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Abou Samra - Héros populaire libanais |
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Abou Samra
Parmi les héros populaires libanais qui vécurent au XIXème siècle et qui ont mené une dure campagne contre la Sublime Porte figure Abou-Samra, un paysan libanais né à Bkassine (Liban-Sud) en 1828.
La vie de cet intrépide guerrier maronite est jalonnée d'événements sensationnels. D'ailleurs l'histoire des Maronites est inséparable de celle du Liban, dont ils ont déterminé le destin de manière capitale.
Nous savons tous que l'époque des Mamlouks fut pour la nation maronite une période d'épreuves et de difficultés. Les Croisés partis, les rapports avec l'Occident furent peu à peu totalement interrompus et les chrétiens eurent à souffrir des tracasseries d'un pouvoir résolument hostile. En outre, les Ottomans, maîtres de la Méditerranée orientale à l'époque, ont déclenché une persécution violente contre les différentes communautés chrétiennes du Petit-Liban et surtout contre les Maronites. Voilà pourquoi à certaines périodes, on assiste à des soulèvements et à des révoltes contre l'occupant (Mamlouks, Egyptiens, Ottomans) qui provoquèrent des mouvements migratoires internes souvent d'une grande ampleur.
Le nom d'Abou-Samra est curieusement devenu l'objet d'une vénération populaire à cause de son patriotisme et de son opposition farouche à la politique de l'Emir Béchir II Le Grand vis-à-vis d'Ibrahim Pacha et de l'armée égyptienne stationnée au Liban.
D'autres héros populaires méritent notre attention tels Chantiri et Dagher, mais Abou Samra eut le bonheur d'échapper à la mort et de rester en liberté tandis que Dagher fut tué dans la premier phase de la lutte et Chantiri saisi par l'Emir Béchir et livré à Ibrahim Pacha qui l'envoie en exil.
Selon certaines sources, pour avoir munitions et vivres, dont tout le monde manquait Abou Samra se livrait avec ses hommes au pillage des casernes égyptiennes dans le Sahel et s'attaquait aux groupes des gardes aux portes et fortifications de Beyrouth. La farine était enlevée de force aux moulins à eau d'Antélias, de Nahr El-Kalb et de Nahr Ibrahim.
Ce héros avait également crée un conseil pour l'aider dans son mouvement contre Ibrahim Pacha et l'Emir Béchir II.
Les notables libanais de différents bords, avaient suivi le mouvement d'Abou Samra mais ils étaient souvent contactés par les agents de l'Emir et se retirèrent du combat.
Abou Samra ne se contenta point de son succès aux environs de Beyrouth, il se mit à visiter les principales localités du Nord du Liban. Il recruta plusieurs dizaines de volontaires, de Mounaitra, de Kartaba, d'Akoura, de Jbeil et de Batroun, Koura, Zaouieh. Il remporta une première victoire sur la garnison de Tripoli.
Abou Samra avec ses rebelles ont présenté à l'Emir Béchir une série de plaintes et exigèrent de lui une amélioration de leur situation parmi lesquelles:
1- Les armes sont la garantie de leur sécurité et ne pourraient nullement leur être arrachées.
2- Les corvées et les avaries sont contraires à leurs mœurs.
3- L'intolérable taxe personnelle "Farda" est à supprimer.
4- Les vivants ne doivent pas supporter la part des morts, dans le paiement de cette taxe.
5- L'Emir devrait éloigner le maitre Boutros Karamé du palais de Beiteddine.
6- Un conseil administratif devrait être installé à sa place.
7- La tactique criminelle de dresser les communautés libanaises les unes contre les autres et de les faire soumettre aux Egyptiens devrait être abandonnée et respectée l'union actuelle des Maronites et des druzes.
8- Enfin l'accès du sol libanais devrait être absolument interdit aux troupes égyptiennes.
Le plan d'Abou Samra a échoué et 60 parmi les principaux responsables dont 4 Chéhab, 4 Bellama, 4 Abou Nakad, 1 Khazen et 44 membres populaires qui se sont rendus à Bechir II ou se sont faits arrêter par ses soldats ont été envoyés en exil.
Décapitée de la sorte, la révolution s'arrêta. Abou-Samra revint du Liban-Nord avec un nouveau plan. A son arrivée à Jounieh il apprend que six mille turcs, deux mille anglais et cinq cents autrichiens venaient d'être débarqués avec l'artillerie et tout le matériel nécessaire aux opérations d'une guerre déclarée contre le vice-roi d'Egypte.
Alors il se mit en route vers son nouveau destin. La nouvelle de son retour au champ de la bataille se répand avec la vitesse d'un éclair. Les partisans par groupe de cinq cents quittent leurs villages pour le suivre et forment sous ses ordres un véritable corps d'armée.
Izzat Pacha, commandant en chef des troupes ottomanes, le nomma gouverneur des cantons de Jbeil, Batroun, Jobbet Becharré, Koura et Zaouieh, avec le titre de Agha qui signifie chef en langue turque.
Un mois après sa nomination comme gouverneur du Liban-Nord, Abou Samra dut quitter son nouveau poste car il fut désigné comme chef de cinq cents volontaires libanais au service de l'Emir Béchir II. Ainsi il réussit à harceler les arrières de l'armée d'Ibrahim Pacha à travers sa retraite vers l'Egypte. Il connut alors les pires dangers de son existence. Il fut deux fois blessé et faillit, à plusieurs reprises, tomber aux mains d'Ibrahim Pacha.
Son retour au village natal
Pour la première fois après l'avoir abandonné à l'âge de sept ans, Abou Samra revint a Bkassine, son village natal; ses compatriotes lui réservent un accueil triomphal: baroud d'honneur, carillon des cloches, torches et cierges allumés, jamais, ni avant ni après ce jour, le village de Bkassine ne connut une telle fierté.
Avec l'Emir Béchir III
L'Emir Béchir III, qui déjà le connaissait bien, l'appela et le nomma chef de la force armée dont il disposait pour le maintien de l'Ordre intérieur.
L'administration de ce dernier émir chéhabite finit par la déchéance et Abou Samra le "Bikbachi" faillit être saisi et mis à mort par les druzes.
Quelques semaines plus tard le patriarche maronite fit appel à lui pour veiller au sort des refugiés chrétiens de Kesrouan puis de porter secours au village de Zahlé dans la Bekaa.
Ainsi Abou Samra repart de nouveau pour une nouvelle série d'aventures et de rencontres glorieuses.
En 1842, Omar Pacha le gouverneur turc du Liban, le chargea d'une mission militaire contre les révoltes druzes. Une fois le calme revenu, Abou Samra regagne Bkassine entièrement détruit par les ennemis.
Sans perdre ni courage ni temps, il rejoint les survivants de ses compatriotes et se livre avec eux à la reconstruction de leurs foyers. Il se confesse, se marie et replonge dans les activités paysannes parmi les champs et les animaux domestiques. En 1860, il était déjà le père d'une nombreuse famille. Il se livre à l'organisation d'une résistance méthodique. Il réussit avec ses compatriotes à repousser les assaillants. Mais, hélas, il fut abandonné et isolé par ses propres amis. De nombreux villages furent incendiés et saccagés et Bkassine en particulier fut réduit en cendres.
Pour échapper à un détachement de cavaliers druzes, il fit sauter son cheval de part en part d'un ravin que ses ennemis ne purent traverser. Il se dirigea vers Jezzine et poursuivit sa course vers l'ouest pour gagner Saida. Il retrouva sa femme et ses enfants avec d'autres familles dans des villages chiites loin de tout danger. Puis il continua sa course jusqu'aux portes de Tyr où, hélas, il échappe de nouveau par miracle à un attentat. Les vice-consuls de France et d'Angleterre viennent le trouver et tentent de le mettre en sécurité. Durant la nuit, Abou Samra gagna Beyrouth incognito par voie maritime. On lui révéla discrètement, que le gouverneur ottoman de la ville venait de mettre sa tête à prix. Abou Samra se rendit à Jounieh où quelques semaines plus tard sa famille vint le rejoindre avec d'autres refugiés.
En 1861, Daoud Pacha, premier Moutassarrif du Petit-Liban, le nomma commandant de la force auxiliaire créée par le nouveau maitre du pays.
En 1865, Daoud Pacha lui ordonne d'aller combattre Youssef Bey Karam qui organisait la résistance au Nord du Liban. Il refusa. Le Moutassarrif mit fin au service du vieux cavalier sans lui accorder la moindre indemnité.
En 1866, Franco Pacha, second Moutassarrif, lui allouera cent piastres par mois. Il sera le premier libanais ayant reçu une pension de retraite.
Abou Samra mourut en 1895, à Bkassine, dans la religion chrétienne après avoir reçu les derniers sacrements.
Joseph Sokhn
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