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L'heureuse surprise de l'armée Libanaise - Michel Rouvière |
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La politique est-elle une science ? Il y a bien une école de sciences-politique. Il est vrai que bien souvent nous voyons une sorte d’équations s’établir dans chaque pays. Elles deviennent des Traditions. Celles-ci se transforment parfois en Constitution écrite ou non-écrite. Sur ce plan le Liban offre un terrain d’observation remarquable. Même les personnages prennent une valeur institutionnelle au point que l’on n’imagine pas telle fonction sans tel nom. Ainsi se fondent les dynasties. Toutefois en politique, il y a aussi des mutations qui sont imprévisibles. Parfois elles provoquent des catastrophes révolutionnaires ou des ascensions de civilisation.
Dans un esprit scientifique chacun de nous aime à classifier la mosaïque libanaise. Justement, dans ce cas, il me semble que l’on ne tienne pas assez compte de la dynamique inerrante de chacune des composantes du tableau politique. Certains coloris s’accentuent tandis que d’autres gagnent en éclats. L’aspect bourgeois et financier du Liban garde toujours son lustre international en variant perpétuellement dans le changement de générations.
Ainsi dans le panorama politique assez sombre de l’heure, je voudrais relever un aspect vraiment étonnant et bénéfique ; la mutation de l’Armée Libanais.
Pour ceux, de plus de soixante-cinq ans, qui s’intéressent à la vie politique libanaise, même d’un œil distrait, pendant une bonne trentaine d’années les espoirs mis dans l’Armée furent une perpétuelle déception. Après 1967, allait-elle relever le fameux défi du Fathland dans le lointain sud ? Au contraire, la question mortelle du sphinx parvint aux faubourgs de la capitale ; qui devait prévaloir les armes palestiniennes ou celle de l’Armée ? Les abords de Beyrouth allaient-ils être contrôlés par les accords du Caire en 1969 ? Les résultats furent désastreux. Il fallut faire ceux de Melkat en 1972, beaucoup plus militaires. Cependant, inexorablement entraîné sur une pente fatale l’anarchie milicienne emportait le pays. L’institution militaire fantomatique demeurait, mais impuissante et fragmentée. L’Armée se divisa suivant les fissures constatées par les fameux analystes politiques. Il y eut même une tentative de « Coup d’État » à l’amiable, « à la libanaise » avec le général de brigade Aziz Ahdab. Vous en souvenez-vous ? C’était bien une particularité du Liban, dans le monde Oriental de cette époque, que le militaire n’ait pas le dernier mot. Avions-nous atteint le fond ? Malheureusement non. Dans les cantons miliciens du paysage politique du Liban, certaines limites étaient fluctuantes. L’Armée se voulut une force d’interposition. Il y avait des accords politiques ; « Vous, milice, vous vous retirez dans les vingt-quatre heures, moi, Armée, je m’installe dans les quarante-huit heures ». Régulièrement les heures, les jours et le processus ne correspondaient pas. Il s’ensuivait un exode supplémentaire créant des réfugiés dans leur propre pays parfois s’ajoutait quelques massacres de civils.
Aujourd’hui, en 2014, nous voyons l’Armée relever des défis incroyables ! Le malheureux état des institutions politiques du pays ne permet pas d’en apprécier toute la valeur. Nous savons bien qu’il est humain de se lamenter sur ce qui ne va pas. En l’occurrence, les motifs ne manquent pas au Pays des Cèdres. Pourtant mon premier étonnement vint de l’envoi de l’Armée au Sud. Allait-il y avoir une friction, ce serait naturel, avec la milice maîtresse des lieux, couronnée d’une « victoire divine » ? Comment se ferait cette cohabitation militaire à trois ; milice, Armée et Finul renforcée ? Comment s’exécuterait le désarmement avec la résolution 1701 ? À la surprise de beaucoup de personnes, il ne se passa rien. Ce rien était l’extraordinaire.
Ensuite il y eût au Nord la bataille du camp palestinien de Nahr El Bared. Le combat devait durer trois jours, puis on envisagea trois semaines finalement le résultat politique s’obtint au bout de trois mois. Il y eut le prix du sang avec deux centaines de soldats morts au combat. L’Armée Libanaise avait prévalue sur l’autodéfense de la Cause Palestinienne. Or c’était cette équation irrésolue qui jadis avait délité le Liban. Pourtant le cadre général n’avait pas beaucoup changé.
Le défi suivant fut plus difficile encore avec Ersal. À vol d’oiseau Ersal la libanaise se situe dans le même cadre géographique qu’ Qousseir ou Calamnos les syriennes. Elles ont les mêmes terribles interrogations, avec leurs réfugiés syriens représentant trois fois le nombre d’habitants de cette petite ville. Là aussi, il y eut des négociations accompagnées du sang des soldats. Il y eut plusieurs manches. Qu’est-ce qui différait de démarches des années 1970-1980 ? Je ne vois pas grand-chose sinon qu’il n’y a même plus de Président. Mesurant le résultat, otages-prisonniers compris, nous sommes obligés de reconnaître que l’Armée Libanaise réussit mieux à traiter le problème au Liban, que l’Armée Arabe Syrienne en Syrie. Naguère cette dernière donnait des leçons à sa voisine. Certes tout n’est pas résolu, mais nous pouvons espérer une solution sans un excès de destructions.
La dernière épreuve à surmonter fut encore plus formidable ; maintenir l’ordre à Tripoli. Une milice voulait faire de cette ville sa métropole en jouant sur la fibre de la fierté municipale et confessionnelle. Allait-on voir un nouveau Homs ou Alep au Liban ? De toutes les façons l’affrontement sera inéluctable. Il prendra un aspect, direct et violent. Est-ce chaque rue va se transformer en tranchée ? Nous retrouvons négociations et combats suivant la bonne tradition libanaise. Comme par enchantement, seules deux rues furent sinistrées. Les combats ne durèrent pas plus trois jours.
Nous savons que les victoires ont plusieurs pères tandis que les défaites sont toujours orphelines. Toutefois dans un cadre politique qui n’a pas évolué, certains diraient qu’il a empiré, il est rare qu’une institution se bonifie à ce point. Cette mutation de l’Armée Libanaise mérite un regard approfondi pour y trouver des espérances pour d’autres Forces Armées et d’autres Institutions. C’est avec un intérêt capital que nous voyons que la force des armes s’ajuste au problème à résoudre. Il est de la nature des épreuves militaires de monter aux extrêmes. Par bonheur ici nous avons évité cette loi innée. Après son contant de déconvenues, heureusement, actuellement au Liban l’Armée vit dans un état de grâce. Sa diversité n’est plus un facteur de division mais un avantage pour aborder les difficultés.
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