Que vienne la pluie de Bahij Hojeij...

Cinéma – Que vienne la pluie de Bahij Hojeij ou le retour des disparus (Agenda culturel du 9 au 22 mars 2011)

Plus de 20 ans après son documentaire "Kidnappés" (1988), le réalisateur Bahij Hojeij se penche de nouveau sur le thème, encore douloureux pour beaucoup de Libanais, des disparus de la guerre civile libanaise.

Le dernier film en date de Bahij Hojeij "Que vienne la pluie", sort aujourd'hui en salles. Il a récemment décroché à Abu Dhabi la Perle noire du meilleur long métrage arabe. Ce film, qui se penche sur le cas des dissidents politiques kidnappés durant la guerre civile libanaise, a également été sélectionné au festival cinématographique de Doha Tribeca, ainsi qu'au 37e Festival du Film indépendant à Bruxelles.

L'acteur principal du film, Hassan Mrad, y a d'ailleurs remporté le prix du meilleur acteur pour le rôle de Ramez. Bahij Hojeij à, en outre, reçu en décembre le prix du meilleur réalisateur au quatrième Festival international du film arabe à Oran, en Algérie.

Après-retour

"Que vienne la pluie" examine, avec beaucoup de délicatesse, la situation des " disparus" de la guerre civile lorsque l'un de ces derniers, Ramez (Hassan Mrad), se retrouve libéré après 20 années de détention et projeté dans le monde actuel, avec toutes les conséquences et les bouleversements qu'implique "l'après-retour". En effet, la famille et le monde qu'il a quittés lors de son incarcération ont changé, évolué - d’où un décalage marqué entre certains souvenirs figés dans le temps que Ramez a conservés et la réalité, difficile à assumer pour ce dernier.
Le personnage, diminué physiquement et mentalement, se retrouve en effet face à sa femme (Julia Kassar) qui a, tant bien que mal, élevé 20 ans durant leurs deux enfants (Elie Mitri et Diamant Bou Abboud). Des enfants qui ont entre-temps grandi et sont devenus en âge de poser des questions, notamment vis-à-vis du retour de ce père qu'ils ne connaissent pas.

Victimes collatérales

Outre le sujet incontournable des bouleversements provoqués par le retour plutôt abrupt de Ramez dans sa famille, le film s'intéresse également aux dommages irréparables provoqués par la guerre civile, un sujet douloureux jusqu'à ce jour pour beaucoup de Libanais. Parallèlement à l'histoire de Ramez, le personnage de Nayfeh Najjar (Bernadette Hodeib), inspiré de la vraie histoire d'une journaliste d'As-safir dont le fils a été kidnappé pendant la guerre, et celui de Zeinab (Carmen Lebbos), autre femme de disparu, fidèle à la mémoire de son mari, illustrent également les ravages causés par la guerre sur la vie des civils.

Dans "Que vienne la pluie", un homme perd partiellement la raison, une mère se consume de chagrin, une femme se fane dans un appartement vide qu'elle ne quitte jamais, des enfants grandissent sans père… Bahij Hojeij insiste à cet égard sur le fait qu'il n'a pas souhaité traiter de la guerre en soi, mais plutôt aborder L'aspect humain et social des conséquences du conflit.

Dalal Medawar