Une vraie nouvelle politique au Liban 2009/2010

La semaine dernière le chef charismatique du Parti de Dieu Sayyed Hassan Nasrallah a tenu un discours qui apparemment pouvait passer inaperçu, tant les thèmes sont prévisibles ; « Nous sommes plus fort que jamais. Nous ne craignons personnes », pour conclure en une sorte de « Nous ne transigerons jamais sur notre dignité tout en nous tenant prêt au dialogue ». Pourtant après une attention plus soutenue nous voyons ce discours là, prendre une importance capitale. C’est vrai, cette information hautement significative est coincée entre des paragraphes attendus mais elle n’en est pas moins capitale.

Tout le monde sait que l’Hezbollah est naît dans la banlieue sud de Beyrouth, lors de la guerre de juin1982 quand Israël écrasa l’OLP et permis l’élection du regretté Béchir Gemayel chef des Forces Libanaises. Sous le signe des Gémeaux s’effaçait l’Etat dans l’Etat qu’était devenue l’organisation palestinienne. Mais, au même instant naissait un semblable problème avec l’Hezbollah.

Cinq armées étrangères ; Française, USA, Britannique et même Italienne sans revenir sur l’Israélienne, campaient au Liban « afin d’aider l’Etat Libanais à se renforcer ». Evidemment j’allais l’oublier, il y avait aussi l’armée Libanaise. Il est à noter que l’Armée Israélienne pas plus que les autres, libanaise comprise, ne pénétrèrent jamais dans la banlieue sud.

Durant deux mois le destin poursuivit son chemin inexorable ; Béchir « Le Grand » élu sous le signe du Lion fut assassiné le jour de la Fête de la Croix tandis que son frère se faisait élire avec une majorité encore plus large que son frère cadet mais sous le signe de la Balance. Le temps passe, les occasions de mettre en route les diverses institutions se perdent. Les négociations de paix traînent en longueur en ne sachant pas trop bien qui est l’ennemi qui est l’allié pour aboutir dans un climat de lassitude au vote au Parlement le 17 mai 1983.

Puis il y eut, en octobre 1983 sous le signe du Scorpion, des attentats suicides à la camionnette explosive frappent trois armées ; la Française -58morts-, l’Américaine -250- et l’Israélienne -78-. Comme réaction naturelle, pendant quinze jours, dans une sorte de silence, tout le monde attendit l’invasion de la banlieue sud. C’était le B et A, BA de toute crédibilité politique. Rien ne se produisit. Seul le Département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique fit une déclaration officielle disculpant Walid Joumblatt et Nabih Berry.

Encore quatre mois d’hésitations avec des demandes dérisoires pleines de sous-entendus et le 6 février 1984, la banlieue sud avec les milices de Walid Joumblatt et de Nabih Berry « libérèrent » la moitié de Beyrouth. Sous ce signe du Verseau, marques des espérances révolutionnaires, un nouveau processus se mit en route vers « une nouvelle terre » ; Paris en février 1848 eut le réveil des peuples avec la deuxième république, Petrograd en février 1917 eut cette espèce d’enchantement généralisé. Dans notre cas le Président Amin Gemayel vît partir toutes les armées y compris la sienne en partie. Finalement il du faire abroger par le même parlement le fameux accord du 17 mai. Dans un nouveau gouvernement, il du accepter Walid Joumblatt ministre des travaux public et Nabih Berry ministre de la justice. C’était leur première consécration politique.

Cependant la vraie dynamique résidait dans Hezbollah ; sans précipitation, ni discours mais avec une organisation secrète et impitoyable, il prenait force et puissance. Il poursuivit cette ascension dans une vision d’un monde à la cohérence sans faille ; la Révolution Khomeyniste. Depuis un quart de siècle il releva chaque défi. Il devenait plus fort après chaque épreuve. Il apparu au grand jour formidable, sûr de lui et dominateur. Son évolution un peu fantastique le porta vers les sphères officielles, toujours avec une certaine lenteur et mesure le rendant encore plus inquiétant. Une sorte d’apothéose fut atteinte dans l’avant dernier discours ; « Quelle place dans le nouveau gouvernement d’union nationale pouvait revendiquer le Parti de Dieu ? ». La réponse arriva avec toute la tranquillité suffisante voulue « Hezbollah peut gouverner un pays cent fois plus grand que le Liban ».

Quel ne fut pas mon étonnement quand dans le dernier discours j’entendis le chef suprême appeler à l’aide, la Gendarmerie et les Forces de Sécurité Intérieure. Il les invitait à venir, à entrer dans sa banlieue sud ! Ainsi nous apprenions que les jeunes, ses jeunes, se droguaient avec des pastilles ayant abandonnés la poudre blanche en vrac. Pire, le Parti de Dieu n’était plus assez puissant pour arrêter les voleurs de sa banlieue sud. Quoi ! Au cœur du cœur de la cité sainte il y avait tant de perversion au point de faire appel à l’Etat libanais si faible pourtant ? Finalement Sayyed Hassan Nasrallah s’exprima, dans ces paragraphes là, comme un Patriarche morigénant son peuple ; « O temporas ! O mores ! ».

Si de telles faiblesses furent avouées que ne doit-il y avoir d’inavouables. Déjà diverses affaires d’espionnages montrèrent d’anormales antipathies parmi les chiites envers un mouvement sensé être leur unique. Dans le nouveau parlement il n’y pas un seul député « opposant ». Il y avait les intentions et même quelques discours, mais par l’intimidation elles ne pouvaient pas se faire élire. Si nous regardons les finances, les faiblesses se font encore plus fortes ; il y a eu un Madoff libanais d’un milliard de $ : il est chiite et travaille avec le Parti de Dieu. Tout le système financier d’Hezbollah passe par des cheminements opaques non classiques. Cela peut avoir des avantages afin d’éviter les réseaux internationaux surveillés mais les inconvénients de pertes et fuites prennent une plus grande ampleur. Quiconque connaît un peu l’Histoire Militaire sait que la gestion de l’intendance est une source de faiblesses humaines perpétuelles ; à côté de la gloire des jours de grands combats il y a toujours l’or du quotidien.

Faut-il se réjouir qu’une tentative de créer un Etat honnête sous le regard de Dieu échoue ? Faut-il désespérer l’humanité en soulignant que tous, nous sommes des pécheurs devant la tentation du veau d’or ? Animal à mon avis aussi aimable que l’agneau. Je crois que le Liban montre depuis 66 ans d’indépendance dans une liberté assez anarchique qu’il peut y avoir beaucoup plus de vertus dans l’esprit libéral du commerce que dans des régimes trop autoritaires fascinés par la discipline militaire. Malheureusement Hezbollah prône ce genre là. Une des forces de la vraie résistance chrétienne fut d’accepter sur son propre territoire des personnes leurs étant foncièrement hostiles. Il n’a jamais été l’intention de transformer notre canton en caserne tout en évitant la société casino. Dans ce sens l’Eglise Maronite me semble dans la meilleure voie ; n’est moine qui veut sans s’imposer à toute la société qu’elle inspire néanmoins. Il n’en reste pas moins très instructif de voir dans le Moyen Orient de voir comment chaque communauté humaine relève les terribles défis du monde moderne.

Michel Rouvière