admin
Site Admin
Joined: 09 Mar 2007 Posts: 529 Location: Jbeil Byblos |
|
Terre Sacrée - Voyage - Livre |
|
Introduction - Extracts from the book "The Voyage to the Holy Land")
Si pendant prés de vingt siècles, les fondements de la civilisation égyptienne avaient été "oubliés" et l'écriture hiéroglyphique, devenue indéchiffrable, avait perdu son sens, l'histoire, la langue écrite et les principes religieux des "hébreux", malgré un passé presque aussi éloigné, ont largement débordé du territoire longtemps appelé Palestine. L'antiquité même de la religion du peuple d'Israël, sa Loi, son rapport avec la puissance divine, son rite d'observance plus que millénaire, sont à la source d'une innovation capitale, le monothéisme. Un seul Dieu, un seul peuple, une seule loi: ce principe efficace a pris naissance, il y a quatre mille ans environ, dans une tribu de bergers nomades qui vivaient sur la rive droite de l'Euphrate, non loin de la ville d'Ur, en Chaldée. Mais c'est après de longues et lentes transformations à travers les siècles, que s'affirmera, sous son jour actuel, le monothéisme de la nouvelle religion. Grâce aux prophètes judaïques, les dieux parallèles, longtemps considérés comme des puissances ennemies bien réelles, seront peu à peu écartés.
Mille huit cents ans avant notre ère donc, Abram (qui deviendra Abraham), fils de Terah et descendant d'Eber, quitte, avec la tribu dont il est le chef, son territoire d'origine, traverse le désert pour s'installer au pays de Canaan. C'est alors que la puissance divine, désignée par le tétragramme de YHVH lui impose la terrible épreuve du sacrifice de son fils, Isaac. Mais, finalement, seul un agneau sera immolé sur la colline de Moriah et sur le lieu du sanctuaire sera édifiée la ville de Jérusalem, ville sainte par excellence. Une alliance est conclue entre le très Haut et la race d'Abraham, issue d'Isaac, fils unique d'Abraham et de Sarah. En échange de la soumission à la volonté divine, le peuple "élu" reçoit la garantie d'une protection et d'un destin particulier, ainsi que l'attribution d'une terre. Le récit qui sera fait, au temps de Moise, de l'origine de l'alliance, précise: "Ce jour la Yahvé conclut une alliance avec Abram en ces termes: à ta postérité je donne ce pays du fleuve d'Egypte jusqu'au grand fleuve, le fleuve d'Euphrate les Qénites, les Qenizzites, les Qadmonites, les Hittites, les Perizzites, les Rephaim, les Amorites, les Cananéens, les Girgashites et les Jébuséens." Durant dix-neuf siècles on appellera ce territoire Palestine ou "Terre Sainte" après que les Romains eurent changé le nom de la "province de Judée" en "Syrie-Palestine".
Les limites et l'histoire de cette Palestine sont toutefois d'une grande complexité. Si l'histoire concorde avec la Bible, sauf à s'en tenir à la lettre de l'Ecriture Sainte, il faut bien convenir que le récit de la Genèse ou de l'Exode, les deux premiers livres reconnus par les juifs comme par les chrétiens, est plus mythique que réel. Pour les religions qu'il concerne, l'essentiel réside dans l'explication de la création du monde et la révélation de l'alliance fondamentale. Les livres suivants, dont l'origine remonte, au plus, au XIIe siècle avant notre ère, contiennent les commandements, les rituels à observer mais aussi le récit des événements, les faits et gestes des Juges et des Rois, les enseignements des prophètes, les chants sacrés. Au fil de la chronologie apparaissent des personnages et des lieux dont un grand nombre peuvent être identifiés avec assez de précision. La lecture de la Bible, cependant, peut être faite de deux façons: religieuse et /ou profane au sens premier du terme, c'est-à-dire hors du temple.
C'est la que différent les raisons qui, de Chateaubriand à Barrès, pour ne citer que ces deux Français, poussent nos voyageurs de Paris à Jérusalem. Les uns vont reconnaître ce qui est identifiable des noms cités par la Bible. Les autres vont chercher une adéquation entre ce qu'ils veulent bien admettre comme plausible et les traces que sanctionne la science historique. Pour certains, il s'agit de pèlerinage aux lieux saints comme on le pratiquait dès le haut Moyen Age, croisade en moins, pour d'autres, de quête savante et de préoccupations culturelles ou domine l'émotion. Pour tous, mais surtout pour ceux qui, sur place, les accueillent, les grugent, les volent, les estampent parfois, il n'est plus question que de tourisme. De toutes manières, la clientèle est immense. Parce que le monothéisme judéo-chrétien est devenu l'une des principales formes prises par cette préoccupation primordiale de l'homme, à savoir la religion. Ce culte, d'abord très limité et qui ne glisse que peu à peu de la monolâtrie au monothéisme plus théorique, acquiert une portée universelle quand un descendant d'Abraham, Jesus de Nazareth s'annonce comme le "Messie" (en grec: le Christ), comme le "Fils de Dieu", et meurt pour racheter une faute originelle portée par tous les hommes sans distinction. La notion de "peuple de Dieu" s'applique dès lors, non plus directement mais métaphoriquement, à la foule sans cesse grandissante de ceux pour qui le christianisme est la religion du salut, seule réponses au désespoir fondamental. A l'origine, le christianisme concerne un petit groupe de disciples qui ont suivie le Christ dans ses voyages à travers les provinces soumises de fraîche date par Rome: Judée, Samarie, Galilée et le long du Jourdain. Le sens de la communauté, la recherche de la pureté, le port de vêtements blancs, les rites de repas, ainsi que l'importance du "maitre de justice" sont autant de points communs entre ce christianisme naissant et les Esséniens, comme on peut le voir en comparant ce que l'on sait désormais de ceux-ci et ce que les textes nous rapportent de cette première "Eglise". Et Jesus ne commence-t-il pas sa vie publique en recevant le baptême des mains de Jean, dans les eaux du Jourdain? Jean "le Baptiste" appartient, lui, à la secte des Esséniens, tandis que Jésus serait peut-être membre de celle des Zélotes, ces "résistants" aux occupants romains et a leurs "collaborateurs", les Pharisiens… En définitive, tout le territoire compris entre Amman (aujourd'hui en Jordanie) et la mer, l'antique Phénicie (aujourd'hui la côte libanaise) et le golfe d'Aqaba, entre le Sinaï et l'Arabie Pétrée, est concerné par cette "géographie sacrée".
Deux événements majeurs se produisent à peu prés au moment où les premiers chrétiens décident d'ouvrir l'Eglise aux non-juifs (donc non-circoncis): d'une part, la fin tragique de ce qui subsistait de l'ancienne Judée à la suite de deux soulèvements patriotiques en 70, puis en 132-135, que Rome réprime sauvagement. Jérusalem est alors interdite aux juifs dont beaucoup sont massacrés - ceux qui sont épargnés sont dispersés ou assignés à résidence et le Temple est souillé par l'instauration d'un culte à Jupiter avant d'être entièrement détruit, d'autre part, l'établissement définitif des textes de la Bible. Réuni depuis la prise de Jérusalem à Jamnia, le Grand Conseil des rabbins, issu désormais de la seule secte des Pharisiens, décide de l'ordre et de l'orthodoxie des livres du judaïsme et autorise leur traduction en langue grecque à l'intention des juifs de la Dispersion ou Diaspora. Vers le milieu du IIe siècle, les chrétiens font de même avec leur Bible. Aux textes juifs de l'Ancien Testament qu'ils adoptent, ils ajoutent un ensemble appelé Nouveau Testament et composé des quatre Evangiles (Matthieu, Marc, Luc et Jean), des Actes des Apôtres, de vingt-et-une Epitres et de l'Apocalypse de Jean. La Diaspora et la diffusion des textes sacrés, à quelque version qu'ils appartiennent, contribueront à transformer la Terre Sainte en mythe et le pèlerinage "aux sources" en référence suprême.
Cependant le voyage en Terre Sainte demeure souvent aléatoire. Durant treize siècles, le territoire donné par Yahvé au peuple d'Israël, la terre foulée aux pieds par le fils de Dieu et ses premiers disciples, la Jérusalem des juifs et des chrétiens vont périodiquement être interdits aux uns et aux autres. Malgré le rôle primordial joue par le religion, c'est tout de même la situation géographique de ce carrefour de routes terrestres qui commande l'histoire de la Palestine. En Palestine justement, les chrétiens des deux premiers siècles sont persécutés comme dans tout le reste de l'empire. Le sang des premiers martyrs se mêle à celui du Christ. Mais après la mort d'Hadrien, les empereurs qui vont lui succéder autoriseront les juifs à revenir en Galilée. De Jamnia, le Grand Conseil et le patriarche s'établissent à Usha puis à Tibériade, ouvrent des écoles et des synagogues, rédigent le Talmud. Apres la conversion de l'empereur Constantin au christianisme en 312, les rapports du pouvoir Imperial avec les juifs et les chrétiens s'inversent. En Palestine, la période qui va du concile de Nicée (325) à l'invasion par les Perses (613) est particulièrement florissante pour les chrétiens - les deux années du règne de Julien l'Apostat mises à part. Durant ces trois cents ans, la tradition s'ancre, attribuant irrévocablement à tel ou tel lieu la valeur de "lieu de mémoire" qu'il conserve encore de nos jours. Cent cinquante ans seulement séparent cette implantation triomphante du christianisme en Palestine, de la fin de ce qu'on peut appeler l'Eglise "primitive", c'est-à-dire l'époque ou la primauté de l'évêque de Rome commence à être admise et où sont arrêtés les textes des Ecritures. Le souvenir des faits et gestes du Christ et des premiers disciples est encore proche - de même que la mémoire des paroles. Même si, parfois, la tradition accorde une place importante au légendaire.
Dès le premier siècle, alors que les plus anciens disciples sont encore vivants, les lieux saints ont accueilli les premiers pèlerins, généralement des évêques ou des envoyés spéciaux des communautés chrétiennes de l'Asie mineure et du bassin méditerranéen. Alexandre, évêque de Cappadoce, est le premier d'entre eux dont l'histoire a gardé la trace; le futur saint Alexandre accomplit la voyage à Jérusalem à la suite d'une vision, puis en devient le patriarche. Un siècle plus tard à peine, c'est au tour de la propre mère de l'empereur Constantin, sainte Helene, de se rendre en Palestine et à Jérusalem. Avec l'appui des traditions et en se fiant à ses propres observations, elle détermine trois emplacements importants: ceux de la naissance, de la mort et de la résurrection du Christ et fait construire deux basiliques, l'une à Bethleem, l'autre au Mont des Oliviers, pendant que son fils ordonne l'édification d'une troisième église à l'emplacement du Saint-Sépulcre. Au quatrième siècle, saint Jérôme, né en Dalmatie, commence, après des études faites à Rome, par voyager, notamment en Gaule. Attiré ensuite par la vie érémitique, dont l'idée vient d'Egypte, il s'établit dans le désert de Chalcis, en Syrie. Son grand renom lui vaut de devenir le secrétaire du pape. Il se retire enfin à Bethleem où il finit ses jours après avoir donné la première version en latin des livres de la Bible, à partir des textes hébraïques - ce que nous nommons la Vulgate. Une noble Romaine du nom de Paule, son amie qui l'avait suivi à Bethleem, y fonda trois monastères pour les hommes, et un couvent de femmes. Dans le désert de Judée (entre Hébron et la mer Morte), on comptait alors jusqu'à cent trente établissements religieux. La foule des pèlerins devait être particulierement importante a en juger par les Epitres de Jérôme qui s'en prend à ceux qui, de tout rang, de toute nationalité, débarquent sans cesse en Palestine mais ne semblent pas animés de sentiments "dignes du but qu'ils se proposent". Edouard Charton rapporte comment Jérôme essayait de limiter cette "épidémie". "[…] les portes du ciel, écrivait-il, sont tout aussi largement ouvertes aux Bretons dans leur patrie, qu'a ceux qui viendront à Jérusalem"! Au VIe siècle, un siècle prospère, l'empereur Justinien s'attacha tout particulièrement au développement de la Palestine. Il fit relever les monuments, dota Jérusalem de la basilique de Sainte-Marie-la-Neuve, favorisa la prospérité des villes nabatéennes et réunit deux conciles à Jérusalem, entre 536 et 553 pour combattre les hérésies. L'Eglise, en effet, était déchirée en permanence par toutes sortes de déviations doctrinales, de scissions et autres schismes. Le printemps de l'Eglise de Jérusalem s'achève au VIIe siècle avec une première invasion des Perses de Chosroes. Jérusalem est prise, ses habitants, qui commencent par résister, sont massacrés ou déportés. Les envahisseurs sont bien accueillis par les juifs et les Samaritains - ainsi libérés des chrétiens. Les églises sont pillées et livrées aux flammes. Selon la légende, seule la basilique de Bethleem est respectée… les Perses ayant reconnu pour compatriotes les rois mages qui en ornent le fronton. Un bref retour des Byzantins, ensuite, venge les avanies subies durant quinze ans d'occupation perse. L'empereur Heraklius vient en personne, à Jérusalem, rapporter la relique de la "vraie croix" que les Perses avaient enlevée et prend des mesures contre les juifs - 634 - pour les punir d'avoir bien accueilli l'envahisseur. Beaucoup d'entre eux émigreront vers les pays de l'Euphrate et la Perse.
Pendant ce temps, Mahomet prenait la Mecque dont il avait été chassé huit ans plus tôt. Il était le chef religieux et politique d'un embryon d'Etat de type nouveau réunissant les musulmans ou les fideles, venus des "douze tribus" d'Arabie. Son enseignement avait redonné l'enthousiasme et une certaine homogénéité à ces fils d'Ismaël qui se considéraient comme les descendants d'Abraham. La troisième religion monothéiste, l'Islam qui signifie abandon à Dieu, née au confluent des influences de la Perse et de Byzance alors en conflit, commence une expansion qui la conduira à l'ouest jusqu'à l'Atlantique et, à l'est, jusqu'au cœur de l'Asie, par la Perse. Ce sera l'affaire d'un siècle. Après la mort de Mahomet en 632, ses successeurs, les califes, lancent les cavaliers arabes à l'assaut des vieux empires qui, si longtemps, ont tenu pour méprisables ces marchands Qurayshites de la Mecque pourvoyeurs en parfums et en épices, en pierres précieuses, en soieries et esclaves.
Le calife Omar, second successeur du Prophète, assure à la nouvelle religion des victoires décisives. Contre la Perse, il remporte celle de Qadisiyya - 637 - qui donne aux Arabes la province persane de Mésopotamie et la capitale Ctésiphon. Tout le sud de la Palestine est occupé des 634. Les villes tombent plus tard. Pour éviter le désastre vécu en 614 avec les Perses de Chosroes II, le patriarche de Jérusalem négocie la reddition de sa ville en 638. En échange de la soumission et du paiement d'un tribut, les chrétiens sauvent leur tête et leurs églises. Ce modèle de "tolérance" forcée s'appliquera tout au long de la chevauchée, jusqu'en Espagne et jusqu'en Gaule. Omar achève la conquête de la Palestine par une grande victoire contre les Byzantins sur le Yarmouk et la prise de Césarée en 640. Le calife Omar, en une dizaine d'années, puis ses successeurs, en deux générations, parachèvent la ruine du monde antique d'une manière autrement plus efficace et durable que les simples prédations commises en Occident par les Barbares. Alors que ces derniers, sauf peut-être les Huns, se sont coulés rapidement dans les mœurs et coutumes de ceux qu'ils ont envahis, adoptant la religion de leurs vaincus et perdant leur langue d'origine, les conquérants de l'Islam imposent, le plus souvent par une violence sans pitié, leurs mœurs, leur langue (l'arabe) et leur religion sous peine de mort. Leur prétendues tolérance pour les religions qu'ils bousculent est très relative, et fait partie des moyens de pression mis en place pour extorquer des impôts pesants et des tributs parfois humiliants.
En Palestine, comme ailleurs, le califat a pour règle générale de déléguer l'administration (c'est-à-dire essentiellement la collecte de l'impôt et la réunion d'une main d'œuvre "gratuite" pour la réalisation de rares grands travaux) à une minorité soigneusement choisie dont on s'assure la fidélité par des avantages qui excitent la haine et la jalousie des autres groupes moins favorisés.
Du point de vue culturel, l'arabisation forcée va de pair avec la conversion à l'Islam de la plupart des vaincus. Les cavaliers du prophète ne laissent en place que quelques cultes marginaux, liés en général aux minorités qu'ils utilisent. En Palestine, quand ils ne font pas construire des mosquées sur les lieux saints - à commencer par celle que le calife Omar fait édifier sur les ruines du Temple de Jérusalem, encouragé en cela, dit-on, par le patriarche chrétien Sophronius - les nouveaux maitres négocient perpétuellement la conservation du Saint-Sépulcre ou de la grotte de Bethleem. Sur le modèle de ce qui a longtemps été vécu à La Mecque ou la Ka'ba attirait déjà, avant l'Islam, des foules de pèlerins désireux de se recueillir au sanctuaire attribué à Ismaël et son père Abraham, les gouverneurs arabes de Damas autorisent la venue en Terre Sainte de petits groupes de pèlerins qu'ils espèrent généralement fortunés. Ils les taxent lourdement, les prennent parfois en otages, les font détrousser et mettre à mort subrepticement ou ostensiblement après en avoir tiré tout le profit possible. Les croisades franques - dénommés d'ailleurs à l'origine "pèlerinages à Jérusalem" - se mobiliseront, entre autres raisons, pour donner aux chrétiens le libre accès aux lieux saints. Les foules seront galvanisées par le récit des avanies subies par les voyageurs intrépides qui en profitaient pour égratigner aussi au passage les juifs et les religieux grecs.
A la fin du siècle qui voit les Arabes maîtres du berceau des deux premières religions monothéistes, l'état des lieux le plus précieux est celui que dresse la Description de la Palestine de l'évêque Arculf dont le pèlerinage est rapporté par Saint Adaman: "Une multitude presque innombrable de toutes sortes de nations se rassemble chaque année à Jérusalem, le 15 septembre, pour traiter de diverses ventes et achats: aussi arrive-t-il nécessairement que pendant quelques jours la ville est forcée de loger cette foule d'étrangers de tous pays. Et les troupes de chameaux, de chevaux, d'ânes, de mulets, de bœufs, qui transportent les marchandises, remplissent d'ordures les places de cette populeuse cité, ce qui n'est pas pour les habitants un léger ennui, car cela les empêche même de sortir. Mais, o prodige! à peine tous ces étrangers sont-ils partis avec leurs bêtes de somme que, pendant la nuit, des torrents de pluie inondent la ville, entrainant avec eux toutes ces immondices, et lui rendent sa première propreté. Car la ville de Jérusalem, commençant au sommet nord du mont Sion, a reçu de Dieu une pente si douce jusqu'au bas des murs du nord et de l'orient, que cette masse d'eau ne peut séjourner dans les rues comme les eaux dormantes, mais à l'instar des fleuves, descend de haut en bas. Toutes ces eaux pluviales, s'échappant par les portes de l'orient en entrainant avec elles toutes les ordures, entrent dans la vallée de Josaphat et vont grossir le torrent du Cédron. Puis, après ce baptême, la pluie cesse dans Jérusalem. Aussi jugez combien cette ville est vraiment l'élue du Très-Haut, puisqu'il ne veut pas qu'elle reste souillée un seul jour ; mais en l'honneur de son Fils, il la purifie, cette cité qui, dans l'enceinte de ses murs, renferme les lieux sanctifiés par la croix et la résurrection" Arculf apporte aussi une précision sur l'origine de la mosquée d'Omar: "Dans ce lieu illustre, près du mur de l'Orient, ou s'élevait autrefois ce temple si magnifique, le temple de Salomon, les Sarrasins ont construit une demeure de prière quadrangulaire, formée d'un vil assemblage de grandes poutres et de planches sur quelques ruines anciennes: elle peut, dit-on, contenir trois mille personnes." La présence d'une telle foule, à cette époque de l'année, devrait permettre de dater avec précision le voyage d'Arculf.
En cette fin du VIIe siècle, le calife de Damas, Abdel-Malek, vient d'autoriser les musulmans des pays nouvellement conquis (Syrie, Egypte, Mésopotamie) à s'acquitter de leur pèlerinage obligatoire à la Mecque en se rendant à Jérusalem, ville sainte de l'Islam. En effet, à l'origine, Mahomet avait demandé aux premiers fidèles de réciter les prières quotidiennes en se tournant vers Jérusalem. N'y honorait-on pas les deux prophètes précurseurs: Misa et Isa, c'est-a-dire Moise et Jésus? Puis en 624, après la victoire de Badr sur les Mecquois, Mahomet avait orienté les fideles vers la Ka'ba plutôt que vers Jérusalem, marquant ainsi sa réprobation aux juifs qui avaient refusé de le soutenir dans son exil à Médine. Les juifs comme les chrétiens devaient d'ailleurs beaucoup décevoir le Prophète. Les premiers, en n'étant pas d'accord sur son interprétation des textes bibliques et les seconds en ne pouvant admettre - comme les docètes (des hérétiques) - que Jésus, Fils de Dieu, n'ait pas de nature humaine mais seulement une apparence, et que seul son fantôme avait été crucifié. Arculf ignore évidemment toutes ces nuances de la religion d'Allah. En revanche, il connaît parfaitement l'état des querelles qui ont agité et qui agitent encore l'Eglise d'Orient ou l'influence du politique préparera le grand schisme. Cependant il ne discute pas de l'authenticités de ce qu'on lui montre. L'attitude de mise en doute permanente est plus tardive, ce sera le commencement de l'irréligion. A en croire les esprits forts ceux, notamment, qui feront le voyage en Terre Sainte au XIXe siècle, rien n'est dans rien et surtout pas la où on prétend qu'il soit.
Cependant, aux califes omeyyades de Damas avaient succédé les califes abbassides de Bagdad. Au Xe siècle chrétien et IIIe siècle de l'hégire, les chi'ites, partisans du fils adoptif et cousin de Mahomet, Ali ibn Abu Talib, faisaient déjà parler d'eux. Les fatimides, descendants de Fatima, épouse d'Ali, fille de Mahomet, prenaient le pouvoir en Ifriqiya (Mahgreb oriental) et marchaient vers l'Egypte dont ils s'emparaient. Ils s'attaquaient ensuite à la Palestine au moment où les auxiliaires turcs des abbassides prenaient, à Bagdad, de plus en plus d'importance. En 1009 ou 1010, Al-Hakim, troisième calife fatimide d'Egypte, s'emparait de Jérusalem. Ce fut une heure aussi tragique pour la ville sainte que celle vécue par les juifs au temps de l'exil ou, en 134, quand Hadrien perpétra un désastre plus grave encore pour les lieux saints que l'invasion perse de 614. Sur ordre du calife Al-Hakim, le gouverneur de Ramallah fit raser complètement la construction de Constantin relevée par Heraklius. Autant qu'il fut possible, dit-on, les vainqueurs prirent soin de détruire, creuser et déformer jusqu'au Saint-Sépulcre lui-même… Mais deux menaces pesaient sur le nouvel empire fatimide. A l'est, les Turcs, auxiliaires du calife de Bagdad, les Saljûqides, prenaient position en faveur des abbassides déchus (qui demeuraient dans la tradition sunnite). A l'ouest, les Normands et les Francs chrétiens s'avançaient en Méditerranée, menaçant la Sicile, les côtes de Tunisie mais aussi les positions de l'empire byzantin. Les fatimides furent donc contraints de s'entendre avec leurs rivaux les plus immédiats, les chrétiens de Byzance. En 1048, après un certain nombre d'arrangement, l'église du Saint-Sépulcre fut à nouveau reconstruire et les lieux saints restaurés.
|
|