Cinéma Libanais en ébullition

Le cinéma local en ébullition Agenda culturel numéro 385, 2010/2011

L'année 2010, l'année du cinéma libanais. Vérité lancée à tout vent, peut-être. Mais en cette année, les films locaux se sont distingués, ont fait couler beaucoup d'encre et ont déferle, sur plusieurs supports et de différentes manières. Rétrospective.

Dans les salles obscures, si les premiers mois de l'année se sont écoulés entre blockbusters et films hollywoodiens, les derniers mois de 2010 ont ravi les cinéphiles, à la recherche de talents locaux. En septembre, Zeina Daccache dévoile les coulisses de son expérience de drama-thérapie à la prison de Roumié. Dans le documentaire "12 Angry Lebanese", les prisonniers, comédiens l'espace de quelques mois, lèvent le voile sur leur vie, leurs crimes et leurs espoirs enfin retrouvés. Un témoignage poignant de derrière les barreaux, dans l'espoir que cette expérience se renouvelle. Et elle se renouvelle, toujours en coulisses. Le mois d'octobre, les va et vient dans les circuits de cinéma ne cessent de se répéter. Entrée en matière avec la projection tant attendue du premier long-métrage de Dima el-Horr, "Chaque jour est une fête", puissant par ses tableaux et son esthétique. A peine le temps de se reposer que Jocelyne Saab nous plonge dans la poésie et l'imaginaire d'un (e) Beyrouth, tellement différente, avec "What's Going On?". Et c'est au tour du grand public de savourer le pétillant "Yanoosak", signé Elie Khalifé et Alexandre Monnier. Autre sujet, autre ambiance; en novembre, le documentaire « A History Lesson » de Hady Zaccak démontre les contradictions dans les cours d'histoire donnés dans cinq écoles différentes à Beyrouth. Bientôt, fin janvier 2011, "Balle perdue" de Georges Hachem sera sur grand écran.

"Nul n'est prophète en son pays" Le succès de nos cinéastes nous a devancés. Nommé, sélectionné et projeté aux quatre coins du monde, le premier long de Georges Hachem, mettant a l'affiche Nadine Labaki, s'est distingue lors du 25eme Festival du Film francophone de Namur, en Belgique. Son chef operateur, Muriel Aboulrouss, a reçu le Bayard d'or de la Meilleure photographie, faisant d'elle la première femme libanaise, et dans le monde arabe, a recevoir ce prix.

Une première qui fait date, au moment où le film tourne toujours à l'étranger, alimentant le suspense chez le public libanais. Suspense également du côté du dernier film de Bahij Hojeij, "Chatti ya dinié", détenteur déjà de deux prix: le "Black Pearl" (meilleur film) au Festival d'Abu Dhabi et le prix du meilleur acteur pour Hassan Mrad, au 37ème Festival international du film indépendant à Bruxelles. Ce n'est peut-être que le commencement.

Histoire de commencement, souvent les films libanais font le tour du monde avant d'atterrir sur leur sol natal. C'est ainsi que le Festival international du film de Dubaï, (DIFF), en sa 7ème édition, a accueilli sept œuvres libanaises. Deux de ces films ont été honorés: le long métrage "Balle perdue" vient de remporter le prix Muhr du meilleur film arabe et le court métrage "Un mardi" de Sabine el-Chamaa a reçu le prix du meilleur court métrage. Les autres films libanais projetés au Festival sont: "Le temps de la balle", une production franco-libanaise d'Herve Kakubowicz, "2 1/2" d'Elie Kamal, "Bahiya wa Mahmoud" de Zaid Abou Hamdan, et les documentaires "Malaki, Scent of an Angel" de Khalil Zaarour et a "Beirut al Mouss" de Zeina Sfeir.

Les festivals locaux ne sont pas en reste. Lors de ces festivals, sont projetés des films en première ou avant-première, en attendant une sortie aléatoire, dans les salles de cinéma. C'est le cas du dernier long du réalisateur libano-suédois, Josef Farès, qui nous a offert "Jalla! Jalla!" et "Zozo"; "Farsan", projeté dans le cadre de la 27ème édition du Festival international du cinéma européen a reçu le prix de la meilleure réalisation au Festival international du film de Doha Tribeca. Quant à Ghassan Salhab, ce fut salle comble lors de la projection de "The Mountain" à l'occasion de la sixième édition du Festival Ayyam Beirut al-cinema'iya. Mais comme toujours, le Liban cache son lot de surprises, ou de mauvaises surprises; le documentaire de De Gaulle Eid, "Chou sar?", n'a pas été révélé au grand public, en raison de la censure de la Sureté général. Le film aurait suscité, dit-on, des dissensions à l'échelle nationale, de par son sujet où De Gaulle Eid se rend au village d'Ebdel à la recherche des assassins de sa famille.

D'écran en écran
Dans un autre village, a Ain el-Halazoun, Simon Habre avait filmé, il y a plus de 2 ans, son oncle Semaan, seul habitant de ce village déserté durant et après la guerre. "Semaan bil day3a" ou "The One Man Village" est sorti sur DVD cette année. A l'instar du premier long de Chadi Zeineddine, "Falling From Earth", accroissant ainsi le nombre de films libanais disponibles sur le marché. Et si vous avez la chance de connaître une bonne vidéothèque, vous pourrez retrouver aussi sur support digital, "Un homme perdu" de Danielle Arbid, sorti en coffret mk2 incluant également "Dans les champs de bataille". Danielle Arbid, elle, s'activait, ces derniers mois, à tourner à Beyrouth son dernier long, "Chambre d'hôtel", mettant en vedette l'acteur français Charles Berling.

Du grand écran au plus petit, au plus personnel, voici que le cinéma se compose au temps d'Internet.

"Shankaboot" est lancé en avril; le premier Web Drama dans le monde arabe, porté par une équipe libanaise en collaboration avec la BBC, est déjà à la fin de sa troisième saison, et les fans sont accros de cette plongée dans les rues de Beyrouth et du Liban.