Parmi les monuments intéressants à connaître de notre ville de Beyrouth, il en est un qui mérite une spéciale attention, c'est la synagogue des Juifs, dans le quartier Wadi Abou Jamil, au dessous nord du Grand Sérail, a l'ouest de Bab-Eddriss. C'est dans ce quartier que vivaient la plupart des membres de cette communauté forte de quelque 6000 avant la guerre israélo-palestinienne de 1948.
On sait que de tout temps, une "diaspora" juive avait essaimmé dans toutes les villes des empires: pharaonique ( celle d'Alexandrie est restée célèbre pour son penseur Philon, et pour les Septante qui traduisirent la bible en grec), mésopotamiens (cf. le livre de Tobie), gréco-séléucide (cf. le livre des Actes des Apôtres les montre présents a Tyr, Sidon, Antioche et toute la Phénicie) et romain (cf. le même livre les montre en Asie, a Thessalonique, Corinthe, Pouzzoles, Rome) et pendant le Moyen Age, on les rencontre a Rome, Florence, à Tolède, en Andalousie ou s'illustre le célèbre penseur Maïmonide)... et donc, il y eut toujours une communauté juive à Beyrouth que visita le célèbre rabbin Benjamin de Tudéla au 12ème s. ...
Au 19ème s. la communauté comptait quelques centaines de membres tant autochtones ("sépharades") que "ashkénazes" (venus de l'étranger). Ils vivaient de petits métiers (cardeurs) ou de petit commerce. On se rappelle l'époque de leur prospérité sous la présidence de Dr. Albert (venu d'Allemagne) qui organisa les cadres sociaux de la communauté sur le modèle des communautés juives d'Europe et d'Amérique: services communautaires, synagogue, club,... et Conseil communal.
C'est vers 1920, qu'un Juif aisé venu des Indes, le renommé Mr SASSON, décida de doter la communauté d'une Synagogue digne de l'importance qu'avait pris cette communauté: ce fut une des plus belles synagogue du Moyen-Orient. On la voit là, toujours, mais dans un état de délabrement dû au vandalisme de la guerre du Liban (1975- 1990). Entre temps, la communauté juive avait peu a peu émigré, soit vers Israël, soit vers l'Amérique....
Mais la très jolie synagogue est toujours là, délaissée et saccagée. Elle a été pillée, le plafond en est tombé et les boiseries en jonchent le sol... Comme toute "maison de prières" (syn-agoga, en grec: lieu ou se rassemblent les fidèles). MM. Abraham SASSON, et son fils, puis Josef David FARHI, en ont fait un joyau: une nef spacieuse, qu'encadrent deux bas-côtés qui l'en séparent par d'élégantes colonnades cintrées entre elles d'arcs grâcieux. En la partie avant de la nef, la surélévation du choeur ou "béma" ou "sanctuaire", a laquelle on accède par des gradins de marbre, et sur laquelle se trouvait la chaire du lecteur ou commentateur de la Bible, qu'un "serviteur liturgique" (cf. Luc 4/20) rangeait dans un meuble sacré occulté par un voile ou rideau coulissant. Le long des murs, à hauteur des cintres des colonnes, le sceau en couleurs cerné de dorure, du roi Salomon et de l'étoile de David a six branches (deux triangles équilatéraux encastrés), les murs des bas-côtés sont dans un état délabrement pictural. L'ensemble rectangulaire (quelque 30 m sur 15 en la nef) est orienté nord-sud vers Jérusalem, comme il se doit. Les lampes, les trompettes, les tapis, les bancs, banquettes ou sièges, ont tous été pillés, à moins qu'ils aient pu être retirés à temps, de même que les rouleaux sacrés...
En l'absence bien compréhensible de membres de la dite communauté juive, ne se pourrait-il pas que le Ministère chargé des cultes ou celui du Patrimoine et du Tourisme, entreprenne de restaurer ou du moins revaloriser ce joyau architectural religieux, témoin d'une grande aventure socioculturelle et religieuse dans notre ville? Nous savons qu'il y a trente-six moyens de trouver les fonds nécessaires à cette remise en valeur artistique... et trente-six autres pour faire de ce lieu saint et du quartier historique un site historique à visiter...
- La Synagogue de Beyrouth: >> Voir la Vue << (2003-02-01)