Beyrouth.
II n’est peut-être pas encore trop tard
pour un dernier exploit, et si vous aimez la véritable
danse du ventre, dans le décor le plus folklorique,
faites-vous solidement accompagner et rendez-vous
au cabaret Parisiana de la Place des Martyrs. Vous
aurez droit au spectacle le plus colorié qui
soit (scène et salle) dans une indescriptible
atmosphère, entre deux lancinantes mélopées
orientales reprises en chœur par le public.
Si cependant ce genre de ‘‘fin de soirée’’
ne vous tente pas, descendez la rue de Phénicie.
Après le ‘‘Crazy Horse Saloon’’,
où vous serez accueilli par Karim Aboujaoudé,
dans une ambiance de strip-tease élégant
(sans négliger l’érotisme, tout
de même…), rendez-vous au ‘‘Whisky
à gogo’’ où vous écouterez
avec nostalgie les mélodies qu’interprétera
pour vous l’illustre Léon, venu tout
exprès de sa Pologne natale pour charmer vos
nuits beyrouthines…
A l’aube enfin, sortant de l’un de ces
lieux où le temps s’abolit, faites quelques
pas le long de la Corniche, dans la naissance du jour
qui commence là-bas, derrière la merveilleuse
montagne. Vous goûterez là, au bord de
la mer, en cet instant précieux, à l’un
des plaisirs les plus raffinés de Beyrouth
(et qui, de surcroît, ne vous coûtera
rien du tout), le plaisir de voir, sur Le Liban, lentement
s’épandre sa lumière…
Et cela, vraiment, c’est incomparable.
L'arrêté
du 17/1/1924 N.2385 modifié par la loi N.75
du 3/4/1999 (Articles 2,5,15,49 et 85) stipule:
L'auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique
détient du seul fait de sa création
un droit de propriété absolue sur cette
oeuvre, sans obligation de procédures formelles.
L'auteur de l'oeuvre bénéficiera lui-même
de l'exploitation de son oeuvre, il possède
le droit exclusif de la publier, et de la reproduire
sous quelques formes que ce soit. Qu'il s'agisse ou
non d'oeuvres tombées dans le domaine public,
seront punis d'un emprisonnement d'un mois à
trois ans et d'une amende de cinq millions à
cinquante millions de livres libanaises ou à
l'une des deux peines seulement, ceux qui: 1-auront
apposé ou fait apposé fraudulement un
nom usurpé sur une oeuvre littéraire
ou artistique; 2-auront, pour tromper l'acheteur,
frauduleusement imité la signature ou le signe
adopté par un auteur; 3-auront contrefait une
oeuvre littéraire ou artistique; 4-auront sciement
vendu, recelé, mis en vente ou en circulation
l'oeuvre contrefaite ou signée d'un faux nom.
La peine sera aggravée en cas de récidive.
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