admin
Site Admin
Joined: 09 Mar 2007 Posts: 529 Location: Jbeil Byblos |
|
Khalil Hitti - Joseph Sokhn, Couleurs Libanaises |
|
Poète Populaire. 1888…
Quand nous considérons dans son ensemble l'évolution de la poésie dialectale au Liban, nous constatons qu'à l'époque actuelle elle a atteint une certaine renommée et qu'elle a tendance a progresser de plus en plus.
Cette poésie d'après plusieurs Orientalistes est née en Espagne en 1160. Elle s'introduisit au Liban au début du 13ème siècle grâce aux marchands espagnols qui se rendaient en Orient pour propager leur commerce et vendre leurs produits.
Le citoyen libanais, malgré l'absence totale des écoles et malgré les crises politiques et économiques qui appauvrirent le Liban, avait un penchant naturel vers la poésie. Tout l'invitait à la rêverie; la nature, la mer, la montagne, la vie intime du village. Signalons aussi que le premier poète dialectal libanais est un moine originaire de 'Ehmige' (Caza de Jbeil) nommé 'Hanna Ehmejani' c'était en 1515. Il composa plusieurs poèmes en langue syriaque et en Karchouni.
On prétend même que l'Emir Fakhreddine employait le Zajjal pour se défendre et attaquer ses ennemis ou donner libre cours à sa colère. Notre grand poète dialectal Khalil Hitti peut-être considéré ainsi que Rachid Nakhlé, Abdallah Ghanem, Assad Saba, Rameze Boustany, Moubarak, Trad et Assaad Fegali, comme les partisans les plus marquants de la poésie populaire au Liban.
Enfance de Hitti
Khalil Hitti est né à 'Damour' en 1888. Il était le 3ème enfant d'une famille de 6 garçons. Son père 'Ayoub Youssef Hitti' était Directeur d'une filature, sa mère Myriam Goraib, était très simple, timide, secrète et effacée, et pourtant elle rayonnait de santé et de joies intérieures. C'est a elle qu'il doit ce cœur fier et compatissant qui transparait à travers toute son œuvre.
Khalil fréquenta l'école à l'âge de cinq ans, son maître Habib Mahfouze disait de lui: Ce garçon n'est bon à rien, il a tendance à la rêverie et à l'isolement. Sera-t-il un jour un grand poète? En effet le petit Khalil n'a pas été l'enfant le plus sage ni le plus travailleur ni le plus obéissant de Ayoub et Myriam Hitti souvent on le mettait au pain sec et a l'eau à cause de sa turbulence. Aussi loin qu'on remonte dans ses mémoires tout le monde l'appelait 'Khillo' diminutif curieusement dérivé de Khalil son vrai prénom. Voilà bien d'ailleurs première cause de sa nature plutôt agitée. Le mot 'Khillo' ne chante pas à l'imagination il hurle aux oreilles. Il ne tenait pas en place et voulait bouleverser la terre entière par ses exigences. Voilà pourquoi ce qu'a tout de suite compris son père et voilà peut-être pourquoi leurs rapports se sont établis de façon curieuse. Pendant des semaines entières 'Khillo' fut mis au régime pénitentiaire malgré le sens de l'humour qu'il possédait et qui sévissait dans toute la famille. C'est à treize ans qu'il ne s'est plus heurté à l'autorité paternelle, il quitta définitivement l'école et débuta sa vie poétique par une 'Karradée' adressée à son père 'Ayoub' dans laquelle il le supplie de ne pas l'exiler de 'Damour' car déjà il avait le béguin pour quelques gentilles fillettes de son âge: Son unique plaisir était la chasse. Il adorait aussi le soleil et la mer. Un beau matin son père lui annonça la fâcheuse nouvelle de son prochain départ pour 'Kfarhim' un village situé au nord de 'Damour' où il devait surveiller les fermiers qui s'occupaient de l'élevage du ver à soie. Khalil déserta la maison et se cacha chez une tante où il commença ses premiers poèmes de Zajjal: Précisons à propos du ver a soie que 'Damour' était à l'époque le village le plus florissant de la région du chouf, sa plaine immense était plantée de muriers et il comptait 12 grandes filatures et cinq Mille ouvriers et techniciens. C'est pour cela qu'il exerçait une véritable fascination sur l'ouvrier, libanais et attirait la plus grande majorité des natifs de la région du Sahel.
Le poète
Khalil Hitti nous cite dans son "Diwan" certaines stances concernant son enfance et son vagabondage qui nous émeuvent jusqu'aux larmes. Il semble avoir été par son temps pour exalter une époque marquée par l'élevage du ver à soie et les filatures qui étaient une des principales richesses du Liban durant le siècle dernier. Signalons en outre que si la note parfois pessimiste l'emporte dans ses premiers poèmes c'est que le peuple Libanais traversait alors une des périodes les plus sombres de son histoire; déjà en 1914 la première guerre mondiale obligea le jeune poète Khalil Hitti à s'engager dans la gendarmerie, il tomba malade par la suite et faillit être emporté par la fièvre jaune.
L'indignation et le désespoir lui inspirèrent le plus touchant de ses "Karradés" où il trace des tableaux prix sur le vif des habitants de Damour et de 'Baabda' affrontant, les difficultés quotidiennes. Après la déception vint le désespoir dont la voix se fit entendre dans son Zajjal ses stances sont directement liées à sa vie intime à ses souffrances personnelles. Ces souvenirs auraient fini par se dissiper entièrement sans une circonstance imprévue qui vint leur donner une force nouvelle. C'était l'armistice de 1918. Le jeune Hitti se fait muter à Beyrouth et change ambiance et de milieu. Il a été nommé directeur adjoint du 'Karakol' d'Achrafieh. C'était une tache assez ingrate et très difficile: elle trouble sans cesse par les ennuis, les obscurités et les contradictions qu'elle apporte avec elle. Cependant notre poète s'est découvert un ami et un camarade de travail c'était Assaad Khoury le futur (Chahrour-el-Wadi).
Les deux grands poètes populaires furent ainsi condamnés à vivre ensemble pendant dix ans. Il se mirent à rêver à d'anciens souvenirs et à des chagrins passés et déployèrent toutes leurs activités dans les domaines du 'Zajjal' et du 'Karradi' sans négliger toutefois leurs devoirs professionnels.
Quoi qu'il en soit le lyrisme de Khalil Hitti dans ses 'Maana' et 'Abou Zoulof' a un certain désordre plus apparent que réel; notre poète emploie des images tantôt simples tantôt imposantes avec un rythme tantôt vif et léger, tantôt grave et brisé. En effet on ne peut ignorer le cachet sentimental et Personnel du poète dans ses stances folklorique. Ainsi en évoquant les souvenirs de son premier amour Hitti n'élève la voix que pour faire éclater le sentiment qui remplit son âme, il dit notamment:
Si tu veux aimer si tu veux être gai et heureux ne déserte pas l'école: 'In kan Badek teechahi Rouhi Al Madressa'
Nous remarquons parfois que le poète en obéissant à des sentiments calmes et moins élevés, son style devenait moins sublime et moins profond; n'est-ce pas sa bien aimée qui déclare ceci:
Je délaisse mon père et je garde mon amant aux yeux noirs, au sourire angélique, au cœur débordant d'amour et de tendresse.
Disons enfin que Hitti le poète lyrique n'a pas caché sa douce mélancolie et son enthousiasme qui échauffé l'âme et qui part de son cœur aimant en se voyant exilé de 'Damour' loin de sa petite amie qui l'attendait le soir à l'heure du lever de la lune, au bord du fleuve qui arrose son village natal. Il s'adresse à la lune en disant:
O Lune, ne sois pas indiscrète, ne trouble pas notre solitude, tu as le temps de nous guetter et de massacrer notre amour.
Le Journaliste
Le rêve le plus cher de notre poète dialectal Hitti était de fonder une revue hebdomadaire destinée uniquement au 'Zajjal' et à la poésie populaire. Son plan fut réalisé grâce aux efforts déployés par son frère aîné Youssef Hitti l'éminent poète et journaliste libanais de Rio de Janeiro et père de Monsieur Samir Hitti, Directeur général et copropriétaire du Collège de la Famille Libanaise et de Monsieur Philippe Hitti Directeur Propriétaire de la Publicité Universelle au Liban et de Monsieur Ayoub Hitti, Directeur – Propriétaire du Centre Byblos, Youssef réussit à éloigner Khalil définitivement de la vie militaire et le lança dans la voie du Zajjal. Ainsi fut en 1919 la première revue mondiale dialectale (Al-Mainkhol). En 1933 elle prit le nom de 'Al-Cheer Al-Kaoumi' La poésie populaire. En 1940 Hitti fut chargé par le Ministère de l'Information de diffuser sur les ondes de la Radio Libanaise ses stances et ses poèmes. Quatre vingt dix Mille vers ont été diffusés en quatre ans.
En 1945 Youssef Hitti s'éteignit à Damour léguant la direction de son journal 'Le Cèdre du Liban' à son Frère Khalil, ce dernier accepta la nouvelle charge avec enthousiasme et confia la rédaction a son neveu Samir.
En 1959 Les 'Zajjal' Libanais ont fêté le cinquantenaire de leur doyen Khalil Hitti d'une manière pompeuse. A cette occasion l'Ordre du Cèdre lui a été décerné à la suite d'une mémorable cérémonie, au Cénacle Libanais.
Parmi les orateurs qui ont pris la parole on peut citer. Fadel Said Akel, Al Akhatal Al-Sahgir, Khalil Kordahi et Emile Moubarak.
Le Folkloriste
Les poètes populaires ont toujours chanté la vie intime de la Montagne Libanaise ainsi que les fêtes Folkloriques des Villageois.
Khalil Hitti a composé de vieilles chansons naïves et simples et plusieurs poèmes empruntés aux diverses circonstances de la vie rurale (Mariage, deuil, fêtes communales, défilés carnavalesques) parmi ses poèmes on peut citer notamment:
Tableau Villageois: Lorsque le soir, les villageoises rentraient chez elles avec leur châle blanc sur la tête, j'entendais de loin leurs vagues conversations, quelques unes portaient sur leurs épaules deux seaux suspendus aux extrémités d'un bois, les plus jeunes avec leurs chevelures longues et dorées les devançaient en sautillant coquettement. C'était avant le crépuscule au moment de la rentrée des vieux cultivateurs.
Dans un seconde poème lyrique, Hitti nous parle de ses moments les plus gais et de sa première jeunesse il dit notamment: "Dès l'aube, avant le soleil et le vent je sautille à travers les verges de Damour je me sens léger et gai, je cueille une fleur, je piétine un escargot, je respire à pleins poumons, je sens que c'est fête dans mon cœur. J'entends le léger murmure de la rivière, je salue la petite fille du fermier qui cueille les feuilles du murier humectées de rosée. Je me repose, je mâche les feuilles des herbes sauvages."
Loubnan: C'est un chant folklorique assez proche du style classique littéraire:
"Sans toi o Loubnan les charmes de la terre n'existeraient pas.
Ton nom est eternel et ta gloire plane au delà des astres.
Dieu s'est occupé de toi et t'a confié un cachet céleste.
L'univers est jaloux de toi, car ton vrai nom c'est le paradis terrestre."
Œuvres de Khalil Hitti
L'œuvre importante et même vraiment imposante de Khalil Hitti: Quatre-vingt-Mille vers a un triple mérite:
A) C'est un 'Diwan' riche de recherches, il instruira
B) Personnel il fera réfléchir.
C) Riche en images il fera discuter.
En outre son œuvre comprend des anecdotes et des mémoires qui mériteront longtemps l'attention des spécialistes du folklore, de Maana et du Zajjal. Ses personnages, ses expressions, sont d'une vérité jamais atteinte avant lui. On découvre avec plaisir l'âme montagnarde à travers ses thèmes et ses poèmes, ainsi que l'amour de la terre la meilleure amie du paysan. On y voit s'étaler devant nos yeux les saisons de vendanges, l'élevage des vers à soie, la préparation du raisin sec et de l'arak, les soirées villageoises devant le feu pétillant, les plaisirs naïfs sans oublier la hutte du garde champêtre et la flûte.
Khalil Hitti à le mérite d'être un poète improviseur par excellence, il a brillé surtout dans les genres éloges. Il s'est inspiré parfois de 'Ibn Al-Moukafah' et des contes qu'il entendait dans les soirées. Par son art merveilleux, notre grand poète populaire transforme et façonne à sa manière les anecdotes, les fines railleries pessimistes. Dans ce 'Diwan' cinq chapitres traiteront les thèmes suivants: Le genre lyrique, le genre humoristique, le genre social, le genre spirituel, le genre satirique.
Les éléments les plus touchants qui font l'originalité de ses poèmes sont:
A) La variété de sujets.
B) l'intérêt moral qu'on tire de ses thèmes. Signalons aussi que le Karradi et le Ataba sont composés avec un style limpide gracieux et plaisant. C'est pourquoi tout poète populaire réussit mieux que le classique à gagner la sympathie du public et son vif enthousiasme.
Parmi les admirateurs de ce grand poète dialectal nous pouvons citer Rachid Nakhlé, Chibli Mallat, Emile Lahoud, Al-Rihani, Maroun Aboud, Abdallah Ghanem et autres.
Pour terminer disons que le 'Zajjal' ne pourra pas étouffer la poésie classique mais il lui enlèvera un bon nombre d'amateurs et fera glorifier la vie paysanne, le sol natal, le ciel du Liban, la terre odorante, les petites querelles amoureuses des villageois ainsi que les noces et leurs traditions purement libanaises.
Que Hitti évoqué dans son Diwan ses amours d'antan, ses souvenirs de Damour, son patriotisme ses différentes couleurs de tendresse, cela ne nous étonnerait guère, car il est peu d'ouvrages où se sent davantage et se fait respecter l'art de l'improvisation et l'inégalable talent de ce grand poète dialectal contemporain.
|
|